Un bouddhisme pour notre temps

Une interprétation moderne du Triple Sutra du Lotus par
Niwano Nikkyo
traduit de A Buddhism for today (Kosei Publishing Co - 2006)

Voir : SUTRA DU LOTUS - CHAPITRE XXIII

Conduite originelle du bodhisattva Yakuo

Avec le chapitre XXII, Passation, se termine l'étude des points principaux du Sutra du Lotus. Nous pouvons nous demander alors pourquoi le Bouddha prêcha six chapitres de plus.

En effet, avec le chapitre XXII, nous avons pu comprendre les idées fondamentales des enseignements de Shakyamuni, raffermir notre foi et former la résolution de les pratiquer. Il est facile de parler des enseignements du Bouddha mais il est très difficile de les pratiquer. Nous avons défini une attitude de base envers la pratique. Mais lorsque nous arrivons à la pratique concrète des enseignements, nous avons besoin de confirmer notre attitude une fois de plus. Comment faire ? Nous devons nous appuyer sur quelque chose qui nous encourage et nous inspire afin de ne jamais abandonner ni oublier l'attitude fondamentale de la pratique. En un mot, nous devons rechercher une impérieuse motivation pour pratiquer.

Quelle est donc cette impérieuse motivation ? On peut en trouver quelques suggestions chez les pratiquants du passé. Les exemples de ceux qui ont pratiqué autrefois la Voie du Bouddha peuvent nous inspirer pour obtenir les mêmes mérites-kudokus. C'est un peu comme l'éducation morale par l'exemple dans la vie quotidienne. Lorsque les parents enseignent à leurs enfants qu'il faut être prévenant avec les personnes âgées, on peut se demander s'ils appliquent leurs propres conseils. Les parents peuvent, au moins, donner un exemple concret aux enfants. S'ils disent : ‘‘Aujourd'hui, dans l'autobus, j'ai vu un petit garçon céder son siège à une vieille dame. Sa gentillesse et sa prévenance m'ont fait vraiment plaisir’’, l'enfant se sentira concerné et voudra, le cas échéant, suivre l'exemple du petit garçon.

Nous avons besoin de modèles concrets pour nous encourager à pratiquer le bien. Qui donc prendre comme modèle pour notre pratique de la Voie bouddhique ? Bien sûr, on devrait tous suivre le modèle de Shakyamuni en personne et commencer par marcher sur le chemin qu’il a montré. Mais nous n'avons aucune idée de la façon de procéder pour imiter le Bouddha parce qu'il est parfait et sans défaut ‘‘ayant réalisé jusqu'à leur terme toutes les vertus’’. Les gens ordinaires peuvent imiter bien plus facilement les vertus ou les actions d'un bodhisattva. Les chapitres qui terminent le Sutra du Lotus décrivent une série de bodhisattvas-modèles. Dans ces chapitres, chaque vertu de bodhisattva est présentée de manière idéalisée ; le Bouddha, nous incitant à oublier notre autosatisfaction, nous propose d'en faire autant. Notre vie spirituelle est un processus continuel d'essais et d'erreurs : nous faisons deux pas en avant et un pas en arrière. Lorsque nous lisons les six derniers chapitres du Sutra du Lotus, nous sommes encouragés à ne pas être négligents ou arrogants. Il n’est donc pas question de faire l’impasse sur ces chapitres. Ce n'est pas parce que nous avons compris les chapitres précédents que nous pouvons nous dispenser de lire la suite.

Nous devons veiller à ne pas mal interpréter ces descriptions merveilleuses qui tranchent avec les chapitres précédents du Sutra. Ce qui compte, c'est l'esprit et la signification profonde qui sont cachés derrière les événements fantastiques. Ainsi, ce chapitre XXIII relate l'histoire du bodhisattva Bhaishajyaraja* (Yakuo) qui mit le feu à ses bras. Dans l'Inde ancienne, de nombreux ascètes firent réellement de telles choses. En Chine et au Japon aussi, sans oublier le Vietnam, il y eut des cas de moines bouddhistes qui se sont immolés par le feu et qui sont morts assis calmement dans les flammes. Cependant, de telles pratiques vont à l'encontre de l'enseignement de la Voie du Milieu prêchée par le Bouddha et ne sont pas dignes de notre admiration. Pourquoi donc le bodhisattva Bhaishajyaraja est-il loué pour une pratique semblable ? Parce que, de nos jours, nous devons prendre pour modèle le zèle qu'il exprime par ce geste. Brûler son bras symbolise l'esprit indomptable dans la pratique de l'enseignement. En pratiquant le Dharma "au risque de sa vie", Bhaishajyaraja manifeste sa conviction inébranlable. C'est cet engagement profond que nous pouvons admirer sans nous laisser abuser par le sens littéral des mots.

Deuxièmement, nous commettons une grave erreur si nous interprétons superficiellement la façon d’obtenir le salut. Par exemple, dans le chapitre XXV, Porte universelle du bodhisattva Avalokiteshvara (Kannon) il est dit :

« quiconque garde le bodhisattva Avalokiteshvara présent à la mémoire sera délivré des diverses souffrances.»

On pourrait en déduire que nous n'avons pas à faire d'effort pour être sauvés mais, si nous adoptons cette croyance, aucun des enseignements du Sutra du Lotus ne portera de fruit. Il est évident que le Bouddha ne peut pas s'être contredit dans les six derniers chapitres de façon à renier fondamentalement tous les enseignements prêchés jusqu'au chapitre XXII.

Il est difficilement croyable que, pendant des siècles, de nombreuses personnes ont adopté des interprétations superficielles sur un point si évident pour se tourner vers une croyance facile et paresseuse, comme si seulement penser à Avalokiteshvara pouvait leur permettre de se libérer de la souffrance.

Lorsque nous lisons le chapitre XXV avec attention et en profondeur, nous comprenons que les pouvoirs surnaturels de ce bodhisattva sont identiques dans leur essence au pouvoir du Dharma prêché par Shakyamuni. Nous réalisons que notre vie spirituelle ne doit dépendre que du Dharma, que nous devons le cultiver et le pratiquer en prenant pour modèle immédiat le bodhisattva Avalokiteshvara. Il est grandement regrettable que des interprétations erronées et simplistes des sutras aient pu pénétrer profondément dans l'esprit des gens pendant de nombreux siècles, corrompant ainsi le véritable esprit du bouddhisme. Espérons sincèrement que les lecteurs de ce livre ne feront pas la même erreur.

Examinons maintenant le contenu du chapitre XXIII.

Dans le chapitre précédent, tous se réjouissaient de l'enseignement du Bouddha. Maintenant, le bodhisattva Nakchatra-raja-samkusumitabhijana (Splendeur Royale des Constellations) s'adresse à l'Éveillé :

« Bhagavat, comment se fait-il que le bodhisattva Bhaishajyaraja* (Yakuo) ait voyagé jusqu'au monde Saha*? Vénéré du monde, ce bodhisattva Bhaishajyaraja a pour lui plusieurs milliers de millions de myriades de milliards de pratiques difficiles, de pratiques ascétiques. Fort bien, Bhagavat ! Nous souhaitons une brève explication; les devas*, nagas*, divinités terrestres, yakshas*, gandharvas*, asuras*, garudas*, kimnaras*, mahoragas*, humains et non-humains, de même que les bodhisattvas venus d'autres royaumes ainsi que cette multitude de shravakas*, à l'entendre, en seront tous en liesse.»

L'expression "voyager jsqu'au monde Saha" signifie que le bodhisattva Bhaishajyaraja apparaît librement n'importe où dans notre monde pour éveiller et sauver tous les êtres vivants.

« Alors l'Éveillé déclara au bodhisattva Nakchatra-raja-samkusumitabhijana* : "Dans le passé, il y a de cela autant de kalpas que les sables d'innombrables Gange, était un bouddha appelé l'Ainsi-Venu Chandra-vimala-suryaprabhasashri (Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire), Arhat*, Samyak-Sambuddha*, Vidya-carana-sampanna*, Sugata*, Lokavit*, Purusa-damya-sarathi*, Sasta deva-manusyanam*, Buddha*, Bhagavat* ; ce bouddha avait quatre-vingts myriades de grands bodhisattvas-mahasattvas et une vaste multitude d'auditeurs-shravakas*, autant que les sables de soixante-douze Gange. La longévité du bouddha était de quarante-deux mille kalpas, et celle des bodhisattvas lui était égale. Ce royaume n'avait ni femmes, ni enfers, ni démons affamés, ni animaux, ni asuras* ni aucun des états difficiles ; le sol en était plat comme la paume de la main (note) et était fait de vaidurya (béryl) ; il était orné d'arbres de matières précieuses ; une courtine de joyaux le recouvrait au-dessus ; des bannières fleuries de joyaux y étaient suspendues ; des vases de pierres précieuses et des brûle-parfums délimitaient tout le pourtour du royaume ; les sept matières précieuses y formaient des terrasses, chaque terrasse alternait avec un arbre, l'arbre étant à tout un jet de flèche de distance (note) de la terrasse. Au pied de tous ces arbres de matières précieuses étaient assis des bodhisattvas et des auditeurs-shravakas* ; sur chacune des terrasses de matière précieuse se trouvaient des centaines de myriades de devas* qui jouaient des musiques célestes et louaient de leurs chants l'Éveillé, en manière d'offrandes.»

Comme nous l'avons vu au chapitre 12, Devadatta, la raison pour laquelle les femmes sont mentionnées ici au même titre que les enfers, les esprits faméliques, les animaux et les asuras, provient de l'idée généralement acceptée en Inde ancienne que les femmes étaient l'incarnation du mal et faisaient obstacle à la pratique des disciplines spirituelles des hommes. Nous n'avons donc pas à prendre la mention des femmes au sens littéral dans un tel contexte. Souvenons-nous que les enseignements du Bouddha ont réfuté cette idée généralement admise en Inde à cette époque.

« En ce temps-là, ce bouddha exposa le Sutra du Lotus du Dharma à l'intention du bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana (Vision de Joie pour Tout Etre) ainsi qu'à la multitude des bodhisattvas et des shravakas. Ce bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* se plaisait aux pratiques ascétiques ; au sein du Dharma du bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri (Vertu de Pure Clarté Solaire et Lunaire), ayant recherché de tout coeur l'état de bouddha en des pérégrinations zélées qui durèrent douze mille années pleines, il obtint le samadhi* d'apparition sous toutes les formes corporelles.»

"Le samadhi* d'apparition sous toutes les formes corporelles (sarva rupa sam darshana) " est celui du bodhisattva qui peut choisir d'apparaitre avec un corps ou sous une forme adaptée pour mener les êtres vers le Dharma. S'il y a des hommes qui peuvent être guidés avec douceur, le bodhisattva prend une expression douce et utilise des mots doux. S'il y a des hommes qui ont besoin d'être instruits plus strictement, il adopte une attitude plus sévère comme Fudo-Myo-o* (Acala) et prononce des paroles dures. Le bodhisattva change ainsi spontanément et sans se tromper. Une personne qui n'a pas encore atteint ce samadhi* a du mal, pour apprécier la capacité des autres, à comprendre l'enseignement et ne réussit pas à les guider. C'est un avertissement judicieux pour nous qui croyons au Sutra du Lotus et qui le pratiquons à l'époque du Dharma dégénéré (mappo).

« dès qu'il [Sarvasattva-priyadarshana (Vision de joie pour Tout Etre)] eut obtenu ce samadhi*, son cœur fut en grande liesse et il se fit cette réflexion : "Si j'ai obtenu le samadhi* d'apparition sous toutes les formes corporelles, c'est entièrement grâce au fait que j'ai pu entendre le Sutra du Lotus du Dharma; je dois maintenant faire offrande au bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri* ainsi qu'au Sutra du Lotus du Dharma." Il entra aussitôt en ce samadhi* : il fit pleuvoir dans l'espace des fleurs mandarava* et de mahamandara*, des pluies de chandana* en fine poudre qui, en descendant, remplit l'espace comme une nuée ; il fit aussi pleuvoir le santal parfumé uragasara*, six grains-karshas* de ce parfum valant le prix du monde Saha*, en offrande à l'Éveillé.

« Ayant fait ces offrandes, il émergea de son samadhi* et se fit cette réflexion: "J'ai certes fait offrande à l'Éveillé à l'aide de mes pouvoirs supranaturels, mais cela ne se compare pas à l'offrande de mon corps. Il absorba alors divers parfums: chandana*, kunduruka*, tubushka*,  prikka*, aloès, myrrhe ; il but aussi des huiles de fleurs odorantes telles que le champaka, ce durant mille deux cents années pleines ; il s'enduisit le corps d'huiles odorantes. Devant le bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri*, il s'enveloppa le corps dans un précieux vêtement divin, s'oignit d'huiles odorantes et, par la force de ses pouvoirs supranaturels, fit brûler son corps. La clarté illumina entièrement autant de mondes qu'il y a de sables dans quatre-vingts myriades de Gange.»

Faire brûler de nombreuses sortes d'encens et boire des huiles essentielles de fleurs est une façon de purifier son corps. Cet acte symbolique nous dit que nous devons d'abord purifier notre comportement avant de rendre hommage au Bouddha. Dans l'expression "par la force de ses pouvoirs supranaturels", les pouvoirs ne sont pas ceux que l'on exerce pour soi-même mais ceux que l'on utilise dans le but de propager les enseignements du Bouddha. Le plus grand hommage que l'on puisse rendre au Bouddha est d'obtenir ce pouvoir surnaturel et propager spontanément ses enseignements.

« Les bouddhas [...] firent en même temps son éloge : "C'est bien, c'est fort bien, fils de foi sincère* ! Voilà un zèle authentique, voilà ce qui constitue l'authentique offrande du Dharma (note) à faire à un Éveillé. Même si l'on prenait fleurs, encens, guirlandes, fumigations, poudres, onguents, soieries célestes, bannières, dais, santal uragasara et l'on faisait offrande d'une telle variété d'objets, cela ne saurait l'égaler; quand bien même ce serait le don d'un royaume, d'une ville, de femme et enfants, cela non plus ne saurait l'égaler. Fils de foi sincère*, cela constitue le don primordial, le plus vénérable, le plus éminent des dons, car on y fait offrande du Dharma à l'Ainsi-Venu." Après avoir tenu ces propos, chacun garda le silence. La combustion de son corps dura mille deux cents ans, après quoi le corps fut complètement consumé. »

Le don suprême

Ici, le Bouddha, exalte l'enseignement selon lequel pratiquer le Dharma est le véritable hommage à l’Ainsi-Venu et que le véritable don est la pratique du Dharma. Brûler son corps, c'est se consacrer au Dharma et endurer les difficultés et les sacrifices que cela peut entraîner.

« Après que le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* eut fait une telle offrande du Dharma et que sa vie eut pris fin, il renaquit dans le royaume du bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri*, dans la famille du roi Vimaladata* : il vint au monde par métamorphose (note), d'un seul coup, assis les jambes en position de lotus, à l'intention de son père, s'exprima en stances :

« Sache-le à présent, grand roi :
c'est en déambulant en tel lieu
que j'obtins, en temps voulu,
le samadhi* d'apparition sous toutes les formes corporelles;
je m'appliquai à pratiquer le grand zèle
et renonçai à ce corps que j'avais chéri.

« Ayant prononcé cette stance, il s'adressa à son père (note) : "Le bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri* se trouve, encore maintenant, présent parmi nous; après avoir auparavant fait offrande à cet Éveillé, j'ai obtenu la dharani de compréhension de tous les langages des êtres et j'ai de surcroît entendu les huit mille millions de myriades de milliards, de billions, de milliers de billions, de trillions de stances (note) de ce Sutra du Lotus du Dharma. Grand roi, je ferai maintenant de nouveau offrande à cet Éveillé." Ayant dit, il s'assit sur une terrasse faite des sept matières précieuses, s'éleva dans l'espace jusqu'à la hauteur de sept arbres tala et se rendit auprès du bouddha; il le salua en inclinant la tête jusqu'à ses pieds, joignit les extrémités de ses dix doigts et fit l'éloge de l'Éveillé en une stance :

« Toi dont l'apparence est si merveilleuse,
dont la clarté illumine les dix directions,
je t'ai fait offrande de par le passé
et je reviens maintenant te visiter. »

« Alors le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana*, ayant prononcé cette stance, s'adressa au bouddha : "Le Bhagavat se trouve donc encore en ce monde !"»

Ces paroles prononcées par le bodhisattva montrent la faim et la soif des disciples pour le Bouddha. C'est une exaltation spirituelle par laquelle le désir des disciples et la compassion du Bouddha envers eux se rejoignent parfaitement. Puissions-nous être prêts à prononcer les mêmes paroles que le bodhisattva quand nous verrons le Bouddha.

« Alors le bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri* déclara au bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* : " Fils de foi sincère*, le temps de mon parinirvana est arrivé, le moment est venu de disparaître complètement. Tu peux préparer ma couche: ce soir se produira le nirvana suprême."

« Et il ordonna encore au bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* : "Fils de foi sincère*, c'est à toi que je confie le Dharma de bouddha, de même que les bodhisattvas et les grands disciples, en même temps que le Dharma de l'Éveil complet et parfait sans supérieur*, et aussi le monde tricosmique fait des sept matières précieuses, les arbres précieux, les terrasses précieuses, ainsi que les devas* qui y servent, je te remets tout cela. Les reliques qui pourront se trouver après mon passage dans le parinirvana, je te les confie également. Tu les diffuseras et leur assureras amplement des offrandes; il te faudra élever plusieurs milliers de stupas."»

Qu'est-ce qui explique cette confiance que manifeste le Bouddha envers Sarvasattva-priyadarshana ? Le Bouddha avait remarqué que ce bodhisattva pratiquait le Dharma de tout son cœur. Notre pratique du Dharma est, à l'évidence, la chose la plus importante pour ceux qui adhérent au bouddhisme.

Signification des stupas

Le bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri* demande au bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* de distribuer amplement ses reliques et de les honorer. Il ne s'agissait pas de se contenter d’un hommage aux reliques mais, par ce geste, faire en sorte que tous les êtres vivants aient faim et soif de voir le Bouddha. Chandra-vimala-suryaprabhasashri demande également d'élever plusieurs milliers de stupas. Par ces constructions, tous les êtres vivants devaient ancrer les enseignements dans leur esprit. Les stupas étaient une façon de louer les vertus du Bouddha. Si nous construisons un stupa en n'étant préoccupés que de sa forme et de son apparence et si nous oublions qu'il sert à ancrer l'enseignement dans notre esprit, nous ne sommes pas en harmonie avec le Bouddha. Ce qu'il souhaite n'est pas l'apparence mais le contenu, non une théorie mais la pratique.

« Le bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri* ayant ainsi fait ses recommandations au bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana*, entra, à la dernière veille de la nuit, dans le nirvana.

« Alors, voyant le bouddha passé en parinirvana, s'attrista, se désola, se languit après l'Éveillé ; il prit du santal uragasara comme combustible, en fit offrande au corps du bouddha et s'en servit pour l'incinérer. Lorsque le feu se fut éteint, il recueillit les reliques, confectionna quatre-vingt-quatre mille urnes précieuses et édifia quatre-vingt-quatre mille stupas. »

On dit que le Bouddha Shakyamuni prêcha quatre-vingt-quatre milles sermons. La phrase ‘‘Lorsque le feu se fut éteint, il recueillit les reliques, confectionna quatre-vingt-quatre mille urnes précieuses et édifia quatre-vingt-quatre mille stupas.’’ est une façon de dire que le bodhisattva s'efforça de maintenir pour l'éternité tous les enseignements du bouddha, de les mémoriser et de les prêcher.

« Alors le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* se fit encore cette réflexion: malgré ces offrandes que j'ai faites, mon cœur n'est pas encore satisfait (note) ; je vais à présent faire davantage offrande aux reliques. Sur ce, il parla aux bodhisattvas, aux grands disciples, ainsi qu'aux devas*, nagas*, yakshas*, et à l'ensemble de la vaste multitude: "Prêtez-moi toute votre attention; je vais à présent faire offrande aux reliques du bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri*." Ayant ainsi parlé, il fit brûler devant les quatre-vingt-quatre mille stupas ses bras (note) orné par cent mérites, ce durant soixante-douze mille ans, pour en faire offrande. Il permit aux innombrables multitudes en quête de l'état de shravaka* et à d'incommensurables quantités incalculables d'hommes de déployer la pensée d'Éveil complet et parfait sans supérieur* et les mena tous à obtenir le samadhi* d'apparition sous toutes les formes corporelles. »

Rendre hommage au Bouddha

Le plus grand hommage que Sarvasattva-priyadarshana* rendit au bouddha fut de maintenir ses enseignements pour l'éternité, de les mémoriser et de les prêcher. Cependant, pour un fidèle du Sutra du Lotus ce n'était pas assez et il réalisa que le plus grand hommage à rendre au Bouddha était la pratique de l'enseignement lui-même ; c'est pourquoi il brûla ses bras. En d'autres termes, il se consacra à la pratique du Dharma sans se soucier de la souffrance, de la douleur ou des difficultés que cela engendrerait. Ses pratiques se transformèrent en une grande lumière qui guida les hommes, dissipant les ténèbres de leur esprit, leur permettant de rechercher sans relâche la Voie. Cette description met en évidence les grands bienfaits qu’apporte la pratique du Dharma.

« Alors les bodhisattvas, les devas*, hommes, asuras* et autres, qui le voyaient privé de bras, se désolèrent et s'apitoyèrent; ils tinrent ces propos: "Le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* est notre maître, il nous a enseignés et convertis ; or voilà que maintenant il s'est brûlé les bras et se retrouve le corps mutilé." (note)

« A ce moment, le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana*, au sein de la vaste multitude, prêta ce serment : "J'y perdrai les deux bras, mais j'obtiendrai à coup sûr un corps de bouddha de couleur d'or (note) ; si ceci est réel et non pas vain, que mes deux bras se reconstituent comme avant." Quand il eut fait ce serment, ils se reconstituèrent spontanément, ce qui fut possible par l'effet de la richesse des mérites et de la sagesse de ce bodhisattva. Au moment où cela se produisait, le monde tricosmique trembla de six façons, du ciel tomba une pluie de fleurs précieuses, l'ensemble des devas* et des hommes obtinrent ce qui était sans précédent. »

La reconstitution des bras de Sarvasattva-priyadarshana* montre l'état d'esprit idéal que ceux qui s’adonnent aux pratiques de bodhisattva doivent maintenir. Alors que se brûler les bras est considéré comme un acte très douloureux, cette action n’a rien de pénible pour une personne qui a atteint l'état d'esprit d'un grand bodhisattva. Quand on peut se sacrifier pour le Dharma, on ne ressent pas la souffrance. Le Sutra dit dans ce cas : ‘‘Le bodhisattva est toujours heureux et prêche aisément le Dharma’’.

« L'Éveillé déclara au bodhisattva Nakchatra-raja-samkusumitabhijana* : Quel est ton avis ? Le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana* saurait-il être quelqu'un d'autre ? L'actuel bodhisattva Bhaishajyaraja* c'était lui. Le don de renoncement à son corps, il l'a fait d'innombrables milliers de millions de myriades, de milliards de fois.

« Nakchatra-raja-samkusumitabhijana*, s'il se trouve quelqu'un qui, ayant déployé sa pensée et désireux d'obtenir l'Éveil complet et parfait sans supérieur*, est capable de se brûler un doigt ou un orteil pour en faire offrande au stupa, il surpassera celui qui aura fait offrande d'objets aussi précieux qu'un royaume ou une ville, ou bien de femme et enfants, voire des royaumes, des monts, des forêts, des fleuves et lacs du monde tricosmique.

« Et même encore s'il se trouvait quelqu'un pour faire offrande d'un monde tricosmique plein des sept matières précieuses à l'Éveillé, ainsi qu'aux grands bodhisattvas, aux pratyekabuddhas*, aux arhats, les mérites qu'il aurait obtenus ne se comparent pas à celui qui accepte et garde ce Sutra du Lotus du Dharma, n'en serait-ce qu'une stance de quatre vers : ses bénédictions sont les plus nombreuses.»

Dix comparaisons louant le Sutra du Lotus

Le Bouddha continue :

« Nakchatra-raja-samkusumitabhijana*, tout comme, par exemple, l'océan est primordial parmi l'ensemble des eaux, fleuves et rivières, ainsi en est-il également de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus profond et le plus grand des sutras exposés par les Ainsi-Venus.

« De même encore que, de la multitude des montagnes, le Mont de Terre, Kalaparvata (le Mont Noir), le Mont Chakravala (Enceinte de Fer), le Mont Mahachakravala (Grande Enceinte de Fer) (note) et les dix monts Précieux, c'est le Mont Sumeru qui est primordial, ainsi en est-t-il de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus éminent des sutras.

« De même encore que, dans la multitude des étoiles, c'est la divine lune qui est primordiale, ainsi en est-il de ce Sutra du Lotus du Dharma, qui est le plus lumineux des milliers de millions de myriades de textes et enseignements.

« De même encore que le divin soleil est capable de dissiper les ténèbres, ainsi en est-il de ce Sutra, capable d'éliminer l'obscurité de l'ensemble des manquements au bien.

« De même encore que, parmi les rois mandalins*, le roi balachakravartins* est le plus éminent, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est le plus vénérable des sutras.

« De même encore qu'Indra est roi parmi les trente-trois devas, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est roi parmi les sutras.

« De même encore que le grand roi des devas* Brahma* est le père de tous les êtres, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est le père de tous les sages et les saints, des apprentis et de ceux qui sont au-delà de l'étude, ainsi que de ceux qui ont déployé la pensée de bodhisattva.

« De même encore que, parmi tous les profanes, le srotaapanna (l'entré dans le courant), le sakridagamin (celui qui ne revient qu'une fois), anagamin (le sans-retour), l'arhat, le pratyekabuddha* sont primordiaux, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est éminemment primordial parmi les textes et enseignements, qu'ils aient été exposés par tous les Ainsi-Venus, par les bodhisattvas ou par les shravakas.

« Et il en est de même de ceux qui sont capables de recevoir et garder ce Sutra : ils sont aussi les premiers de l'ensemble des êtres.

« Parmi l'ensemble des shravakas* et des pratyekabuddhas*, les bodhisattvas sont primordiaux; il en est de même de ce Sutra, qui est éminemment primordial parmi l'ensemble des textes et enseignements.

« De même que l'Éveillé est roi des enseignements, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est roi des sutras.»

Ces dix comparaisons qui louent le Sutra du Lotus prouvent qu'il est le meilleur et le plus sublime de tous les sutras car l'intention du Bouddha est que nous inscrivions dans notre cœur, de façon indélébile, que la pratique du Dharma est la chose essentielle pour l'accomplissement de la Voie vers l'Éveil.

Parmi ces comparaisons, notons que le ‘‘grand roi des devas, Brahma, est le père de tous les êtres’’ et que le Sutra du Lotus est ‘‘le père de tous les sages et les saints, des apprentis et de ceux qui sont au-delà de l'étude, ainsi que de ceux qui ont déployé la pensée de bodhisattva’’. En Inde, longtemps avant la venue de Shakyamuni, les gens croyaient que Brahma était le père de tous les êtres vivants et que ce roi des dieux dirigeait toutes les créatures. Dans la comparaison ci-dessus, le Bouddha ne dit pas expressément que cette idée est fausse mais que tous les êtres vivants considèrent Brahma comme leur père, et que, de même, ce Sutra est le père de tous. Guider de la manière douce des personnes ordinaires vers le chemin de la vérité est une des caractéristiques du bouddhisme.

Le Bouddha continue :

«Nakchatra-raja-samkusumitabhijana*, ce Sutra peut sauver l'ensemble des êtres, ce Sutra peut permettre à l'ensemble des êtres de se dégager des affres passionnelles, ce Sutra peut dispenser une abondance de bienfaits à l'ensemble des êtres et combler leurs voeux.»

Le Bouddha enseigne ici de manière plus détaillée que le Sutra du Lotus offre à tous les êtres vivants la possibilité d'être sauvés, d'être délivrés de la douleur et de la souffrance et de réaliser leurs vœux. Le mot "vœux" ne signifie pas des désirs immédiats pour des satisfactions matérielles ou pour une vie confortable, ce mot indique l'idéal qui est le but réel de la vie. Bien que chaque personne ait son propre vœu ou son but spécifique, ce doit toujours être quelque chose qui doit être réalisé pour le bien des autres. Pour les bouddhistes, c'est d'une importance capitale. Le Sutra du Lotus est mal interprété lorsque les personnes comprennent le mot "vœux" dans le sens de désirs fondés sur l'avidité. Il n'y a rien d'aussi dangereux que cette mauvaise interprétation du Dharma et il est bon d’y réfléchir.

Douze comparaisons : les bienfaits célestes apportés par le Sutra du Lotus

Le Bouddha continue :

«Comme une pièce d'eau pure et fraîche peut combler tous ceux qui ont soif, comme le feu pour qui a froid, comme le vêtement pour qui est nu, comme le chef de caravane pour un marchand, comme la mère pour un enfant, comme le bac pour qui veut traverser, comme le médecin pour un malade, comme la lampe dans l'obscurité, comme le trésor dans la pauvreté, comme le roi pour le peuple, comme la mer pour le commerçant qui voyage, comme la torche qui dissipe les ténèbres, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est capable de mener les êtres à se dégager de toutes les douleurs et de toutes les maladies et qui est capable d'affranchir de toutes les entraves de la naissance et de la mort. (note) »

Le Bouddha fait douze comparaisons concernant les bienfaits célestes apportés par le Sutra du Lotus. Nous constatons que ce n'est pas une simple louange du Sutra. La dernière phrase, ‘‘capable d'affranchir de toutes les entraves de la naissance et de la mort’’ est particulièrement importante. Les entraves de la naissance/mort désignent l'état d'esprit où nous sommes surpris ou troublés par des changements brusques de notre situation et où nous ne nous sentons pas en sécurité. D'où proviennent donc nos angoisses ? Tout changement peut être inquiétant. Mais si nous comprenons les Trois sceaux du bouddhisme — les multiples dharmas sont impermanents, les multiples dharmas sont sans substance, le nirvana est sérénité et pureté — nous pouvons nous libérer de tous les liens de la naissance/mort et parvenir à une véritable paix intérieure, sans s'inquiéter de ce qui change autour de nous.

Ensuite le Bouddha dit :

«Si l'on obtient d'entendre ce Sutra du Lotus du Dharma, si on le copie soi-même ou si on le fait copier par autrui, même en dénombrant leur quantité à l'aide de la sagesse de bouddha, on n'atteindra pas au terme des mérites qui en seront acquis.

«Si l'on copie les volumes de ce Sutra et si on leur fait des offrandes de fleurs, d'encens, de guirlandes, de fumigations, de poudres, d'onguents, de bannières, de dais, de vêtements, de toutes sortes de lampes - lampes à beurre clarifié, lampes à huile, lampes aux diverses essences : lampes à huile d'atimuktaka, lampes à huile de sumana, lampes à huile de patala, lampes à huile de jasmin varshika, lampes à huile de navamallika -, les mérites obtenus seront également innombrables.»

Rendre hommage au Sutra par des offrandes matérielles est une façon d'exprimer sa gratitude. Nous avons fréquemment souligné que la meilleure façon d'exprimer que l'on apprécie le Dharma est de le pratiquer, le proclamer et le propager largement. Ici, les offrandes faites au Sutra sous forme de fleurs, de parfums, d'encens et de diverses sortes de lampes représente l'hommage rendu au Dharma par les nombreuses pratiques de bodhisattva.

Après une première partie où est commenté le Sutra du Lotus, ce chapitre passe aux mérites-kudokus , particulièrement ceux de Bhaishajyaraja. L'insistance sur les bienfaits qui résultent du fait de "recevoir et garder le Sutra du Lotus" s'explique par la nécessité d'une mise en pratique du Dharma pour qu'il devienne vivant. C'est pourquoi ce chapitre loue principalement le caractère sacré d'une personne pratiquant le Sutra du Lotus. Nous ne devons donc pas considérer ce chapitre comme nous exhortant uniquement à "recevoir et garder". Ce serait là une interprétation superficielle d'un niveau spirituel peu élevé. Il convient de lire ce Sutra avec attention et en profondeur pour éviter cette erreur. Pour cela il faut considérer ce chapitre dans sa globalité.

Prenons, par exemple, ces paroles:

« C'est bien, c'est fort bien, fils de foi sincère  ! Tu as été capable, au sein du Dharma du Bouddha Shakyamuni, de recevoir, de garder, de lire et réciter ce Sutra, d'y réfléchir et de l'exposer à autrui.»

Le bouddha attire notre attention sur l'importance de recevoir et de garder, de lire et de réciter, de réfléchir sur ce Sutra et sur la nécessité de l'expliquer aux autres. Ce que nous devons recevoir et garder est la totalité du Sutra du Lotus. Nous devrons nous souvenir de cela lorsque nous examinerons le chapitre XXV, Porte universelle du bodhisattva Avalokiteshvara.

Les cinq périodes de cinq-cents ans

Nous avons vu qu'il ne convient pas de prendre à la lettre les expressions dépréciatives à l'égard des femmes :

« S'il s'agit d'une femme qui entende ce chapitre sur la conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja* et qu'elle puisse le préserver, une fois qu'elle sera venue au terme de son corps de femme, elle n'en recevra plus jamais.

et

« S' [...] il est une femme pour entendre ce Sutra et pour pratiquer comme il l'est prêché... »

Un remarque de même ordre doit être faite au sujet de l'expression :

« les cinq-cents dernières années après le parinirvana de l'Ainsi-Venu ».

Shakyamuni prédit qu'après son décès, le bouddhisme passerait par cinq périodes, chacune de cinq-cents ans. D'après le sutra Mahasamnipata, il y aura cinq périodes de cinq-cents ans chacune faisant suite à l'entrée du Bouddha dans le parinirvana.

Dans la première période, les hommes seront fermes et dévoués au salut, tandis que dans la deuxième, ils se consacreront à la méditation. Ensemble, ces deux périodes sont celles du Dharma Correct (shoho) maintenu dans sa pureté. La troisième période est caractérisée par une dévotion à la lecture et à la récitation à la lettre du Dharma ; la quatrième période est dédiée à la construction de stupas et de temples, c'est-à-dire de cénotaphes aux maîtres et aux prédicateurs. Ces deux périodes sont celles du Dharma Formel appelé également Dharma de Semblance (zoho). La cinquième période — les cinq cents dernières années — se caractérise par la disparition du Vrai Dharma et par l'émergence de conflits et divisions internes ; c'est le début de la fin du Dharma (mappo).

Au cours du premier demi-millénaire, les gens pratiquent correctement les enseignements du Bouddha et se libèrent des liens de l'illusion et de la souffrance. La personnalité exceptionnelle du Bouddha est encore profondément imprimée dans l'esprit des hommes, elle les guide vers l'élévation spirituelle. Il leur suffit de suivre ses enseignements pour mener une existence vertueuse et sereine. C'est une période de "pratique aisée" durant laquelle les hommes n'ont pas besoin de rechercher la bodhéité par eux-mêmes, mais pratiquent simplement les enseignements tels qu'ils les ont reçus. C'est grâce à la vertu personnelle du Bouddha que les hommes bénéficient d'une telle facilité. Mais bien que les enseignements du Bouddha subsistassent pour l'éternité, cette période prend fin après cinq-cents ans.

Le deuxième demi-millénaire est une période durant laquelle ceux qui reçoivent et gardent les enseignements du Bouddha se consacrent à la méditation et réfléchissent sur l'application des enseignements adaptés à leur époque. La société se modifie grandement à la fin du millénaire après la disparition du Bouddha. Les gens se demandent comment ils doivent interpréter les enseignements et comment ils doivent les appliquer à la société de façon à en faire bon usage. C'est une période durant laquelle les gens ont   plus de difficultés à pratiquer les enseignements mais la doctrine reste intacte. C'est pourquoi ce demi-millénaire est principalement consacré à la méditation.

Le troisième demi-millénaire est une période durant laquelle l'étude du Dharma continue à se développer. Alors que plus de mille ans se sont écoulés depuis la mort du Bouddha, les hommes viennent à le considérer comme une grande figure historique plutôt qu'un guide dans la réalité de la vie humaine. Il est fort éloigné de la vie quotidienne et ils le vénèrent mais ressentent moins de "faim et soif" à son égard. En même temps, comme la civilisation matérielle progresse et comme la société devient plus complexe, le bouddhisme, qui était autrefois un enseignement vivant ancré dans le quotidien, devient un objet d'étude scientifique.

Le quatrième demi-millénaire voit fleurir des temples et des stupas. Les hommes se détournent de l'étude du Dharma et souhaitent recevoir des faveurs célestes du Bouddha simplement en construisant des temples et des stupas. Durant cette période, le bouddhisme continue à se développer de façon formelle, mais son esprit est complètement perdu. Aristocrates et hommes de pouvoir croient que la construction de temples splendides assurera la prospérité de leur famille. Les moines bouddhistes vivent dans le luxe sous la protection de ces nobles et de ces personnages puissants ; quant au peuple il pense qu'en fréquentant les temples et en joignant les mains devant les images des bouddhas on peut être sauvé.

Le cinquième demi-millénaire est celui où la communauté bouddhique est déchirée par des conflits internes et où l'hérésie se développe. Même le formalisme purement extérieur est largement décadent. L'attitude des hommes est de plus en plus celle du chacun pour soi et ils recherchent des profits uniquement personnels ou pour leur famille, leur groupe, leur pays, leur classe sociale. Par appât du gain ils deviennent adversaires et rivalisent sans cesse. Dans l'affirmation de leur volonté personnelle ils deviennent ennemis, ce qui mène finalement à des guerres et à des effusions de sang. Même dans des conditions normales c'est une succession de conflits sociaux plus ou moins graves et toute vie paisible est impossible. Notre époque actuelle correspond bien à cette période.

On appelle les mille premières années Jours du Dharma correct parce que les enseignements du Bouddha y seront maintenus et pratiqués en conformité avec ce qui a été réellement prêché. Les mille ans suivants sont appelés Jours du Dharma formel parce que les enseignements existeront encore mais uniquement de façon conventionnelle. Laest appelée des Derniers jours du Dharma parce que les enseignements du Bouddha, bien qu'impérissables et éternels, sont perdus pour les hommes. C'est pourtant à cette époque que ces enseignements sont le plus nécessaires. C'est pourquoi le Bouddha insiste régulièrement sur l'excellence de "ceux qui reçoivent et gardent, pratiquent, prêchent et propagent le Sutra du Lotus au cours de la période du déclin du Dharma.dernière période

Le Bouddha dit :

« Si, dans les cinq cents dernières années après le parinirvana de l'Ainsi-Venu, il est une femme pour entendre ce Sutra et pour pratiquer comme il l'est prêché, sa vie prenant fin ici, elle s'en ira dans la Terre pure de la Béatitude parfaite, là où demeure le bouddha Amitaba entouré d'une vaste multitude de bodhisattvas, pour renaître sur un trône précieux en une fleur de lotus. »

Une croyance centrée sur le bouddha Amida (aussi appelé Amitabha ou Amitayus) commença à se propager dans l'Inde occidentale près de cinq-cents ans après l'extinction du Bouddha.  Ses disciples cherchaient à renaître dans la Terre Pure, le paradis d'Amida, en s'abandonnant complètement au pouvoir de ce bouddha. Bien qu’Amida soit doté d'une immense compassion et du pouvoir de guider tous les êtres vivants vers la Terre Pure, cette croyance est incomplète car elle soutient l'idée d'un salut qui dépend uniquement du pouvoir d'Amida. Si les hommes ne prennent pas conscience de la Vérité universelle et ne vivent pas en accord avec cette Vérité, il est impossible de renaître dans la Terre Pure. Le salut ne peut être réalisé que si les hommes recherchent la sagesse-prajna et pratiquent la Voie menant au parachèvement de ce qu'ils sont. Afin que les hommes ne tombent pas dans une fausse interprétation et ne se placent complètement sous la dépendance d'Amida, Shakyamuni ajouta que la condition était d’ ‘‘agir suivant ses enseignements’’. C'est seulement à grâce à la vérité enseignée dans le Sutra du Lotus que la foi en Amida peut exercer son pouvoir.

Les trois poisons

Le Bouddha continue en affirmant que grâce à l'acceptation du Sutra,

« elle [cette femme (note) ] ne sera plus tourmentée par la cupidité (raga), elle ne sera plus tourmentée par la colère (pratigha ou dvesha) et la stupidité (moha), elle ne sera plus tourmentée par les souillures de l'orgueil et de la jalousie ni aucune autre impureté.»

Les trois souillures (bonno, klesha) de l'avidité (raga), de la colère (dvesha) et de la stupidité (moha) sont considérées comme les trois poisons (san-doku) originels qui mènent les hommes ordinaires à leur perte. S'ils pouvaient les éradiquer, ils en recevraient d'immenses bienfaits-mérites (kudoku). À cause de ces trois poisons, ils sont ‘‘tourmentés par l'orgueil, la jalousie et les autres impuretés’’. Les impuretés (bonno, klesha) sont communes à la fois aux hommes et aux femmes, même si le texte recommande de surveiller particulièrement ces dernières.

Ensuite le Bouddha dit :

« S'il est quelqu'un qui entende ce chapitre de la Conduite originelle du bodhisattva Bhaishajyaraja* et qui soit capable de s'en réjouir en conséquence et de le glorifier, un tel homme aura, dès cette existence, une senteur de fleur de lotus bleu qui s'exhalera constamment de sa bouche, de ses pores émanera constamment une senteur de chandana* les mérites qu'il obtiendra sont tels qu'exposés précédemment.»

Ces mots signifient que si, en entendant ce chapitre, une personne le reçoit avec joie et le glorifie, elle exercera une bonne influence sur ceux qui l'entourent. Son parfum n'imprégnera pas seulement ses vêtements mais sera transmis à ceux qui la toucheront. La phrase ‘‘un tel homme aura, dès cette existence, une senteur de fleur de lotus bleu’’ signifie que les mots prononcés par celui qui reçoit avec joie et glorifie le Sutra du Lotus rendront plus beau l'esprit de ceux qui l'entoureront. La phrase ‘‘de ses pores émanera constamment une senteur de chandana*’’indique que tout son entourage sera naturellement influencé par ses bonnes actions. C'est un idéal que ceux qui pratiquent les enseignements du Bouddha doivent rechercher.

Le Bouddha continue :

« Nakchatra-raja-samkusumitabhijana*, tu devras, par la force de tes pouvoirs surnaturels, protéger ce sutra. Pourquoi cela? C'est que ce sutra est un remède efficace pour les maladies des hommes du continent Jambudvipa. »

Les maladies sont les distorsions mentales des êtres vivants. Comme il a déjà été dit, il est naturel qu'une personne qui s'est remise d'un désordre mental soit aussi guérie de ses maladies physiques. Nous devons veiller à ne pas croire que les maladies sont d'ordre uniquement physique, ce serait réducteur.

Dans les paroles suivantes du Bouddha :

« Si quelqu'un est malade et qu'il puisse entendre ce texte, sa maladie se trouvera dissipée; il ne vieillira pas, il ne mourra pas. »

la vieillesse, la maladie et la mort ne s’appliquent pas à la vie de l'homme ici-bas. Ces mots font allusion aux modifications capitales qui se produisent dans la vie humaine. Si une personne peut dépasser les aliénations de la vie mortelle, elle ne sera plus paralysée à cause des changements divers de son existence et n'en souffrira pas.

Comme son nom l'indique, Bhaishajyaraja, le Roi des Remèdes (bhaishajya = remède), donne de bons traitements à tous les êtres vivants pour qu'ils se rétablissent de leurs désordres spirituels. L'amélioration de leurs perturbations mentales grâce à ce bodhisattva atténuera naturellement les maladies physiques. C'est par l'offrande de ses bras que le bodhisattva obtint ses pouvoirs transcendants de guérison quand il était le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana*. En d'autres termes, c'était dû à sa pratique personnelle du Sutra du Lotus. Le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana*, qui pratiquait le Sutra du Lotus, renaquit en Bhaishajyaraja, le Roi des Remèdes, et il eut le pouvoir transcendant de guérir les maladies spirituelles de tous les êtres vivants et, par là même, d'améliorer grandement l'état des maladies physiques. Nous pouvons en conclure que recevoir et garder et pratiquer de tout cœur le Sutra du Lotus devient une force pour la guérison des diverses sortes de désordres spirituels et autres. C’est pourquoi nous sommes encouragés à propager partout ce chapitre XXIII.

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Chapitre XXIII du Sutra du Lotus

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