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Méditation dans le bouddhisme de Nichiren

Ryuei Michael McCormick

http : //nichirenscoffeehouse.net/Ryuei/meditation_instructions.html
 

J'aimerais partager avec tout le monde ce que j'ai appris jusqu'ici sur la pratique de la méditation.
Je voudrais également expliquer comment la récitation de daimoku, Namu Myoho Renge Kyo, ma pratique de base, est en soi une forme de méditation.
Lors de ma première visite au temple bouddhique San Jose Nichiren, le Rév. Ryusho Matsuda dirigeait leur session mensuelle de la méditation assise (zazen).
Cela m'a surpris, car je croyais que le bouddhisme de Nichiren consistait dans la lecture du Sutra du Lotuset la récitation de daimoku.
Lorsque j'en parlais au Rév. Matsuda, il a été un peu déconcerté par ma question.
- Bien sûr que nous méditons, - m'a-t-il répondu. Tous les Bouddhistes méditent.

On m'a enseigné autrefois que daimoku était en soi une forme de méditation ou plus précisément kanjin (introspection spirituelle), alors que les autres formes de méditation, comme le zazen (méditation assise), étaient considérées comme des pratiques auxiliaires. La méditation assise silencieuse est, en particulier, utilisée dans la pratique de shodaigyo, avant et après la récitation de daimoku afin de se calmer et de se concentrer au préalable, puis pour approfondir sa foi et recueillir les effets de la récitation de Namu Myoho Renge Kyo.

Je commencerai ces instructions par la forme silencieuse zazen qui consiste à se focaliser sur la respiration, comme je l'ai appris moi-même. Cette méthode est très simple et universelle. C'est une activité basique humaine qui n'est pas spécifiquement liée à quelque religion ou secte particulière. Comme je viens de le dire à propos du shodaigyo, la méditation silencieuse peut être un bon préliminaire et une conclusion à la récitation du joyau incomparable de Namu Myoho Renge Kyo. Cela permet de mieux apprécier la pratique de daimoku.

Asseyez-vous dans une position confortable et stable : sur une chaise, sur un seiza, dans la posture birmane, en quart de lotus, demi-lotus ou lotus complet. Si vous vous asseyez sur une chaise, veillez à ce que vos jambes forment un angle droit avec vos genoux. Ne vous adossez pas au siège et gardez votre dos bien droit. Vous pouvez aussi vous asseoir sur un seiza, en ramenant les jambes derrière vous, les fesses reposant sur vos talons et les gros orteils se touchant. On peut utiliser un coussin (seiza) ou un banc afin de surélever les jambes et les genoux pour éviter la tension.

Si vous vous asseyez sur le sol dans une des postures de jambes croisées, utilisez un coussin pour surélever les fesses pour ne pas avoir besoin de vous pencher en avant pour garder l'équilibre et rester droit. La posture la plus facile avec jambes croisées est le "Birman" où vous repliez simplement vos jambes devant vous avec un pied devant l'autre jambe. On peut aussi poser un pied sur le mollet de la jambe opposée en quart de lotus ou un pied sur la cuisse de la jambe opposée en demi-lotus, ou encore croiser les jambes avec les deux pieds reposant sur les cuisses opposées, en lotus complet. Alors que le lotus ou le demi-lotus sont les positions les plus stables pour le corps, beaucoup de personnes les trouvent difficiles. Au début, le mieux est de s'asseoir dans n'importe laquelle de ces positions pourvu qu'on reste droit, stable et confortable.

Il est important de veiller à ce que les genoux soient plus bas que l'abdomen. Dans la position du lotus complet, les deux genoux touchent le sol, et dans les autres positions les genoux doivent être plus bas que l'abdomen. Le fait d'avoir les genoux plus bas donne plus de stabilité et ouvre le haut de l'abdomen, permettant ainsi de respirer plus profondément.

Je répète que le corps doit toujours rester droit, sans pencher ni en avant, ni en arrière, ni de côté.
Dès que vous vous surprenez à basculer ou à vous tasser, redressez-vous. C'est habituellement un signe de distraction ou d'assoupissement et le fait de redresser votre posture peut vous aider à re-centrer également votre attention.

Votre menton sera légèrement rentré afin que vos yeux, ouverts ou entrouverts, puissent se poser vers le bas à un angle d'environ 45 degrés. Là encore si, dans cette demi-somnolence, vous vous surprenez à fermer les yeux ou si vous regardez autour de vous, c'est un signe de perte de concentration ; reprenez sur-le-champ sans vous affoler votre méditation. Pour éviter les distractions, le mieux est d'avoir un sol nu et/ou un mur blanc devant soi.

Assurez-vous également que votre tête ne penche pas en avant, mais reste droite, avec les oreilles bien dans l’alignement des épaules. Votre bouche sera fermée avec la langue contre le palais. Votre main gauche est ouverte et repose sans pression sur votre main droite, elle aussi ouverte, avec les pouces se touchant comme pour construire un triangle. Ce triangle représente les Trois Trésors  : le Bouddha, le Dharma et le Sangha. Cette position des mains est appelée hokkai jo-in ou domaine du dharmas ou encore mudra de la méditation. Maintenez ce mudra contre votre abdomen, juste au-dessous du nombril. Si les pouces se disjoignent ou si les mains glissent vers le bas ou si vous sentez que vous appuyez trop fort les mains, c'est un signe pour recentrer votre attention sur le sujet de la méditation et revenir alors à la situation demandée au départ.

Dès que vous êtes installé dans la bonne posture, suivez simplement votre respiration. Respirez à un rythme naturel à partir de l'abdomen et essayez de centrer votre perception sur le centre des énergies tanden, endroit situé à environ trois travers de doigts au-dessous du nombril et à mi-chemin entre l'épiderme abdominal et dorsal, à savoir juste sous la zone qui se détend et se contracte dans la respiration abdominale. C’est le point qui, physiquement et mentalement, reste stable au milieu des phénomènes changeants. C'est notre centre de gravité, qi, le centre de notre l'énergie spirituelle.

On peut trouver pénible de rester juste là à respirer, aussi peut-on s'aider en comptant des cycles de respiration de 1 à 10. Inspirez et expirez par le nez et comptez jusqu'à 10 en commençant par l'expiration. Ne forcez pas votre rythme respiratoire, il ne doit être ni rapide ni lent, juste naturel. Les pensées et les sentiments vont apparaître et se dissiper. Laissez-les s'en aller. Si elles vous envahissent et que vous perdez votre compte, ne vous désolez pas. Prenez juste conscience que vous avez perdu votre attention focale, revenez au tanden et recommencez à compter à partir de zéro. Il se peut que vous ayez à recommencer plusieurs fois. Parfois vous ne pourrez pas aller au-delà de trois ou quatre cycles. C'est déjà bien. Recommencez encore et encore en focalisant toute votre attention. Tout le temps que vous êtes en train de passer là, cherchant à être pleinement présent à ce que vous faites, vous procure une bonne session de méditation. Si vous arrivez à vous concentrer sur votre tanden et respirer sans compter, c'est très bien. Restez ainsi en prenant conscience des qualités de votre respiration : longue, brève, régulière, saccadée, etc. Par moments, vous pouvez avoir envie de réciter mentalement daimoku. En ce qui me concerne, je récite mentalement Namu en inspirant et Myoho Renge Kyo en expirant. Mais d'autres variantes sont possibles. Trouvez ce qui vous convient le mieux.

N'essayez pas de combattre les pensées et les sensations extérieures, ne les analysez pas et ne les jugez pas. Si vous trouvez qu'elles vous envahissent et s'enchaînent trop, revenez sur votre concentration, comme je l'ai dit plus haut. Le même conseil vaut pour les distractions venues de l'extérieur, bruits, sensations physiques ou n'importe quel événement. Prenez-en conscience et laissez-les se dérouler sans vous laisser envahir.

Toutes ces méthodes - comptage, récitation silencieuse du mantra, concentration sur le tanden - sont de simples techniques pour vous entraîner à rester droit et conscient. Avec de l'entraînement, nous serons capables de rester droit en fixant notre perception sur un sujet particulier. Le but recherché est une perception claire et ouverte de tout ce qui survient, sans porter de jugement et sans interférences. Nous laissons juste les choses en nous et en dehors de nous devenir apparentes. Nous apprenons à avoir des pensées et des sentiments en restant détaché. Nous n'y participons pas plus que lorsque nous regardons passer des nuages ou des feuilles entraînées par le courant d'un fleuve. C’est ce que l’on appelle la "pensée sans penser" dans la méditation. Il ne s'agit pas d'une absence totale d'activité mentale mais d'un détachement, d'une désaliénation par rapport à la pensée. C'est juste percevoir leurs allées et venues.

Si nous arrivons à juste garder cette sorte de perception ouverte, sans support spécifique comme le tanden, si nous arrivons à garder la respiration ou la pratique active comme est la récitation d’un mantra, si nous arrivons à juste laisser advenir dans la sérénité tout ce qui arrive ou n'arrive pas, alors c'est l'idéal. Cette sorte de méditation sans objet ou thème, juste la perception claire et paisible avec la pensée sans penser (comme le décrit Garma C. Chang) est très difficile à obtenir. La plupart d'entre nous, y compris ceux qui ont une grande habitude des méditations silencieuses, finissent par somnoler ou s'assoupissent dans des associations d'idées ou dans des rêveries. C’est alors le bon moment pour revenir aux techniques de concentration précédemment décrites

Cependant il n'existe pas de mauvaise session de méditation. Asseyez-vous avec tout ce qui se présente à vous, même s'il vous arrive de vous endormir, ou de gaspiller votre temps en vous tracassant ou en affabulant. Soyez juste conscient de cela et faites avec. Il est bon de s'asseoir pour méditer ne serait-ce qu'une fois par jour quelques minutes. Le mieux est que cela devienne régulier et fasse partie de vos habitudes quotidiennes. Méditer le matin est une bonne façon de commencer la journée et cela vous aidera à rester calme et concentré. Méditer le soir permet de se recentrer et de lâcher prise ou du moins de regarder sereinement tout ce qui s'est passé durant la journée.

Je conseillerais de méditer une bonne quarantaine de minutes d’une seule traite ; si l’on souhaite méditer plus longtemps, il est bon de faire une pause et d’entrecouper les longues sessions par une méditation marchée, afin de détendre les muscles et se revigorer. La méditation assise est un rude travail. La méditation marchée consiste à marcher lentement en percevant pleinement chacun de ses mouvements.

La plupart du temps, cette marche est silencieuse. Mais dans la pratique de Nichiren, nous l’effectuons en récitant daimoku. Namu, et on avance le pied gauche, Myo, le pied droit, Ho, le gauche, Ren, le droit, Ge, le gauche, Kyo, le droit ; et on recommence. Le rythme peut être lent ou rapide. En marchant, nous plaçons les mains en face du plexus solaire, la main gauche recouvrant la main droite et le pouce droit sur le pouce gauche.

J'aimerais maintenant voir comment ces instructions s'appliquent au daimoku psalmodié.

Vous pouvez psalmodier aussi longtemps que vous voulez (en veillant toutefois à vous lever et à pratiquer la méditation marchée si la récitation dure plus de 40 minutes). Vous pouvez adopter le rythme que vous voulez, bien que, si vous pratiquez avec d'autres, il vaille mieux harmoniser les rythmes. L'essentiel est d'approfondir et d'exprimer votre confiance dans le Dharma Merveilleux de la Fleur du Lotus.

Réciter Namu Myoho Renge Kyo est une façon de s'immerger dans le fait que tous les êtres possèdent la nature de bouddha et que cette nature de bouddha peut être reconnue et actualisée dans la vie quotidienne de chacun.

Qu'est donc la nature de bouddha ?

C'est la capacité que nous avons d'être centrés sur les autres et la réalité au lieu d'être centrés sur soi et sur l'illusion. C'est une tour aux trésors à l'intérieur de notre coeur, pleine de bonté, de compassion, d'empathie, d'équanimité, de générosité, de vertu, de patience, d'enthousiasme ; c'est le foyer d'une sagesse hors du commun. Ce sont là les fruits de la pratique bouddhique.

Faire daimoku, c'est s'éveiller à un état de lucidité, de sérénité et de liberté, selon les termes employés par le Bouddha au Parc des Cerfs. C'est la pratique où se rejoignent notre engagement vis-à-vis du Sutra du Lotus et notre fidélité sereine dans la recherche de la bodhéité. La pratique aide à extérioriser ce qui est à l'intérieur de nous, et pas seulement par nos "voix intérieures" mais par tout notre être, notre corps, notre voix, notre posture, tout. Daimoku doit partir de l'abdomen et pas seulement de la gorge ou de la poitrine. Ne dispersez pas votre énergie en vous balançant ou en frottant timidement votre juzu. Centrez-la avec fermeté au fond de vous-même, sur le tanden. Il en est de même pour la lecture des chapitres ou des passages du Sutra du Lotus.

Un jour, alors que j'étais en train de pratiquer avec mon maître, le Rév. Matsuda, j'étais assis en seiza mais mes épaules et mon corps bougeaient au rythme de la psalmodie. Sans s'arrêter de marquer le rythme avec l'instrument appelé mokusho ni lever les yeux de son kyobon, mon maître a posé sa main sur mon épaule droite et j'ai compris que je devais immobiliser mon corps et garder mon énergie dans le tanden, même quand je projetais pleinement ma voix à l'extérieur. Ma récitation est devenue plus concentrée et l'énergie moins hystérique et dispersée.

Encore une chose, valable pour la méditation silencieuse et la récitation de daimoku : n'essayez pas d'ignorer, de repousser ou de dévier les sentiments, les pensées ou les sensations. La seule chose que vous ayez à faire est de focaliser votre attention sur daimoku et de laisser venir ce qui vient et s'en aller ce qui s'en va, en revenant sans cesse sur daimoku lorsque vous devenez distrait. Ne laissez pas daimoku devenir automatique alors que vous rêvassez à autre chose. Reportez sans cesse votre attention sur votre pratique et laissez tout ce qui survient, dedans ou dehors, être illuminé par daimoku.

Un jour, alors que le Rév. Matsuda était en train de pratiquer, une araignée est venue ramper sur lui. Il l'a vue du coin de l'oeil, mais il tenait le bâton du gong dans une main et la baguette du tambour dans l'autre. Il ne pouvait rien faire sans interrompre les mesures du battement. Il l'a donc laissée où elle était et a continué daimoku. Heureusement l'araignée n'a pas rampé vers le haut de sa robe mais s'en est allée ailleurs. Il nous en a ensuite parlé. Toutes nos pensées et nos sensations sont comme cette araignée. Ne les laissez pas vous distraire, continuez votre pratique.

Mon ami, Taigne Roshi, m'a conseillé de ne pas faire une montagne de notre pratique en en faisant quelque chose d'exotique ou de spécial ou en devenant prétentieux et hypocrite ou encore en croyant que nous allons en tirer quelque chose d'extraordinaire. Notre pratique est tout à fait ordinaire et nous enseigne comment vivre cet ordinaire.

Ce qui est réellement extraordinaire, c'est d'apprendre la juste mesure de tout ce qui arrive et de tout ce qui disparaît. C'est d'être en adéquation avec soi-même, les personnes autour de nous et le monde dans lequel nous vivons, en les voyant juste comme ils sont. Alors, à partir de notre inconscient, et tout à fait naturellement, notre nature de bouddha se manifestera pour le bénéfice de tous.

Namu Myoho Renge Kyo


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