| Les sutras et l’iconographie nous montre que le culte d’Avalokiteshvara 
        était déjà très répandu en Inde dès 
        le troisième siècle de notre ère. Plus de quatre-vingt 
        sutras s’étendent sur ses mérites. L’un des 
        plus anciens et des plus célèbres étant le Saddharma 
        pundarika sutra (Sutra du Lotus) qui lui consacre 
        un chapitre. Celui-ci,  à l’origine,  
        devait être indépendant du corpus du sutra et fonctionner 
        comme un petit sutra dédié à Avalokiteshvara        dans lequel le Bouddha fait l’éloge de ses pouvoirs. 
        Nous trouvons dans ce chapitre les caractéristiques qui seront 
        amplifiées par la suite et qui donneront naissance au culte populaire 
        dont ce bodhisattva fait l’objet  : .- 
        secours dans les moments critiques
 .- apaisement des passion destructrices
 .- aide à la fécondité
 .- capacité de métamorphoses 
        qui permettra de tirer ce personnage vers une représentation féminine 
        et de lui donner une identité multiple.
 Les sutras 
          amidistes le mentionnent fréquemment et en font,  avec Mahasthamaprapta,  
        une sorte d’assistant d’Amida. En Chine,  puis au Japon,  de nombreux sutra traduits et commentés 
        ont assuré la renommée de ce bodhisattva,  et ce dans des 
        registres relativement différents. Au Lotus et les sutras 
        amidistes il faut ajouter certains sutras relatifs à la  prajna 
        (sagesse lucide) comme le très célèbre Prajnaparamita 
        Hrdaya (Sutra du cœur de la perfection de la prajna,  
        Hannyaharamitta shin gyo,  Panruopolomituo 
        xin jing). Vu la diversité des textes qui lui font 
        référence,  l’intérêt pour ce bodhisattva        touche à la fois les lettrés et les gens des classes les 
        plus pauvres. La demeure du bodhisattva est située selon le Sutra 
        de la guirlande de fleurs sur le Mont Potalaka. 
        Xuanzang (602 – 664),  lors de son pèlerinage 
        en Inde,  s’en serait approché et situe cette région 
        près du Mont Malaya. Le Potalaka 
        serait très difficile d’accès et la résidence 
        du bodhisattva,  au sommet serait baignée par un lac.
 En Chine,  dès le cinquième siècle,  des représentations 
        de Guanyin (Kannon) 
        sous des traits féminins apparaissent ; au douzième siècle 
        elles deviennent prépondérantes. On n’a que des hypothèses 
        pour expliquer cette transformation de bodhisattva en femme,  unique dans 
        l’iconographie. Les plus plausibles recouvrent des domaines très 
        variés. Contrairement à d’autres religions,  le bouddhisme 
        ne proposait pas de personnage féminin à la vénération. 
        Or,  la compassion active de ce bodhisattva évoque l’amour 
        maternel. De plus,  les sutras et le Lotus en particulier évoquent 
        bien cette possibilité qu’il a de sauver les êtres 
        en "s’incarnant" dans un corps. Au début de la 
        longue liste de ces Corps,  on reste dans le domaine conventionnel,  corps 
        de bouddha,  d’auditeur. Ce sont des Corps qui prêchent le 
        Dharma bouddhique. Mais à la fin,  ce sont des corps qui sont juste 
        porteurs du salut et il s’agit d’homme,  de femme,  de garçon,  
        de fille,  de dieu,  de dragon,  etc. Il y a donc un glissement qui fait 
        que c’est un être quelconque (sous une incarnation précise 
        toutefois) qui apporte le salut. Certaines représentations sont 
        également ambiguës,  le personnage a un aspect hermaphrodite. 
        N’oublions pas que la scolastique bouddhique,  par exemple dans ses 
        descriptions du Corps du bouddha ou l’établissement des signes 
        qui l’identifient (trente-deux,  quatre-vingt),  avait déjà 
        quelque peu rompu avec le réel. Les très nombreuses prières 
        qui ont été adressées à ce bodhisattva pour 
        la naissance d’un enfant (plus particulièrement d’un 
        garçon dans la société chinoise) ont dû avoir 
        également une influence sur la représentation que l’on 
        en avait. En général,  quelles que soit les cultures,  ce 
        sont des déesses que l’on associe aux cultes de fécondité.
 Dans les temples,  en Chine ou au Japon,  le personnage de ce bodhisattva        est sans doute celui qui est le plus représenté,  on le trouve 
        même dans les temple taoïstes ou dans ceux consacrés 
        aux divinités tutélaires. Il est intéressant de noter 
        comment au sein du bouddhisme la dévotion populaire a évolué. 
        Dans un premier temps le bouddha historique (Shakyamuni) 
        a été vénéré,  puis un bouddha légendaire 
        est apparu. Ce personnage idéalisé était forcé 
        de garder quelques liens avec le bouddha historique avec lequel il partageait 
        les éléments fixés dans la tradition initiale. On 
        a pu rajouter de nouvelles péripéties à sa légende 
        par le biais de récits de ses vies antérieures. Finalement 
        des bouddhas qui apparaissaient de façon symbolique dans les sutras 
        ont gagné en autonomie ou ont été le réceptacle 
        de cultes non bouddhiques (cf. Amida). Enfin 
        la ferveur populaire,  sans doute encouragée par une partie du clergé,  
        a dégagé des sutras des personnages aptes à exaucer 
        les demandes les plus courantes des fidèles et les a réinvesti. 
        Le cas du bodhisattva Avalokiteshvara (Contemplateur 
        des Sons) qui du coup se voit représenté sous une apparence 
        féminine et devient une sorte de déesse n’en demeure 
        pas moins exemplaire de cette tendance.
 
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