Sandaihiho-sho de Nichiren Daishonin Commentaire de Pier P. Del Campana |
|
Le
titre complet est Sandaihiho hon-joji (Sur la transmission des Trois grands Dharmas cachés) |
|
Cet exposé prend la forme d’un dialogue ; six questions et réponses sont précédées par une déclaration d’ouverture et suivies par une exhortation de clôture. Bien qu’aucune division ne soit indiquée dans le texte, le contenu peut être partagé aisément en trois parties : une introduction, un exposé doctrinal et une conclusion. La structure
de l’ouvrage La vie religieuse que Nichiren résume sous la forme de la récitation du daimoku, c’est-à-dire du "Titre Sacré" (Myohorengekyo), reflète aussi ce double aspect. En insistant sur la différence entre la récitation du daimoku pratiqué par ses prédécesseurs et celui qu’il préconise, Nichiren montre que la simple contemplation de la vérité que ce Titre exprime ne permet pas d’inclure les éléments sociaux et historiques qui, dans son esprit, sont nécessaires pour obtenir l'Éveil à l’époque des Derniers jours du Dharma. Son intention en la matière est claire : "On la [la récitation du mantra] faisait seulement comme une pratique personnelle, et elle n’était pas enseignée dans l’intérêt des autres. Mais maintenant, comme nous vivons à l’Epoque des Derniers jours du Dharma, le Titre Sacré que moi, Nichiren, je récite est fondamentalement différent de celui des époques précédentes : c’est le Namu Myoho Renge Kyo qui comprend à la fois la pratique personnelle et la tâche de mener les autres à l'Éveil (jigyo keta)." Nichiren croit, en effet, que l’adéquation
à la vérité fondamentale – dont la prise
de conscience est l’essence même de l'Éveil – doit
être atteinte dans le temps, dans la société. Elle
ne peut pas être conçue séparément de l’existence
historique de l’homme. Une vie purement contemplative semble exclure,
aux yeux de Nichiren, sa dimension sociale et historique. Une telle
vie serait limitée, de son point de vue, à un niveau théorique et abstrait et ne pourrait pas produire de fruits véritables.
La vérité fondamentale exprimée dans le principe ichinen sanzen (une
pensée englobe trois mille conditions possibles de vie)
ne devrait pas être saisie de façon simplement conceptuelle,
ou dans la solitude de sa propre contemplation : elle doit être
saisie dans la vie concrète de l’humanité. L’éternité
du Bouddha doit être vécue dans l’histoire. Bien que le Sandaihiho-sho ne soit pas, à proprement parler, dans la forme d’une lettre, il se termine par la mention "Réponse au seigneur Ota Kingo". Ota Kingo était un samouraï de Kamakura qui s’était converti à la doctrine de Nichiren et resta jusqu’au bout son fidèle dévoué et son bienfaiteur. La question de l’authenticité
de l’ouvrage Tout d’abord, il n’existe aujourd’hui que des copies du Sandaihiho-sho et aucun original. La copie la plus ancienne est celle faite par Nisshin (1407-1488), qui l’envoya à son disciple Nikkyo. La copie fut faite en 1442, soit 180 ans après la mort de Nichiren, et elle est conservée aujourd’hui dans les archives du Hompo-ji à Kyoto. Bien que Nisshin ne mentionne pas l’original d’après lequel il a copié le texte, il ne fait pas de doute qu’il considérait l’ouvrage authentique. Même avant l’époque de Nisshin, on trouve des références au Sandaihiho-sho. La plus ancienne est faite par Nichijun (1295-1354), dans son livre Hon’in kuketsu, dans lequel il mentionne le Sandaihiho-sho et la doctrine qu’il contient. La date de la parution de ce livre de Nichijun est inconnue, mais il fut certainement écrit pas plus tard que 72 ans après la mort de Nichiren. Les rapports ultérieurs en faveur de l’authenticité de l’ouvrage sont nombreux, mais les rapports en sens inverse sont précisément aussi nombreux. De ce point de vue, la controverse a mené à une impasse. Le fait qu’il n’y ait pas de manuscrit conservé ne signifie pas que le Sandaihiho-sho soit un faux, mais, d’un autre côté, les témoignages sur son authenticité ne sont pas assez concluants pour éliminer tous les doutes en la matière. Quant au style, la discussion est encore moins concluante. Ce traité est un mélange de kambun (style chinois) et de japonais, un style que l’on trouve couramment dans les autres écrits de Nichiren et dans ceux des autres auteurs bouddhistes de son temps. Ceux qui sont opposés à l’authenticité de l’ouvrage maintiennent que, à en juger par le style, cet ouvrage ne pouvait pas avoir été écrit par Nichiren. Cependant, les raisons données par les deux parties sont vraiment trop subjectives pour être satisfaisantes. Le problème du contenu et de la doctrine du Sandaihiho-sho est plus significatif. Il tourne autour de deux points : l’affirmation explicite de Nichiren d’après laquelle il était la manifestation du bodhisattva Jogyo, et la déclaration selon laquelle l'Estrade d’Ordination devrait être établie par les dirigeants politiques du Japon. Ceux qui contestent l’authenticité de cet écrit soutiennent que ces deux doctrines, non seulement ne peuvent être trouvées ailleurs dans les écrits de Nichiren, mais, en outre, qu’elles contredisent finalement la doctrine contenue dans les autres écrits. En ce qui concerne la première doctrine, tous doivent admettre que le passage du Sandaihiho-sho est le seul endroit où Nichiren se déclare explicitement comme la réincarnation du bodhisattva Jogyo. D’un autre côté, il est également indéniable que Nichiren se considérait lui-même comme le Pratiquant du Sutra du Lotus à l’Epoque des Derniers jours du Dharma. Cette conviction, jointe à sa foi dans la prophétie faite par le Bouddha (selon laquelle la véritable doctrine du Sutra du Lotus serait enseignée, à l’Epoque des Derniers jours du Dharma, par le bodhisattva Jogyo, ne pouvait que rendre Nichiren conscient d’être celui à qui cette mission avait été confiée. Par là, il est vrai que, même si l’affirmation explicite de cette doctrine ne peut être trouvée que dans le Sandaihiho-sho, sa substance est contenue dans plusieurs autres écrits de Nichiren (voir, par exemple, le Soya nyudo dono gari gosho, Heiraku-ji, I, p.1104-25). Quant au second point, c’est-à-dire l’établissement
de l'Estrade d’Ordination par les dirigeants politiques du Japon,
la discussion comporte deux aspects qui doivent être discutés
séparément. Lire
le gosho |
Retour |