Sutra du Lotus*
妙法蓮華經
Chapitre V
Parabole des herbes médicinales
(藥艸諭品, Yakuso yu hon, Yaocao yu pin)

 

{§1} A ce moment*, le Vénéré du monde* déclara à Mahakashyapa* et aux grands disciples :

{§2} C'est bien, c'est fort bien, Kashyapa*, tu as fort bien exposé les mérites réels de l'Ainsi-Venu. Il en est véritablement comme tu l'as dit, et l'Ainsi-Venu possède encore d'innombrables et infinis mérites incalculables; même si tu les exposais pendant d'innombrables myriades d'âges cosmiques, tu ne saurais les épuiser.

{§3} Il te faut le savoir, Kashyapa*, l'Ainsi-Venu est roi des enseignements; rien de ce qu'il prêche n'est vain. L'ensemble des enseignements, c'est par les expédients (hoben) de sa sagesse qu'il les expose. Les lois qu'il prêche, toutes tant qu'elles sont, font atteindre à la terre de l'omniscience. L'Ainsi-Venu sait par son discernement où mène l'ensemble des enseignements, de même qu'il sait ce qui s'opère au plus profond de la pensée des êtres; sa pénétration perspicace est sans obstacle. De plus, il est d'une lucidité consommée pour ce qui est des enseignements, et montre aux êtres l'ensemble des sagesses.

{§4} Kashyapa*, imagine, par exemple, les herbes et les arbres, les forêts et les simples qui poussent de par les monts et les fleuves, les vallées et les sols du monde tricosmique; dans leur diversité et leur variété, chacun est différent par son nom et sa forme. Une dense nuée va s'étendant de plus en plus largement jusqu'à couvrir l'ensemble du monde tricosmique; en un même moment, elle se répand en une pluie égale, dont l'humidité fertilise universellement herbes et arbres, forêts et simples; petites racines, petits troncs, petites branches, petites feuilles, racines moyennes, troncs moyens, branches moyennes, feuilles moyennes, grandes racines, grands troncs, grandes branches, grandes feuilles; les arbres grands et petits, selon qu'ils sont de haute, moyenne ou basse taille, en reçoivent chacun. Avec la pluie d'un seul et même nuage, ils obtiendront, conformément à leur nature séminale, de croître, de fleurir et de porter des fruits. Bien que nés d'un même sol, fertilisés d'une même pluie, herbes et arbres sont tous distincts les uns des autres.

{§5} Il te faut le savoir, Kashyapa*, il en va de même pour l'Ainsi-Venu; il apparaît au monde comme surgit le grand nuage; il porte, de sa grande voix, à l'universalité des devas*, hommes et asuras* du monde, de même que le grand nuage couvre universellement les terres du monde tricosmique. Au sein d'une grande foule, il proclame ces paroles: "Je suis l'Ainsi-Venu, Arhat*, Samyak-Sambuddha*, Vidya-carana-sampanna*, Sugata*, Lokavit*, Purusa-damya-sarathi*, Sasta deva-manusyanam*, Buddha*, Bhagavat*, celui qui fait passer ceux qui ne sont pas encore passés, qui libère ceux qui ne sont pas libérés, qui soulage ceux qui ne sont pas en paix, qui mène au nirvana ceux qui n'y sont pas encore. Les existences présentes et à venir, je les connais en leur réalité, je suis l'omniscient, l'omnivoyant, celui qui connaît la Voie, celui qui ouvre la Voie, celui qui expose la Voie. Vous tous, multitude de devas*, d'hommes, d'asuras*, devez venir ici afin d'écouter le Dharma."

{§6} À ce moment, toutes sortes d'êtres, en d'innombrables milliers de myriades, viennent auprès du Bouddha et écoutent le Dharma. L'Ainsi-Venu discerne alors le caractère aigu ou obtus des facultés des êtres, leur énergie ou leur inertie, et leur expose le Dharma selon ce qu'ils peuvent en supporter en d'innombrables variétés, les menant tous à la joie et à l'obtention allègre de bienfaits. Ces êtres, ayant entendu le Dharma, sont soulagés pour l'existence présente et, pour l'existence suivante, renaîtront en des lieux propices, où ils recevront, selon leur voie, la félicité et obtiendront encore d'entendre le Dharma. Une fois qu'ils l'auront entendue, ils seront dégagés des obstacles et, au sein des différents enseignements, conformément à ce que leur force permettra, ils entreront graduellement dans la Voie, de la même façon que, le grand nuage ayant répandu sa pluie sur les herbes et les arbres, les forêts et les simples, selon leur nature séminale, ils bénéficient en totalité de l'aspersion et chacun obtient de croître.

{§7} Le Dharma que prêche l'Ainsi-Venu a un unique aspect, une unique saveur, à savoir l'aspect de délivrance, l'aspect d'abandon, l'aspect d'extinction, parachevé dans la science de toutes les espèces. Ceux des êtres qui entendent le Dharma de l'Ainsi-Venu, soit qu'ils le préservent, le récitent ou le pratiquent tel qu'il a été exposé, ne se rendent pas compte des mérites qu'ils acquièrent ainsi. Comment cela se fait-il ? C'est que seul l'Ainsi-Venu connaît l'espèce, l'aspect, la substance, la nature d'un être, ce à quoi il pense, ce à quoi il réfléchit, ce à quoi il s'exerce, comment il y pense, comment il y réfléchît, comment il s'y exerce, selon quelle méthode il pense, selon quelle méthode il réfléchit, selon quelle méthode il s'exerce, et par quelle méthode il obtient quel Dharma. La variété des terres où demeurent les êtres, seul l'Ainsi-Venu la perçoit en sa réalité, avec une lucidité à laquelle rien ne fait obstacle, de la même façon que les herbes et les arbres, les forêts et les simples ne savent pas d'eux-mêmes qu'ils sont de nature supérieure, moyenne ou inférieure, alors que l'Ainsi-Venu sait qu'il s'agît d'un Dharma d'aspect unique et de saveur unique, à savoir l'aspect de délivrance, l'aspect de dégagement, l'aspect d'extinction, parachevé dans l'aspect éternellement apaisé du nirvana et qui converge finalement vers la vacuité. L'Éveillé, ayant pris connaissance de cela, considère les désirs dans la pensée des êtres et se soucie de préserver ces derniers; c'est pourquoi il ne leur prêche pas immédiatement la science de toutes les espèces.

{§9} Vous autres, Kashyapa*, avez la chance rarissime de pouvoir prendre connaissance du Dharma que l'Ainsi-Venu prêche en l'accommodant aux dispositions, de pouvoir le recevoir et y prêter foi. Comment cela se fait-il ? C'est que le Dharma que les bouddhas, Vénérés du monde, prêchent en l'accommodant aux dispositions est difficile à comprendre et difficile à connaître.

{§10} Alors, le Vénéré du Monde*, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

Le roi du Dharma, qui détruit l'existant,
apparaît au monde
et, selon les désirs des êtres,
prêche le Dharma de façon variée.
{§11} Vénérable est l'Éveillé,
sa sagesse est profonde et porte loin;
longtemps il en tait la quintessence,
il ne cherche pas à l'exposer précipitamment.
{§12} Qui a la sagesse, s'il l'entend,
peut croire et comprendre;
qui est sans sagesse doute et regrette,
et elle est à jamais perdue pour lui.
{§13} C'est pourquoi, Kashyapa*,
il leur prêche selon leurs forces,
en toutes sortes de modalités
il leur fait obtenir la vue correcte.
{§14} Kashyapa*, il te faut le savoir,
il en est comme d'une grande nuée
qui se lèverait sur le monde
et recouvrirait l'ensemble des choses,
une nuée bienfaisante, porteuse d'humidité,
aux éclairs fulgurants,
au tonnerre faisant trembler au loin,
et qui réjouit les êtres.
{§15} Elle obstrue les rayons du soleil,
rafraîchit la terre,
elle s'étire vers le sol en longues trainées
que l'on pourrait presque attraper.
{§16} Sa pluie, universelle, égale,
tombe aux quatre orients,
se déverse sans mesure,
tout le sol s'en imprègne,
monts et fleuves, vallées encaissées,
au plus profond desquelles poussent
herbes, arbres et simples,
essences grandes et petites,
céréales, riz,
cannes à sucre, vignes.
{§17} Il n'est rien qui, humecté par la pluie,
ne prospère pleinement.
{§18} Le sol desséché est partout aspergé,
simples et arbres foisonnent de concert;
l'eau d'unique saveur
issue de cette nuée,
herbes et plantes, buissons et forêts,
selon leur part en sont imprégnés;
tous les arbres,
qu'ils soient supérieurs, moyens, inférieurs,
conformément à leur taille,
peuvent chacun croître et pousser;
racines, troncs, branches et feuilles,
fleurs et fruits aux brillantes couleurs,
sitôt que la pluie les atteint,
gagnent tous un éclat de fraîcheur.
{§19} Selon que leur substance, leur aspect,
leur nature se répartissent en grands et petits,
bien qu'ils soient uniment humectés,
ils foisonnent chacun à sa manière.
{§20} Il en est de même du Bouddha :
il apparaît au monde
comparable à la grande nuée
qui recouvre l'ensemble des choses;
dès lors qu'il est au monde,
à l'intention des êtres,
il expose en distinctions et discernement
la réalité des enseignements et ainsités.
{§21} Le grand saint, le Vénéré du Monde*,
au milieu de toutes les foules
de devas* et d'hommes,
proclama ces paroles :
{§22} "Je suis l'Ainsi-Venu,
le vénéré des êtres aux deux jambes* :
apparu au monde
tout comme une grande nuée,
je fertilise pleinement l'ensemble
des êtres fanés et flétris,
leur permets à tous de se dégager de la douleur,
d'obtenir la félicité du soulagement,
la félicité du monde
ainsi que la félicité du nirvana.
{§23} Vous tous, foule des devas* et des hommes,
écoutez bien, d'un seul coeur !
{§24}Vous vous devez de vous rendre ici
et contempler le Vénéré sans supérieur.
Je suis le Vénéré du Monde*,
celui que nul ne peut égaler.
{§25} C'est pour soulager les êtres
que j'apparais au monde,
je prêche aux multitudes
le Dharma d'une pureté de douce rosée, d'ambroisie;
ce Dharma a une unique saveur,
elle est délivrance et extinction.
{§26} En un son sublime et unique,
j'en expose et développe le sens.
{§27} C'est toujours en vue du Grand Véhicule
que je confectionne causes et conditions.
{§27} J'en considère l'ensemble
universellement, également pour tous,
je n'ai, pour l'un ou pour l'autre,
nulle pensée d'amour ou de haine;
je suis sans attachement ni cupidité,
sans limite ni obstacle non plus;
invariablement, pour tous tant qu'ils sont,
en toute égalité, je prêche le Dharma;
comme je le fais pour un seul,
de même fais-je pour tous.
{§28}Toujours j'expose le Dharma;
je n'eus jamais d'autre entreprise.
{§29} Que j'aille ou que je vienne, debout ou assis,
je ne ressens aucunement fatigue ni dégoût,
je remplis le monde
comme la pluie fertilise tout;
sur nobles et vils, supérieurs et inférieurs,
moraux ou immoraux,
pourvus ou dépourvus
d'autorité imposante,
aux vues correctes ou corrompues,
aux facultés aiguës ou obtuses,
tout également je fais pleuvoir la pluie de Dharma,
et ce sans me lasser.
{§30} Ceux, parmi l'ensemble des êtres,
qui entendent mon Dharma,
selon ce que leur force en reçoit,
demeurent en les diverses terres;
certains trouvent place parmi les hommes ou les devas*,
comme saints rois qui font tourner la roue du Dharma,
comme Indra, Brahma* ou les divers rois :
ce sont les simples mineures.
{§31} Ceux qui prennent connaissance du Dharma sans infection,
qui peuvent gagner le nirvana,
susciter les six pouvoirs mystiques,
et obtenir les trois sciences,
qui résident solitaires par monts et forêts,
qui pratiquent constamment méditation et concentration,
qui obtiennent d'attester l'Éveil par les conditions,
ce sont les simples moyennes.
{§32} Ceux qui sont en quête de la place de Vénéré du Monde* :
"Je deviendrai pour sûr un Éveillé" [disent-ils],
pratiquant le zèle et la concentration,
ce sont les simples supérieures.
{§33} De plus, les fils de bouddha
qui consacrent leur pensée à la voie d'Éveillé,
qui pratiquent constamment la compassion,
sachant en eux-mêmes qu'ils deviendront bouddha,
sans obstacle dans leur détermination,
constituent les petits arbres.
{§34} Ceux qui, demeurant fermement en leurs pouvoirs mystiques,
mettent en branle la roue sans régression,
sauvent, par innombrables milliers
de millions, les êtres,
de tels bodhisattva constituent les grands arbres.
{§35} La prédication du Bouddha, égale pour tous,
est comme la pluie, dont la saveur est unique;
selon la nature des êtres,
elle n'est pas reçue de même façon,
tout comme les herbes et les arbres
sont imprégnés différement.
{§36} L'Éveillé utilise cette parabole
pour révéler et montrer à l'aide d'expédients,
et, par une variété de locutions,
exposer le Dharma unique.
{§37} Dans la sagesse du Bouddha,
c'est comme une goutte dans l'océan.
{§38} Je fais pleuvoir la pluie du Dharma
qui remplit le monde;
le Dharma, dont la saveur est une,
est pratiqué selon les forces de chacun.
{§39} De même, dans ces forêts,
les simples et les arbres,
en fonction de leur taille,
croissent peu à peu en luxuriance et en beauté.
{§40} Le Dharma des bouddhas
est toujours d'une unique saveur,
il permet aux mondes
universellement de gagner la plénitude
et, par une pratique graduelle,
à tous d'obtenir le fruit de l'Éveil.
{§41} Les auditeurs-shravakas* et les pratyekabuddhas*,
qui ont élu domicile dans monts et forêts
et demeurent en leur dernier corps,
à l'écoute du Dharma en obtiennent le fruit :
ils constituent les simples,
chacun obtient de croître et grandir.
{§42} Chez les bodhisattvas,
fermes en leur sagesse,
qui ont accès aux trois mondes,
en quête du Véhicule insurpassable,
ils constituent les petits arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
{§43} Il y a encore ceux qui demeurent en méditation
et obtiennent les pouvoirs mystiques;
entendant que les entités sont vides,
ils se réjouissent grandement en leur coeur;
ils émettent d'innombrables rayons lumineux
pour faire traverser les êtres;
ils constituent les grands arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
{§44} C'est ainsi, Kashyapa*,
que le Dharma prêché par l'Éveillé
est comparable à un grand nuage :
à l'aide de sa pluie de saveur unique,
elle fertilise les fleurs humaines
et chacune obtient de réaliser son fruit.
{§45} Kashyapa*, il faut le savoir :
grâce aux relations
et à la variété des paraboles,
révéler et montrer la Voie d'Éveillé,
tels sont mes moyens appropriés*;
il en va de même des bouddhas.
{§46} Maintenant, à votre intention,
j'expose une chose éminemment réelle :
la foule des auditeurs-shravakas*
n'est aucunement passée en nirvana ;
ce que vous, vous pratiquez
est la voie des bodhisattvas;
en la cultivant graduellement,
vous obtiendrez tous tant que vous êtes de devenir bouddha".

SUITE (chapitre VI)

Commentaire de Nikkyo Niwano sur ce chapitre

Ce qu'en dit Nichiren ; Citations dans les goshos

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