Bouddhisme de Tiantai


Pranidhana paramita
Huitième pratique de vertu difficile à atteindre

Peter Johnson

http://www.Tiantai.net/teachings/dharma/bodhisattva/practices/practice8.htm

8. Pratique difficile à atteindre (Vœux spirituels) - respect, soumission, dévotion; méditation profonde, absorption

Le Sutra de la Guirlande de Fleurs (Avatamsaka) dit :

Quelle est pour les bodhisattvas-mahasattvas la pratique pradidhana difficile à atteindre ?

Ces bodhisattvas-mahasattvas mettent en oeuvre les bonnes racines spirituelles difficiles à atteindre. Ce sont des racines spirituelles invincibles, indestructibles, insurpassables et inépuisables. Ce sont les racines qui confèrent le pouvoir de maîtrise et la majestueuse vertu intarissable. Ce sont les racines de même nature que celle des bouddhas.

Lorsque ces bodhisattvas-mahasattvas cultivent leur pratique, ils obtiennent la compréhension inégalée des enseignements du Bouddha et l’illumination du Bouddha. Ils ne renonceront jamais à leurs vœux de bodhisattva et, à travers les âges, leur esprit ne connaîtra jamais la lassitude. Ils ne seront jamais effrayés par les souffrances et les suppôts du démon n'arriveront pas les ébranler. Guidés et protégés par les bouddhas, ils s’adonneront à toutes les pratiques difficiles de bodhisattva. En cultivant les pratiques de bodhisattva, ils seront toujours diligents, sans jamais faiblir. Ils ne s’écarteront jamais des grands vœux perpétuels du Mahayana.

Avec cette pratique difficile à atteindre ils demeureront calmes et sereins, chacune de leurs pensées pourra traverser les innombrables cycles des vies/morts sans jamais renoncer aux grands vœux de bodhisattva. S’il se trouve des êtres qui viennent les voir ou leur proposent des services, ou bien qui veulent devenir leurs auditeurs, ils atteindront le stade de non-régression sur la voie de l’Éveil suprême universel. Bien que comprenant que les êtres n’ont pas de soi réel, ils n’abandonneront pas le monde des êtres vivants.

Ces bodhisattvas-mahasattvas sont comme des capitaines de navire. Un capitaine ne reste pas sur la rive, pas plus qu’il ne quitte le navire au milieu d’un fleuve. Il est en mesure de faire traverser le fleuve à des êtres vivants car, sans discontinuer, il va d’une rive à l’autre. Et les bodhisattvas-mahasattvas sont comme lui. Ils ne restent pas dans le monde des vies/morts ni dans le nirvana, pas plus qu’ils ne résident au milieu du courant qui conduit vers le monde des vies/morts. C’est ainsi qu’ils sont capables de mener les êtres vivants depuis cette rive jusqu’à la rive où ils seront en sécurité et où n’existe ni angoisse ni kleshas. Ils ne s’attachent pas à quelque qualité ou quelque caractéristique des êtres vivants qu’ils transportent. Ils n’abandonnent pas un seul être vivant au profit de la multitude et ils n’abandonnent pas la multitude par attachement à un seul être vivant. Ils ne font ni croître ni décroître le monde des humains, ils ne produisent ni ne détruisent le monde des êtres vivants, ils ne perpétuent ni n’anéantissent le monde des êtres vivants. Ils ne discriminent ni ne dissocient dans le monde des êtres vivants. Pourquoi cela ?

C’est que les bodhisattvas-mahasattvas pénètrent dans le monde des êtres vivants aussi profondément qu’ils pénètrent dans le monde de la spiritualité. En réalité, le monde des êtres vivants et le monde de la spiritualité sont inséparables. A cause de cette inséparabilité il n’y a ni flux ni reflux, ni naissance ni mort, ni existence ni non-existence, ni dépendance ni indépendance, ni attachement ni séparation. Comment cela ?

C’est que les bodhisattvas-mahasattvas comprennent vraiment toutes ces choses car la spiritualité - qui est le Dharma - est non-duelle. Les bodhisattvas-mahasattvas entrent profondément dans la spiritualité grâce aux moyens appopriés* et demeurent dans chacune de ses facettes, les transformant en joyaux de pureté.

- Ils comprennent vraiment la nature non discriminatoire de la spiritualité du Dharma mais néanmoins ils sont capables d’en distinguer les différentes facettes.
- Ils ne sont pas attachés à une catégorie quelconque d’êtres vivants mais néanmoins ils sont capables de distinguer les différentes qualités de ces êtres.
- Ils ne sont pas attachés aux réalités de ce monde mais néanmoins leur vie se présente comme se déroulant sur la Terre de Bouddha.
- Ils ne font pas de discrimination entre les différents facettes de la spiritualité du Dharma, mais néanmoins entrent dans les enseignements du Bouddha par des moyens appopriés*.
- Ils réalisent profondément la portée des principes mais néanmoins les expriment sous forme de mots.
- Ils comprennent parfaitement les limites de leur monde spirituel et de ce qu’ils appellent l’absolu, et ils sont libérés des désirs mais néanmoins ils n’en sont pas détachés sur leur voie de bodhisattva.

Ils ne s’écartent jamais de la pratique de bodhisattva mais la cultivent avec zèle. A la fin de leur entraînement, ils maîtrisent l’entrée dans la pure spiritualité. C’est comme de frotter deux morceaux de bois pour faire du feu. Comme la source du feu n’a pas de limites, la flamme n’en a pas non plus. De la même façon l’œuvre des bodhisattvas guidant les êtres vivants n’a pas de limites. Elle n’est jamais parfaite mais elle ne cesse de se perfectionner. Les bodhisattvas n’y sont attachés mais n’en sont pas détachés non plus. Ils n’en sont pas dépendants mais n’en sont pas affranchis. Ils ne sont ni frivoles ni matérialistes mais ils n’ont pas atteint le degré spirituel d’un bouddha. Ce ne sont pas des hommes du commun des six voies mais ils n’ont pas encore atteint le fruit de l’arhat.

Voilà comment les bodhisattvas-mahasattvas réalisent le pranidhana*. En cultivant la pratique difficile à atteindre ils n’enseignent pas la spiritualité des deux véhicules mais ils n’enseignent pas non plus l’Éveil du Bouddha. Ils n’enseignent pas non plus ni les frivolités du monde ni le matérialisme. Ils n’enseignent ni l’existence ni la non-existence des êtres vivants. Ils n’enseignent ni les klesha ni la pureté. Pourquoi cela ?

Les bodhisattvas-mahasattvas comprennent que tout ce qui relève de la spiritualité n’est ni sale ni salissant, si bien que jamais ils ne fuient les choses de l’esprit ni ne s’y accrochent. Lorsque au sujet de l’extinction sereine ces bodhisattvas cultivent la spiritualité la plus subtile et la plus profonde, ils ne pensent pas :

- « Je suis en train de cultiver le pranidhana. »
- « J’ai déjà cultivé le pranidhana.
- « Je vais cultiver le pranidhana. »

Ils ne s’accrochent pas à ce qui est fait d’agrégats* d’un self. Ils ne sont attachés ni à leur propre triple monde ni à quelque monde au-delà. Ils ne sont liés ni par l’au-deçà ni par l’au-delà. Grâce à l’éveil aux grands vœux ils possèdent les paramitas et tous les enseignements, et pourtant il n’y a là aucun attachement. Comment cela ?

Dans le monde de la spiritualité, il n’existe rien que l’on puisse appeler «véhicule de disciples spirituels» ou «véhicule de ceux qui sont éveillés aux conditions spirituelles» ; il n’y a pas de «véhicule de bodhisattva» ou de «véhicule de l’Éveil suprême universel». Il n’y a rien que l’on puisse appeler «monde des simples mortels des six voies» ; il n’y a ni klesha, ni pureté, ni vies/morts, ni nirvana.

Car ce qui est du domaine de la spiritualité du Dharma est sans dualité, tout en étant deux. C’est comme pour l’espace. Qu’on le cherche dans les dix directions ou dans les trois phases de la vie, il ne peut être saisi et pourtant rien n’existe sans espace. Les bodhisattvas observent toutes les choses spirituelles sans pouvoir les saisir alors qu’il n’est rien qui ne soit sans spiritualité. Dans la spiritualité telle qu’elle est (tatha) les choses ne sont ni différentes ni semblables, ni séparées ni fusionnées. L’entraînement au paridhana révèle que l’ainsité est partout, sans création ni extinction. Les bodhisattvas-mahasattvas n’abandonnent pas leurs grands vœux qui sont de relever et guider les êtres vivants en faisant tourner la roue du Vrai Dharma. Ils n’enfreignent la causalité ni ne désavouent l’équanimité du Dharma Merveilleux. Partout où ils vont, ils sont en accord avec les Ainsi-venus du passé du présent et de l’avenir. Ils ne brisent pas la lignée de l’Éveil du Bouddha et ne dénigrent pas le véritable aspect de la réalité. Pénétrant profondément le Dharma, ils acquièrent une éloquence qui ne connaît pas de limites. Comprenant que la spiritualité du Dharma est sans attachements, ils tendent vers sa source ultime. Etant dotés de moyens appopriés* pour ouvrir et révéler cette spiritualité, ils n’éprouvent aucune crainte. Ils ne délaissent jamais les demeures de l’Éveil mais néanmoins ils ne s’y attachent pas. Ces bodhisattvas réalisent la prajna difficile à atteindre. Ils apprennent et cultivent les pratiques de bodhisattva et extirpent chez les êtres les racines des trois mauvaises voies. Ils les instruisent et les guident jusqu’au sentier des bouddhas du passé du présent et de l’avenir en les rendant inébranlables.

Et ils formulent ainsi leur pensée :

"Les êtres vivants de ce monde ne reconnaissent pas leurs les bienfaits qu’ils ont reçus et sont hostiles les uns aux autres. Par leurs attachements, leurs confusions et leurs perversions ils ont perdu la raison et n’ont plus trace de sagesse. N’ayant pas l’esprit de bodhi ils suivent les amis néfastes (akushiki) et font naître les idées du mal. Ils sont en proie à toute sorte de troubles émotionnels et débordent de cupidité, d'arrogance et d'ignorance. C’est pour moi l’occasion de cultiver la pratique de bodhisattva. Si le monde était rempli d’êtres intelligents ouverts à la spiritualité et conscients des bienfaits reçus, comment pourrais-je agir en bodhisattva ? Pourquoi cela ? Je n’aurais aucune raison d’aller vers eux et serais inutile. Je n’aurais rien à rechercher pour eux. Je n’aurais pas à leur donner le moindre fil, le moindre cheveu, le moindre mot d’encouragement."

Ces bodhisattvas-mahasattvas qui cultivent la pranidhana pendant un nombre de vies incalculable n’ont jamais la moindre pensée pour eux-mêmes. Ils veulent seulement libérer les êtres vivants et les guider afin de les purifier et les faire accéder à une liberté durable. Comment cela ?

Pour les chefs spirituels des êtres vivants il devrait toujours en être ainsi. Ne possédant rien et ne recherchant rien, ils ne doivent cultiver que la pratique de bodhisattva afin de mener les êtres vivants vers la paix et la sécurité sur l’autre rive, celle de l’Éveil suprême universel.

C'est ce qu'on appelle le pranidhana*, la huitième pratique des bodhisattvas-mahasattvas, difficile à atteindre.

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