Ce livre est le fruit de [longues] années d'étude des enseignements du Bouddha Shakyamuni et de Nichiren Shonin, ainsi que de leur mise en pratique. Lorsque j'ai commencé à pratiquer le bouddhisme, je suivais à l'Université de La Salle un cours du Dr William Grosnick portant sur la religion en Asie. J'ai acquis un excellent aperçu des divers enseignements bouddhiques et de leur développement grâce à lui. Depuis lors, il me semble être particulièrement important de vérifier la justesse des enseignements et des pratiques auxquels je me suis exposé au fil du temps. J’ai également appris à ne pas avoir peur de remettre en question ce que j’avais cru comprendre, voire à changer d’avis sur ce que j’avais compris quand se présentaient de nouvelles preuves, scientifiques ou pratiques.

Dès le début [de mes recherches], j’étais parfaitement conscient du fait que les sutras mahayana n'étaient pas des textes ayant été retranscrits mot-à-mot lors des discours de Shakyamuni, le Bouddha historique. Ces sutras sont néanmoins reconnus par les bouddhistes mahayana comme étant des « paroles du Bouddha » étant donné qu'ils sont conformes aux quatre sceaux du Dharma. Les trois premiers sceaux, ou marques, font référence aux trois vérités de l'impermanence, de la souffrance et du non-soi qui, selon la théorie bouddhique, caractérisent tous les phénomènes. Le quatrième se réfère à la paix parfaite du nirvana. Les trois premiers sceaux décrivent la nature réelle de tous les phénomènes qui devraient nous libérer de l'attachement aux choses qui ne peuvent nous apporter un vrai bonheur. La marque du nirvana correspond à l'état du vrai bonheur, accessible à ceux qui ont éteint en eux les flammes de l'avidité, de la haine et de l'illusion. La tradition veut que tout enseignement conforme aux quatre sceaux soit considéré comme un enseignement authentique, donné par le Bouddha.

Les sutras mahayana ne sont peut-être pas des transcriptions exactes de ce que le Bouddha Shakyamuni a dit, mais puisqu’ils portent les quatre marques du Dharma, on peut les considérer comme étant conformes aux enseignements du Bouddha. Grâce aux mythes, aux paraboles et leur poésie, ces textes transmettent la véritable intention du Bouddha tout en servant d'excellents guides pour saisir l'esprit du Dharma bouddhique. C’est pour cette raison que je fais confiance aux sutras mahayana et, en particulier, au Sutra du Lotus. Ma confiance [en eux] reste inébranlable bien qu’on ne sache même pas qui a véritablement écrit ces enseignements attribués au Bouddha.

Pour ce qui est des écrits de Nichiren, le fondateur de l'école bouddhique à laquelle j’appartiens, je fus persuadé jusque dans les années 1995 que ce genre de problème n’existait pas. Je n'avais en effet pas la moindre idée du fait que depuis plus d'un siècle au Japon, nombre de ses écrits étaient extrêmement controversés et leur authenticité remise en cause. Ne sachant rien de ces débats, j'ai continué à étudier les traductions anglaises de tous ses écrits, qu’ils soient authentifiés ou non. Le Vénérable Ryusho Matsuda, mon « sensei »*, m'a aidé à aiguiser mon discernement pour repérer les écrits exprimant indubitablement les vues personnelles de Nichiren de ceux pouvant avoir une origine plus douteuse. J’éprouve également une grande reconnaissance envers le Vénérable Ryusho Matsuda d'avoir tenu compte des dernières recherches qui furent menées en la matière au Japon, permettant ainsi de vérifier l'authenticité des lettres et des traités auquel se réfère ce travail. Sans lui, je n’aurais jamais pu accéder à ces données.

Bien que les écrits non authentifiés puissent être dans de nombreux cas des faux rédigés en toute piété, ils expriment néanmoins des idées qui complètent parfaitement les enseignements dont Nichiren est indubitablement l’auteur. Là encore pouvons-nous appliquer le principe des quatre sceaux du Dharma : concernant Nichiren, nous pouvons vérifier n'importe lequel de ses écrits pour s’assurer s'il soutient ou contredit les enseignements exprimés dans ses œuvres authentifiées. Pour ces raisons et selon ce principe, j'utilise ses textes non authentifiés, ou bien je cite des sutras mahayana dignes d’estime plutôt que de savoir qui en est l'auteur, car leurs idées peuvent être d’une grande aide pour approfondir notre compréhension et savoir mieux apprécier le Sutra du Lotus et ce qu’écrivit Nichiren.

Les références aux écrits de Nichiren ne sont données que si ledit texte est authentifié. Dans le cas d'œuvres non authentifiées, je précise simplement que cet écrit fait partie des textes sacrés de la tradition Nichiren. J'entends par là que ces textes figurent dans le Shōwa Teihon, une édition capitale des œuvres complètes de Nichiren, qu’elles soient authentifiées ou qu’elles lui soient seulement attribuées. Le Shōwa Teihon contient le Goibun ou Gosho, deux termes synonymes dont la traduction exacte serait « écrits sacrés ». Les écrits sacrés comprennent tous les écrits que les bouddhistes nichireniens attribuent traditionnellement à Nichiren. Chaque écrit cité renvoie à une note en bas de page fournissant des informations contextuelles pour confirmer s'il existe ou non une copie de ce texte rédigée de la main de Nichiren, s'il existe ou non une copie fiable d'un contemporain de Nichiren, et si l'écrit apparaît ou non dans l’un des deux premiers catalogues de textes compilés après son décès. Le premier catalogue, le Rokunai ou registre interne, fut compilé environ un siècle après sa mort. Le second, le Rokuge ou registre externe, fut complété environ deux cents ans plus tard. Le fait qu’un texte soit répertorié dans le Rokunai ou dans le Rokuge ne prouve pas son authenticité, mais aide à dater le texte en question.

Je tiens à préciser très clairement ne soutenir aucune cause préconisant l’authenticité d’une lettre, d’un traité ou de tout écrit faisant plus autorité qu’un autre. Ce livre les inclut tous pour leur beauté et la clarté de leurs enseignements. Ils ne devraient donc pas être considérés comme des déclarations fondamentales de Nichiren. De plus, je n'ai inclus que des citations qui, à mon sens, reflètent pleinement l'esprit des écrits qui font autorité, en particulier les « cinq Ecrits majeurs » qui forment, [pourrait-on dire,] le réquisitoire de la dernière cour d'appel défendant les enseignements de Nichiren. Ces cinq principaux écrits sont : le Risshō Ankoku-ron* ; le Kaimoku-shō* ; le Kanjin Honzon-shō* ; le Senji- shō* et le Hōon-jō*. Les traductions du Shōwa Teihon mentionnées dans ce livre sont du Dr Yumi Moriguchi et de moi-même, révisées ensuite par mon « sensei », le Vénérable Ryusho Matsuda. J’aimerais exprimer ici ma plus profonde et sincère gratitude envers tout leur dur labeur sans l’aide duquel je n'aurais pu écrire ce livre.