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Les Quatre Dettes de Reconnaissance selon Nichiren
et Les Quatre Gratitudes selon Sotaesan

Ryuei Michael McCormick

Article paru dans le journal Won Buddhist Studies, Volume II, 1997
publié par l’Institut des Etudes du Bouddhisme Won


Sotaesan et les Quatre Gratitudes

La compréhension de Sotaesan Taejongsa et son utilisation des Quatre Gratitudes étaient très différentes. Tandis que la préoccupation principale de Nichiren était idéologique (à savoir la propagation du Sutra du Lotus en tant que véritable enseignement du Bouddha Shakyamuni), la préoccupation principale de Sotaesan était de fournir à ses contemporains une méthode d'application des principes bouddhistes. A cette fin, Sotaesan a érigé les Quatre Gratitudes en principe majeur aux seules fins de réformer le bouddhisme coréen puisque c’était une manière concrète de montrer comment faire pour "changer une vie basée sur le ressentiment en une vie basée sur la gratitude". (réf.)
Dans le Texte fondamental du bouddhisme Won, il expose quatre grandes règles :

" Les quatre grandes règles sont :
- Compréhension juste et Conduite juste,
- Conscience des Bienfaits et Gratitude,
- Pratique de la vie bouddhique au quotidien,
- Dévouement à la collectivité". (réf.)

Chacun de ces principes généraux est très intéressant, mais c'est seulement le principe de conscience des bienfaits et gratitude qui nous préoccupe ici. Sotaesan explique ce que cela signifie pour lui, comme suit :

« Par conscience des bienfaits et gratitude, nous entendons prendre bien conscience des bienfaits que nous avons reçus du Ciel-Terre, de nos parents, de nos semblables et des lois juridiques et, de la même manière que nous les avons reçus, y répondre à notre tour ; dans le cas où nous aurions une quelconque rancœur, c’est chercher d’abord d’où et comment ces bienfaits nous sont venus pour que le ressentiment face place à la gratitude. »

Dans son système, les Quatre Gratitudes servirent aussi à enseigner :
- la notion abstraite du Corps du Dharma*, Dharmakaya - appelé Ilwon ou Cercle Unique, dans le bouddhisme Won ;
- la production conditionnée : la manifestation de la causalité dans le domaine du concret ;
- la pratique et l'éthique.

Dans un discours à ses disciples, Sotaesan dit :

« Nous considérons le Cercle Parfait comme objet de foi et nous demandons le bonheur et le bien-être parce que nous avons foi en sa Vérité. Le Il-Won-Sang contient l’enseignement des Quatre Gratitudes et les Quatre Gratitudes contiennent tous les êtres de l’univers. Parmi toutes les choses de l’univers, du Ciel-Terre et de l’espace, il n’existe rien qui ne soit le Bouddha. Quel que soit le moment, quel que soit le lieu, il nous faut toujours concevoir une crainte respectueuse et garder lors des rapports avec la multitude des choses le cœur pur et l’attitude de pieux respect avec lesquels on se présente devant la majesté du Bouddha. On fera en sorte d’acquérir le bonheur et le bien-être en s’efforçant de faire des offrandes au Bouddha directement là où se trouvent toutes les choses. Pour résumer ces explications, disons que nous avons fait en sorte que les fidèles remédient à une croyance partiale, afin de parvenir à une foi irréprochable ; qu’ils remédient à une croyance superstitieuse, afin de parvenir à une foi véritable. » (réf.)

Dans l'enseignement de Sotaesan, les Quatre Gratitudes sont des incarnations manifestes du Corps du Dharma* du Bouddha (Dharmakaya). Considéré initialement comme le principe de la vacuité, le Dharmakaya, dans le bouddhisme Won, est appréhendé en tant que manifestation d’entités diverses issues des Quatre Gratitudes, fournissant ainsi l’exemple de la nature interdépendante de la vie. Aujourd’hui, au lieu de rendre hommage à une simple statue ou à un mandala du Bouddha, le Won encourage à regarder toutes les activités quotidiennes dans ce monde comme des interactions avec le Bouddha Dharmakaya, la manifestation interdépendante de tout ce qui est.

Les Quatre Gratitudes du Won n'enseignent nullement le renoncement au monde mais suggèrent une relation plus élogieuse et même révérencieuse au monde. Cependant, les deux notions semblent être ancrées dans la piété filiale. Bongkil Chung, résumant l'enseignement des Quatre Gratitudes - qu'il a rebaptisées les quatre bienfaisances ou sources de vie - rappelle leur origine confucéenne :

« Une des caractéristiques les plus remarquables de la nouvelle religion de Sotaesan est le principe de bienfaisance. Dans le confucianisme, la piété filiale est le devoir moral le plus important. Dans le bouddhisme Won, l'idée de ce devoir moral confucéen a été étendue au-delà de nos parents. Par bienfaisance on entend ce qui donne la vie. » (réf.)

Quant aux Quatre Gratitudes, bien qu’elles aient été probablement inspirées par les Quatre Reconnaissances, il n'y a pas de correspondance exacte entre elles. Leur explication est beaucoup plus détaillée par Sotaesan comparée à celle des Quatre Reconnaissances que l’on peut trouver dans les écrits de Nichiren. Une analyse plus développée de quelques caractéristiques des Quatre bienfaits révélera les possibles raisons de leurs différences.

La première des Quatre Gratitudes est celle à l’égard du Ciel-Terre. Selon Sotaesan :

« Pour comprendre à quel point nous sommes redevables au ciel et à la terre, il suffit de se demander si nous pourrions continuer à vivre sans le ciel et sans la terre. Aussi niais et borné que l’on soit, on reconnaîtra qu’on ne peut vivre sans eux. Et s’il est impossible de vivre sans le ciel et la terre, n’est-ce pas là le plus grand des bienfaits ?
Le Ciel-Terre a ses propres voies et vertus. Si les corps célestes de l’univers se meuvent, c'est qu’il existe les voies du Ciel et de la Terre. Ce qui résulte de ce mouvement, ce qui est produit par ces voies, ce sont les vertus du Ciel-Terre. Ces voies sont lumineuses, authentiques et justes, appropriées et naturelles, vastes, incommensurables et éternelles. Elles ne contiennent ni bonheur, ni malheur, ni ne cherchent à tirer un quelconque profit de leur mouvement. Toutes les choses sont en vie et gardent leur forme en raison des grandes vertus qui résultent de l’application de ces grands principes. » (réf.)

Le besoin d'air pour respirer, de la terre pour marcher, de l'eau pour boire et de la lumière du soleil pour nous réchauffer rend ce bienfait assez évident. Sotaesan relève aussi les qualités variées du Ciel-Terre qui sont en quelque sorte les métaphores d'un mode de vie vertueux et éclairé. Selon lui, le Ciel-Terre peut nous inspirer pour devenir sages, sincères, justes, authentiques, impartiaux, paisibles, responsables et humbles. S’acquitter de la dette de gratitude à l’égard du Ciel-Terre consiste à régler sa vie sur ces qualités et profiter de ses/leurs bienfaits tandis que, par manque de pratique, l'ingratitude et l'ignorance de ces qualités aboutiront à un mode de vie autodestructeur. Si nous répondons en tout point au bienfait du Ciel-Terre, nous ne ferons qu’un avec lui.

Notons que la gratitude envers le Ciel-Terre ne fait pas explicitement partie des Quatre Reconnaissances que Nichiren cite sur la base du Sutra de la Contemplation de la disposition de l’Esprit ; mais on pourrait cependant la considérer comme implicite à la reconnaissance vis-à-vis du souverain. Réexaminant la définition de cette dernière par Nichiren, nous voyons que la gratitude envers le Ciel-Terre est mentionnée comme l’un des bénéfices de l’autorité du souverain :

« La troisième dette est la reconnaissance envers son souverain. C'est grâce au souverain que l'on peut réchauffer son corps aux trois lumières célestes et nourrir sa vie des cinq céréales qui poussent sur la terre. » (réf.)

Le Dr. Key Ray Chong et le Dr. Bongkil Chung estiment que la notion de gratitude envers le Ciel-Terre a très probablement été empruntée aux enseignements confucéens et néo-confucéens. (réf.) Cependant, la source pourrait également être les mêmes Quatre Reconnaissances bouddhistes trouvées dans le Sutra de la Contemplation de la disposition de l’Esprit et utilisées par Nichiren. (réf.) Sotaesan aurait juste changé la signification de la dette de reconnaissance envers le souverain par sa signification implicite : la gratitude envers le Ciel-Terre.

A supposer que Sotaesan se fût inspiré des Quatre Reconnaissances bouddhistes, qu'aurait-il gagné en remplaçant leur signification par celle de la gratitude envers le Ciel-Terre? L’intérêt le plus évident était d’éviter la grave question concernant le souverain légitime. Tout comme Nichiren avait été confronté à la question de la légitimité des potentats militaires qui avaient ravi le pouvoir aux empereurs, Sotaesan se retrouvait dans la même situation pendant l'occupation japonaise et l'annexion de la Corée. Ni Nichiren ni Sotaesan n’avaient pu approuver en bonne conscience les autorités régnantes. Nichiren a esquivé la question de la légitimité des dirigeants en clamant que les persécutions et les injustices étaient un dévoiement des enseignements du Sutra du Lotus. On peut donc considérer que Nichiren a abordé la question de façon ambiguë.

Sotaesan, lui, a été dispensé d'aborder la question du souverain puisque les dirigeants légitimes de la Corée avaient été déposés et qu'il ne pouvait ni approuver ni défier les impérialistes japonais sans prendre une position de collaborateur ou de résistant plutôt que de réformateur bouddhiste. Néanmoins, il aborda les avantages de la stabilité politique et juridique au travers de la gratitude à l’égard des lois, qui sera discutée plus loin. Mais même la gratitude à l’égard des lois ne traite pas des origines ou de la nature de l’autorité. En omettant toute référence au souverain et en adoptant le Ciel-Terre comme l’un des quatre bienfaits, Sotaesan put rester sur une position médiane qui lui permit, ainsi qu’à son mouvement de réforme, de survivre dans un environnement politique très hostile.

La deuxième des Quatre Gratitudes est celle à l’égard des parents. Sotaesan la décrit comme suit :

« Pour comprendre que nous avons reçu comme bienfait des parents, il suffit de se demander si nous aurions pu venir au monde sans eux et si, une fois mis au monde, nous aurions pu nous élever seuls alors que nous n’en avions pas les moyens. Aussi peu intelligent que l’on soit, on reconnaîtra qu’on ne peut vivre sans eux. Si nous ne pouvons ni naître ni grandir sans nos parents, n’est-ce pas là le plus grand des bienfaits ? »
« En général on dit que la naissance et la mort d’un être humain se font selon les lois de la nature et le pouvoir créateur du Ciel-Terre ; pourtant, c'est grâce à nos parents que nous naissons et que nous grandissons alors que nous sommes faibles et impuissants. Et lorsque nos parents nous apprennent les grands principes de la voie humaine, c’est là encore un bienfait de leur part. » (réf.)

De même que Sotaesan discute des forces impersonnelles de la nature qui nous donnent la vie, il place le bienfait du Ciel-Terre dans la sphère de l'alimentation et de la protection biologique. Il semble que Sotaesan aussi ait vu la relation élémentaire enfants-parents comme la base de la morale humaine. Dans la description des façons de s’acquitter de la dette de gratitude à l’égard des parents, Sotaesan a enseigné qu'il faudrait, pour avoir un mode de vie heureux et moral, s’éduquer selon les diverses méthodes et les systèmes qu'il a développés : c’est la Triple formation prajna, sila, samadhi* (sagesse de bouddha, discipline, méditation) du bouddhisme traditionnel ; ainsi, à nouveau, la piété filiale redevient un motif pour suivre le Dharma bouddhique.

Cependant, la différence importante avec le bouddhisme traditionnel hinayana est que, dans le bouddhisme Won, on n’a pas à défier la tradition confucéenne de la piété filiale pour quitter la maison à la recherche du nirvana. Il convient, au contraire, de s’occuper de ses parents quand ils ne peuvent plus le faire eux-mêmes et, plus encore, il importe de s’occuper de tous ceux qui sont en position de faiblesse. Il convient aussi d’honorer la mémoire des parents après leur décès et de leur faire célébrer des cérémonies commémoratives régulières. D’après Sotaesan, en donnant soi-même un bon exemple de piété filiale, on incite ses enfants à suivre naturellement cet exemple et on leur fait gagner ainsi le respect et l’attention des autres. En fait, il a marié l'idéal confucéen de piété filiale à l'idéal bouddhiste de recherche du nirvana et de compassion envers les autres, même envers ceux qui sont extérieurs au cercle familial.

S’il y a une chose que Sotaesan ne fait en revanche pas, c’est de parler des autres gratitudes en tant qu'extensions de la piété filiale. Il suggère même que l'on peut considérer la gratitude due aux parents comme une extension de la gratitude due au Ciel-Terre. Cependant, comme nous l’avons vu, les deux sont différenciées par le fait que le Ciel-Terre représente les forces de la nature impersonnelles tandis que la gratitude due aux parents est personnelle ou au moins biologique. En ce sens, les enseignements de Sotaesan se rattachent au confucianisme mais sans subordonner toutes les autres valeurs à celle de la piété filiale. En faisant de la gratitude due aux parents seulement l’une des quatre autres gratitudes, Sotaesan s’arrange pour rester tout près du principe bouddhiste d'interdépendance où la vie est le résultat d'une multitude de causes et de conditions qui se créent mutuellement.

La troisième des Quatre Gratitudes est celle à l’égard de ses semblables. Sotaesan l’exprime ainsi :

« Pour comprendre que nous recevons des bienfaits de nos semblables, il suffit de se demander si nous pourrions vivre seuls, là où il n’y a aucun être humain, aucun animal, aucune végétation. N’importe qui attestera que ce n’est pas possible. Si l’on ne peut pas vivre indépendamment de nos semblables, sans leur aide, leur appui, sans les objets qu’ils nous offrent, où peut-on trouver un plus grand bienfait
« Notre monde est généralement divisé en quatre catégories professionnelles, à savoir les lettrés, les agriculteurs, les artisans et les commerçants. Dans l’exercice de ces professions, chacun obtient des bénéfices suite à des échanges et ces derniers se font dans un intérêt commun. » (réf.)

Le bienfait des semblables est équivalent à la Reconnaissance envers toutes les créatures vivantes avec toutefois une différence. Sa réflexion sur le bienfait des semblables se limite exclusivement au quotidien de l'écologie et de l'économie. Bien qu’il décrive le monde en termes d'analyse confucéenne, son idée maîtresse est que tout individu profite de l'avantage commun qui est obtenu lorsque, dans une société, chacun fait son devoir et profite simultanément du travail des autres. Ce principe d'avantage mutuel s’applique à n'importe quelle société. En outre, Sotaesan ne limite pas la gratitude envers ses semblables à la seule société humaine : il inclut explicitement aussi les animaux et les plantes. Sotaesan semble ainsi moins concerné par la mission salvatrice du bodhisattva que par les dettes mutuelles existant entre les créatures vivantes et les réalisations économiques et écologiques conformes aux enseignements bouddhiques sur l’interdépendance.

Une autre différence avec l'enseignement de Nichiren est que ce dernier imputait les désastres aux calomnies envers le Dharma tandis que, pour Sotaesan, leur cause résidait dans le manque de gratitude à l’égard de ses semblables. Dans son Rissho Ankoku Ron, Nichiren avait tenté de convaincre la dictature militaire que si elle ne suivait pas le vrai Dharma, le Japon serait inévitablement confronté aux désastres de la guerre civile et de l'invasion étrangère. Sotaesan, de son côté, disait que ces désastres seraient le résultat de l'injustice et de l'oppression.

« Mais si, dans le monde entier, les hommes ne s’acquittent pas de leur dette de gratitude envers leurs semblables, s'ils tombent dans l’océan des tourments de la vie, alors les sages et les saints, faisant preuve de compassion, devront sauver les ingrats par la morale, la politique et la force.»(réf.)

En fait il n’y a aucune contradiction entre les enseignements de Sotaesan et Nichiren, puisque l’objectif majeur de l’adhésion au Sutra du Lotus est de permettre aux hommes de croire à la bodhéité de tous les êtres. Nichiren a écrit :

« Parce que le Dharma est suprême, la personne est digne de respect ; parce que la personne est digne de respect, la terre est sacrée. » (La personne et le Dharma, Minobu, 1281)

Ainsi pour Nichiren, l’adhésion au Sutra du Lotus était indissociable avec l'affirmation de la dignité de la vie et le refus de cette dignité ne pouvait qu’aboutir au désastre. Sotaesan en appelait aux bienfaits mutuels que tous les êtres s’apportent les uns aux autres, car ce sont les bienfaits mutuels qui, en fait, rendent la vie possible. Malgré une apparente contradiction, Nichiren et Sotaesan ont soutenu, à leur manière, que le refus de reconnaître la dignité de tous les êtres vivants conduit au désastre.

La quatrième gratitude est celle à l’égard des lois juridiques. Sotaesan la décrit comme suit :

« Pour comprendre que nous avons reçu des bienfaits des lois, il suffit de se demander si nous pourrions vivre, assurer l’ordre public et maintenir la paix dans le monde sans lois morales pour l’éducation de chacun, sans règles pour le bon fonctionnement de la famille, sans législation pour diriger les sociétés, les nations et le monde. N’importe qui reconnaîtra que ce n’est pas possible. Si l’on ne peut pas vivre sans ces lois, où peut-on trouver un plus grand bienfait ? »
« En général, par ‘‘lois’’ on entend les règles justes et équitables que l’humanité doit suivre et qui, appliquées à chaque niveau : individu, famille, société, nation, monde sont respectivement bénéfiques à l’individu, à la famille, à la société, à la nation et au monde.»(réf.)

La gratitude à l’égard des lois que prône Sotaesan diffère beaucoup de la Reconnaissance à l’égard des Trois Trésors. Leur seul point commun est que l’un des Trois Trésors, le Dharma, peut également signifier Loi et que Sotaesan parle de Loi morale ou spirituelle au sens justement de ‘Dharma’.

A ce stade, on pourrait dire que, parmi les Trois Trésors, c'est le Trésor de la Loi ou Dharma qui est le plus fondamental puisque le Bouddha est un Bouddha seulement parce qu’il réalise et enseigne le Dharma et que le Sangha est un Sangha dans la mesure où il transmet le Dharma. Le Dharma, lui, reste le Dharma même s'il n'y a ni Bouddha ni Sangha pour l’enseigner ou le pratiquer.

En outre, le Dharma, tel qu’il est formulé dans les sutras bouddhistes, contient véritablement les enseignements qui touchent à l'économie, à la politique, aux conditions sociales et à la vie familiale. Vue sous cet angle, la Reconnaissance envers les Trois Trésors pourrait se résumer à Reconnaissance envers le seul Dharma et être interprétée comme incluant les autres catégories de lois dont parle Sotaesan lorsqu’il mentionne la gratitude à l’égard des lois.

Si on pousse encore plus loin l’examen de cette gratitude à l’égard des lois, on constate que la conception que Sotaesan en a, bien qu’étant incluse dans le Dharma bouddhique, ne s'y limite pas. Dans le chapitre Les bienfaits que nous recevons des lois, Sotaesan dit :

« Les sages viennent au monde au moment opportun et par les moyens salvifiques des lois, de la religion, et de la morale nous montrent le chemin que l’on doit suivre.» (réf.)

Les lois de Sotaesan n'indiquent donc pas simplement le Dharma bouddhique. Elles renvoient également au Tao, au Mandat du Ciel du confucianisme, à la Torah du judaïsme, à l'Évangile du christianisme et au Dharma des védas. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour lier l’application laïque des bienfaits des lois à un quelconque enseignement bouddhiste traditionnel. Le bienfait des lois n'est pas le Dharma des Trois Trésors mais le principe d’une « règle équitable de la justice humaine » qui est au cœur de tous les systèmes moraux et de la jurisprudence laïque.

Prises dans leur ensemble les Quatre Gratitudes ont bien quelques points communs avec les Quatre dettes de Reconnaissance du Sutra de la Contemplation de la disposition de l’Esprit, expliquées par Nichiren. Mais on note également quelques différences majeures. Nous avons vu que la Reconnaissance à l’égard du souverain a été abandonnée au profit de la gratitude envers le Ciel-Terre. Dans le temps, le souverain était le protecteur de la terre et le garant de la justice, une incarnation de l'harmonie entre les hommes et la nature. Dans le monde actuel, cette conception est remplacée par le bienfait du Ciel-Terre et le bienfait des lois. Le bienfait du Ciel-Terre enseigne la prise de conscience et la gratitude envers l'harmonie du monde naturel sans égard au pouvoir du souverain. Le bienfait des lois enseigne la prise de conscience et la gratitude à l’égard de l'idéal d'équité et de justice dans les affaires des hommes, sans pour autant ni approuver ni critiquer un dirigeant spécifique ou un système politique donné.

Une autre différence importante est le remplacement de la Reconnaissance envers les Trois Trésors par le bienfait des lois.

Ce changement cherchait, sans doute, à élargir le périmètre de la loi pour y inclure plus que la simple pratique d'une religion spécifique, à savoir le bouddhisme. La gratitude à l’égard des lois enseignée par Sotaesan n'est pas simplement une incitation à pratiquer ou à révérer le Dharma du Bouddha : elle est un appel à pratiquer l'équité et la justice dans le monde laïc autant que dans celui de la religion. La gratitude à l’égard des parents et envers ses semblables équivaut plus ou moins à la Reconnaissance due à son père et à sa mère et à la Reconnaissance due à tous les êtres vivants. Là encore, la signification est étendue aux aspects laïcs et pratiques de ces Reconnaissances en plus de leurs sens spécifiquement bouddhique.

SUITE : Les Quatre Reconnaissances : immanence ou transcendance ?

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