Traité sur l'essentiel du Lotus
adaptation du texte traduit par G. Renondeau (réf.) Hokke Shuyo Sho Minobu, le 24 juin 1274 à Toki Jonin |
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N.B. Les notes et les passages entre crochets [ ] sont de G.Renondeau. Les mots entre parenthèses ( ) sont du webmaster. Les sutras et shastras qui sont arrivés au Japon du pays des Yuezhi*, qui est dans l'Ouest, par la Chine sont au nombre de plus de cinq ou sept mille. Il est au-delà de nos forces de distinguer parmi eux, en nous en remettant à notre propre jugement, ceux qui sont supérieurs ou inférieurs, superficiels ou profonds, difficiles ou faciles. Si l'on écoute telle personne ou si l'on s'appuie sur telle école pour le savoir on ne trouve que confusion. L'école Kegon dit : « Parmi tous les sutras celui-ci est le premier. » L'école Hosso dit : « Parmi tous les sutras, le Jimmitsu* est le premier. » L'école Sanron dit : « Parmi tous les sutras, c'est le Hannyakyo* qui est le premier. » L'école Shingon dit : « Parmi tous les sutras, ce sont les trois sutras de Vairocana* qui sont les premiers. » L'école Zen dit tantôt : « Parmi les enseignements, c'est le Ryogakyo* qui est le premier», tantôt : « C'est le Shuryogonkyo* qui est le premier », tantôt : « Notre école existe en dehors des enseignements [écrits], par transmission spéciale. » L'école Jodo dit : « Parmi tous les sutras, les trois sutras de la Terre Pure sont ceux qui conviennent le mieux aux Derniers jours du Dharma eu égard à la doctrine et aux capacités des hommes. » Les écoles Kusha, Jojitsu, Ritsu disent : « Les explications du Bouddha sont dans les quatre Agon et dans les Préceptes, le Kegonkyo* et le Sutra du Lotus* ne sont pas des explications du Bouddha, ce sont des livres de non-bouddhistes », etc. Les patriarches de ces écoles furent Dushun, Zhiyan, Fazang, Cheng-guan (de l'école Kegon), Xuanzang, Cien (de l'école Hosso), Jizang, Daolang (de l'école Sanron), Shubhakarasimha, Vajrabodhi, Amoghavajra (de l'école Shingon), Daoxuan, Jian-zhen* (de l'école Ritsu), Tanluan, Daochuo, Shandao (de l'école Jodo), Bodhidharma, Huiko (de l'école Zen). Tous ces Maîtres en tripitaka étaient des saints, des sages. Leurs connaissances étaient aussi brillantes que le soleil et la lune, leurs mérites plus profonds que les quatre océans. En outre, chacun s'appuyant sur des sutras, vinaya ou shastra, en tirait les preuves [de sa doctrine]. Il s'ensuivit que des pays tout entiers se tournèrent vers eux et que des peuples les regardèrent avec respect. La science des âges derniers, bien qu'insuffisante, a eu beau dire : ceci est juste, ceci est faux, elle n'a ébranlé la conviction de personne. C'est ainsi et pourtant il est regrettable d'avoir fait l'ascension d'une montagne riche en pierres précieuses et de n'y avoir ramassé que des morceaux de briques ou de pierres, ou d'être entré dans un bois de lilas d'Inde et d'y cueillir des branches d'iran (note). Aussi convient-il que mes disciples, méprisant les insultes de la foule, exercent librement leur choix après une étude minutieuse. Parmi les Maîtres des diverses écoles, les uns ne regardent que les traductions anciennes des sutras et shastras et ne veulent pas voir les nouvelles Ecritures sacrées, (note), d'autres ne voient que par les traductions nouvelles des sutras et shastras et rejettent les anciennes, d'autres encore s'attachent aux inexactitudes de leurs écoles respectives, suivent leur propre sentiment et s'en tiennent à des commentaires de vues stupides qu'ils lèguent aux générations futures. Ce sont des gens qui cherchent le lièvre affolé qui se jette contre un pieu, (note) mais le sage ne se souvient d'un éventail rond que pour lever les yeux avec respect vers la lune; il rejette ce qui n'existe pas et prend ce qui est fondé sur la raison. Laissons maintenant de côté les principes pervers des Maîtres auteurs de shastras et des Maîtres fondateurs d'écoles et consultons uniquement les sutras et shastra fondamentaux. Parmi les sutras prêchés pendant plus de cinquante ans, ce sont les trois mots : «Jadis, maintenant, à l'avenir» (note) , du quatrième fascicule, au chapitre Maître du Dharma (X, Hosshi), dans le Sutra du Lotus, qui sont capitaux. Les Maîtres auteurs de shastras et les Maîtres fondateurs d'écoles n'ont-ils pas lu ce passage ? Si, et pourtant les uns se réfèrent inconsidérément à des passages de sutra qui n'ont que l'apparence de celui-là, les autres s'attachent à des explications perverses de Maîtres fondateurs d'écoles, d'autres encore suivent craintivement l'exemple des conversions des grands. Le Sutra Konkomyo* dit : «Ce sutra est le roi de tous les sutras ». Le Sutra Mitsugon* dit que lui-même est supérieur à l'ensemble des sutras. Le Sutra Roku-haramitsu* affirme que les formules magiques sont ce qu'il y a de plus important. Le Dainichikyo* répond à la question de savoir comment on obtient l'Éveil. Dans le Kegonkyo*, il est dit que «croire en ce sutra est la chose la plus difficile qui soit ». Dans le Hannyakyo* : «On ne voit pas une seule chose qui ne rentre dans la Nature d'Essence » (note). Le Dazhidu lun* dit que la vertu de sagesse prime tout, le Sutra du Nirvana: «Aujourd'hui, comprendre le principe profond du nirvana... ». Tous ces passages ressemblent à l'affirmation des trois mots du Sutra du Lotus «Jadis, maintenant, dans l'avenir... ». Or, les uns disent : «Si l'on compare [ce sutra-ci] à tout ce que prêchaient Brahma, Indra, les Quatre Rois du Ciel, il est le roi de tous ces sutras ». D'autres disent : «Si l'on compare [ce sutra-ci] à tous les sutras du Hinayana, il est le roi de tous ces sutras ». D'autres encore disent : «Si on compare [ce sutra-ci] au Kegonkyo*, au Shomangyo, il est supérieur à tous ces sutras». Mais si on fait la comparaison avec tous les sutras du Mahayana et du Hinayana, provisoires et définitifs, exotériques et ésotériques, chacun de ces sutras n'est nullement le grand roi des rois des autres sutras. En résumé, c'est par une confrontation [générale] que l'on décide de la valeur des différents sutras. Pour subjuguer un ennemi, il faut commencer par connaître la grandeur de sa puissance. Le plus ou moins de valeur des sutras [autres que le Sutra du Lotus] correspond au degré de profondeur que leur donna le Vénéré Shakya, Bouddha, mais dans aucun on ne trouve l'appui qu'apportèrent Taho* et les bouddhas du Corps fractionné (note). Ne mêlons pas les explications personnelles [des uns ou des autres] avec les affirmations officielles [du Bouddha]. Parmi tous ces sutras, les uns, éclairant les êtres des deux Véhicules ainsi que les profanes, discourent sur le Hinayana, les autres s'adressent à des bodhisattvas propagateurs du Dharma tels que Manjushri, Vimukticandra, Vajrasattva (note) mais aucun ne s'adresse à Jogyo* et autres des mille mondes des bodhisattvas Surgis-de-Terre. Il y a plus de vingt points (note) sur lesquels le Sutra du Lotus dépasse tous les [autres] sutras prêchés au cours de sa vie. Deux d'entre eux sont extrêmement importants : ce sont les enseignements dits des «trois» et des «cinq». Par «trois» on veut dire : trois mille kalpas dits de grains de poussière (note). Lorsque les sutras [autres que le Lotus] parlent de la durée de la période des pratiques du Vénéré Shakyamuni avant l'Éveil, les uns parlent de trois incalculables [kalpas]* , d'autres, de périodes plus longues que les kalpas de poussière*, d'autres de kalpas innombrables. Brahma a dit : « Cette terre est le fief que je régente depuis vingt-neuf kalpas». [Mara] du sixième Ciel, Indra, les Quatre Rois du Ciel, ont dit la même chose. Du vénéré Shakyamuni ou du roi Brahma, qui a le premier régenté le monde (note) ? Voilà le sujet de la discussion. Cependant, depuis que, ayant levé le doigt il subjugua [ses ennemis] (note), Brahma a courbé la tête, Mara a joint les mains, et tous les êtres des Trois Plans se sont soumis au Vénéré Shakyamuni. Si l'on examine pour tous les autres bouddhas et pour le Vénéré Shakyamuni la durée de leurs périodes de pratiques avant la réalisation de la bodhéité, on voit que pour tous les autres bouddhas elle a été soit de trois incalculables [kalpas]* , soit de cinq [cents] kalpas [dits de grains de poussière]*, tandis que pour le Vénéré Shakyamuni cette durée a été telle que, depuis trois mille kalpa dits de grains de poussière*, il a été le grand Héros qui a établi des liens avec tous les êtres vivants du monde Saha. Il n'y a pas un seul bodhisattva d'une autre terre qui ait établi des liens avec les êtres vivants des Six Voies de ce monde. Le Sutra du Lotus dit (note):
Zhiyi a dit :
Zhanlan a dit :
Maintenant, si l'on examine le temps écoulé depuis l'accession des divers ainsi-venus à l'état de buddha comme résultat des pratiques (kwai, ), on voit que, pour les buddhas du passé, il a été tantôt de dix kalpas, tantôt de cent kalpas, tantôt de mille kalpas, tandis que le Vénéré Shakyamuni, Fondateur de la Doctrine, jouit depuis cinq cents kalpas dits de grains de poussière de la plénitude du fruit () de l'Éveil subtil (). L'Ainsi-Venu Vairocana, l'Ainsi-Venu Amida, l'Ainsi-Venu Yakuo*, tous les bouddhas des dix directions sans exception sont subordonnés au Vénéré Shakya, Fondateur de la Doctrine, notre Maître originel. Il est comme la lune qui se reflète sur toutes les eaux. Le Vairocana du Kegonkyo*, assis sur les feuilles de lotus dans les dix directions, l'Ainsi-Venu Vairocana des deux plans [de Matrice et de Diamant] du Dainichikyo* et du Kongocho*, sont des acolytes qui encadrent l'Ainsi-Venu Taho* du chapitre de la Tour aux Trésors comme les deux ministres de la droite et de la gauche d'un roi séculier. Ce bouddha Taho* est subordonné (note) à la lune. Cependant, certains Maîtres instructeurs rabaissent le Vénéré Shakyamuni et révèrent l'Ainsi-Venu Vairocana. Certains autres disent que le Vénéré Shakyamuni n'a pas de liens avec nous, mais que l'Ainsi-Venu Amida en a. D'autres disent : ce n'est que le Vénéré Shakya du Hinayana. Certains disent : c'est le Vénéré Shakya du Kegonkyo*. D'autres : c'est le Vénéré Shakya de la doctrine des états terrestres* du Sutra du Lotus. Tous ces Maîtres et ces zélateurs oublient le Vénéré Shakyamuni et acceptent d'autres bouddhas, ce qui peut se comparer au prince Ajatashatru qui après avoir tué le roi Bimbisara tourna le dos au Vénéré Shakyamuni et s'attacha à Devadatta. Le quinze du deuxième mois est le jour anniversaire de la mort du Vénéré Shakyamuni; à partir de ce mois jusqu'au douzième mois, le quinze est consacré au rappel de la mort du père compatissant des trois Plans. Ces Shandao, Honen, Yôkwan, pareils à Devadatta, ont fixé cette date comme anniversaire du bouddha Amida. Le huit du quatrième mois, qui est le jour anniversaire de la naissance du Vénéré du Monde, a été pris pour Yakuo* . En affectant à d'autres bouddhas le jour anniversaire de la mort de notre Père compatissant, fait-on preuve de pitié filiale? Il est dit au chapitre de la Durée de la Vie (note) :
Zhiyi dit :
Question. — « Pour qui le Sutra du Lotus a-t-il été expliqué? » Réponse. — « Dans les huit chapitres qui vont du chapitre des Moyens (II, Hoben) jusqu'au chapitre Prédiction conférée aux apprentis
et à ceux qui n’ont plus à apprendre (IX, Jugaku Ninki) il y a deux intentions. Quand on les lit d'un bout à l'autre on constate qu'ils ont été expliqués : 1° pour les bodhisattvas; 2° pour les êtres des deux Véhicules (nijo) ; 3° pour les profanes. Quand on lit en remontant successivement Pratiques
paisibles Question. — Où sont les preuves [de ce que vous avancez] ? Réponse. — Dans le passage :
Question. — Comment justifier que c'est le temps de Nichiren qui est exactement intéressé ? Réponse. —
Question. — N'est-ce pas là un manque d'humilité ? Réponse. — Quand on déborde de joie, on se retient difficilement de se louer. Question. — Quelles sont les idées contenues dans la doctrine de l'état originel ? (note) Réponse. — Il y a deux idées dans cette doctrine : 1° en abordant le chapitre Surgis-de-Terre (XV, Yujutsu), Shakyamuni explique sommairement que son enseignement actuel va montrer l'origine lointaine du Bouddha; c'est par les sutra, antérieurs des quatre saveurs et la doctrine de l'état terrestre* [du Lotus] qu'il a libéré les êtres [jusqu'ici]; 2° la [deuxième] moitié du chapitre Surgis-de-Terre (XV, Yujutsu), celle qui contient ces mots :
le chapitre de la Durée de la Vie (XVI, Juryo), la [première] moitié du chapitre du Discernement des Bienfaits ( XVII, Fumbetsu kudoku), c'est-à-dire un chapitre et deux moitiés des chapitres encadrants, expliquent à fond que son enseignement actuel va montrer l'origine lointaine du Bouddha, et cela est entièrement destiné aux temps postérieurs à sa mort. Question. — Quel est le sens de vos paroles : "Shakyamuni explique sommairement que son enseignement actuel va montrer l'origine lointaine du Bouddha" ? Réponse. — Parmi tous les bodhisattvas tels que Manjushri, Maitreya, puis Bonten, Taishaku, Nitten, Gatten, divinités des Etoiles, les Quatre Rois du Ciel, etc., entre le moment de l'Éveil atemporel (hongaku) et la prédication du Hannyakyo* incluse, il n'est pas un seul être qui ait été disciple du Vénéré Shakyamuni. Au moment de l'Éveil atemporel, alors que le Bouddha n'avait pas encore prêché le Dharma, tous ces bodhisattvas et ces devas demeuraient dans une libération extraordinaire et ne discouraient que sur les deux enseignements spécifique (bekkyo) et parfait (enkyo). Puis le Vénéré Shakyamuni exposa les sutras Agon, Hodo, Hannya, mais ils n'y trouvaient aucun bénéfice, car, puisqu'ils connaissaient déjà les deux enseignements spécifique et parfait, ils connaissaient [a fortiori] les enseignements tripitaka (san zokyo) et commun (tsukyo) : ce qui est supérieur englobe ce qui est inférieur. En poussant plus loin l'argumentation, on peut se demander s'ils n'étaient pas comme des instructeurs vis-à-vis du Vénéré Shakyamuni, ou comme des amis-de-bien (zenchishiki). Ils ne suivaient pas le Vénéré Shakyamuni. Quand arriva la prédication des huit chapitres de la doctrine des états terrestres* du Sutra du Lotus, ils entendirent le Dharma qu'ils n'avaient jamais entendu. Ces êtres devinrent alors des disciples. Dès le Parc aux Cerfs, Shariputra, Maudgalyayana et autres furent des disciples qui ressentirent pour la première fois la production d'Éveil. Cependant il [Shakyamuni] n'accorda encore que le Dharma provisoire (shakumon). Puis il expliqua sommairement que son enseignement actuel allait montrer l'origine lointaine du Bouddha. Alors les grands bodhisattvas de la période Kegon ji, les êtres des deux Véhicules, le grand Bonten, Taishaku, Nitten, Gatten, les Quatre Rois du Ciel, les Rois-Dragons s'approchèrent du degré de l'Éveil merveilleux (myogaku), puis ils atteignirent ce degré. Et alors, si maintenant nous levons les yeux vers le ciel, nous voyons les bouddhas à l'Éveil merveilleux demeurer dans le degré originel, aidant par leur action bienfaisante les êtres à faire leur salut. Question. — A qui s'adresse le chapitre de la Durée de la Vie (XVI, Juryo) dans lequel il [Shakyamuni] explique à fond que son enseignement actuel va montrer l'origine lointaine du Bouddha ? Réponse. — Du commencement à la fin, le chapitre de la Durée de la Vie et les moitiés adjacentes des deux chapitres encadrants s'adressent tout à fait aux êtres d'après la mort du Bouddha. Dans ces temps qui commencent à la mort du Bouddha, c'est particulièrement aux hommes de la période des Derniers Jours du Dharma, aux hommes tels que Nichiren vivant à l'heure actuelle, qu'ils s'adressent. Question. — On n'avait pas encore entendu cette doctrine dans le passé; dans quels sutras se trouve-t-elle ? Réponse. — Mes connaissances ne dépassent pas celles des sages d'autrefois. Même si je cite des textes de sutras, qui les croira ? Bian-ho versa des larmes, Wu Zixu fut très affligé. Et pourtant le texte dans lequel se trouve : « nous souhaitons voir nos doutes dissipés par tes explications », qui date du temps où il [Shakyamuni] expliquait sommairement que son enseignement actuel allait montrer l'origine lointaine du Bouddha, dit ceci : «S'il en est ainsi, parmi les bodhisattvas néophytes des temps postérieurs à la mort du Bouddha qui entendront ces paroles, certains ne croiront pas et elles susciteront des actes criminels qui ruineront le Dharma. » Le sens de ce texte est le suivant : si l'on ne prêche pas le chapitre Durée de la Vie (XVI, Juryo), les profanes des Derniers Jours du Dharma tomberont tous dans les Voies mauvaises. Le chapitre Durée de la Vie dit :
Le sens de ce texte est celui-ci : ce qui précède a l'air d'expliquer des choses du passé mais si l'on réfléchit à ces textes, c'est la période postérieure à la mort du Bouddha qu'ils envisagent avant, tout en prenant d'abord des exemples dans le passé. Il est dit au chapitre du Discernement des Bienfaits ( XVII, Fumbetsu kudoku) :
Et au chapitre Pouvoirs supranaturels des Ainsi-venus (XXI Jinriki) :
Et au chapitre Conduite originelle du bodhisattva Yakuo (XXIII Yakuo*) :
Le Sutra du Nirvana dit :
Parmi les sept fils, le premier, le deuxième, sont des incroyants qui dénigrent le Dharma. Parmi toutes les maladies, la plus grave est l'offense au Sutra du Lotus. Parmi tous les remèdes, le meilleur est la vénération du Sutra du Lotus du Dharma Merveilleux. Ce Jambudvipa a en longueur et en largeur sept mille lieues* et renferme huit myriades de pays. S'il ne faisait pas propager dans le monde actuel le Sutra du Lotus qui n'a pas été répandu au cours des deux mille années du Dharma Correct et du Dharma Formel, le Vénéré Shakyamuni serait un grand menteur, le témoignage du bouddha Taho* ne serait que des bulles d'air, la langue tirée par les bouddhas du Corps fractionné dans les dix directions pour appuyer ce témoignage n'aurait pas plus de valeur que les [feuilles des] bananiers [flétries par l'hiver]. Question. — Pour qui étaient donc ce témoignage de Taho*, l'appui donné par les bouddhas des dix directions en tirant la langue, l'apparition des bodhisattva Surgis-de-Terre ? Réponse. — Le monde pense que c'était pour ceux qui vivaient à cette époque. [Mais] moi, Nichiren, je dis ceci : du temps de Shakyamuni, si l'on examine ce qu'étaient Shariputra, Maudgalyayana et autres, on voit qu'ils étaient de grands saints dont l'un était le plus grand de tous en sagesse-prajna, l'autre le plus grand en pouvoirs mystiques. Si l'on parle du passé, le premier avait été le bouddha Konryuda, le second, le bouddha Seiryuda* (remarque) ; si l'on parle de l'avenir, le premier sera l'Ainsi-Venu Padmaprabha* (note) . Si l'on se reporte au temps où ils se trouvaient au Pic du Vautour, ils étaient de grands bodhisattvas qui avaient entièrement éliminé les trois poisons. Si l'on parle de leur nature fondamentale, ils étaient d'anciens bodhisattva qui «en dedans cachaient [une conduite de bodhisattva], au dehors apparaissaient [comme des auditeurs-shravakas]» (note). Les grands bodhisattvas Manjushri, Maitreya, qui étaient dans le passé d'anciens bouddhas, apparurent alors pour une vie d'assistance (osho) (note). Bonten, Taishaku, Nitten, Gatten, , les Quatre Rois du Ciel étaient avant l'Éveil atemporel (hongaku) de grands saints. En outre, on avait compris les sutras des quatre saveurs et les quatre enseignements. Au temps où le Bouddha était dans le monde il n'y avait pas un seul ignorant. Quels étaient donc ceux dont les doutes devaient être dissipés par le témoignage de Taho*, par la langue que tirèrent les bouddhas, par les bodhisattvas qui furent appelés du sein de la terre ? On ne le dit pas du tout. Mais si l'on se reporte aux passages du Sutra :
et qu'on y réfléchisse, ils s'appliquent entièrement à nous. (note) Selon Zhiyi faisant allusion (note) aux temps actuels : « La dernière période de cinq cents ans recevra pleinement les bienfaits de la Voie merveilleuse». Saicho, parlant des temps actuels, a dit : «Les périodes du Dharma Correct et du Dharma Formel se sont progressivement écoulées, celle des Derniers jours du Dharma s'approche rapidement. » Ces derniers mots signifient que son temps n'était pas celui où le Sutra du Lotus devait se répandre. Question. — Quelles sont les lois ésotériques qu'au cours de plus de deux mille ans qui se sont écoulés depuis la mort de l'Ainsi-Venu, Nagarjuna, Vasubandhu, Zhiyi, Saicho, ont laissées de côté ? Réponse. — L'objet fondamental de la vénération (Gohonzon), l'estrade d'ordination (kaidan) (note) et les cinq caractères du titre (daimoku), qui relèvent de la doctrine de l'état originel (honnu). Question. — Pourquoi n'ont-ils pas été propagés au cours des périodes du Dharma Correct et du Dharma Formel? Réponse. — S'ils avaient été propagés dans les périodes du Dharma Correct et du Dharma Formel, les doctrines du Hinayana, du Mahayana provisoire, des états terrestres* (du Lotus) se seraient éteintes du coup. Question. — Mais pourquoi donc propager un enseignement qui éteint le Dharma bouddhique? Réponse. — A l'époque du Dharma Final on enseigne tout ensemble le Mahayana et le Hinayana, les doctrines provisoire (gonkyo) et définitive (jikkyo), exotérique et ésotérique (mikkyo), mais on n'accède pas à la Voie; dans le Jambudvipa tout entier on dénigre le Dharma. Contre cette cause de discordance il n'est que le Sutra du Lotus du Dharma merveilleux. Comme au chapitre du Bodhisattva Fukyo* (XX, Fukyo), mes disciples sont en condition concordante (jun-en); le Japon est en condition discordante (gyaku-en). (note) Question. — Pourquoi rejeter l'exposition détaillée ou l'exposition générale et s'en tenir à l'essentiel? Réponse. — Xuanzang, Maître en tripitaka (sanzo), rejetait l'exposition générale et aimait l'exposition détaillée : du Daibongyo (note) en quarante chapitres il a fait six cents chapitres. Kumarajiva, Maître en tripitaka, rejetait l'exposition détaillée et aimait l'exposition générale et il a condensé les mille chapitres du Dairon (note) en cent chapitres. Moi, Nichiren, je rejette le général et le détail, j'aime l'essentiel, c'est-à-dire les cinq caractères du Myo ho ren ge kyo que doit répandre le bodhisattva Jogyo*. La loi qui guidait Jiu Bao Yuan (note) quand il examinait un cheval ne tenait qu'un compte superficiel de la couleur foncée ou jaune de son poil, mais se basait sur sa rapidité. Lorsque Shi Tao-lin (note) expliquait un livre, il laissait de côté les menues critiques et ne retenait que les idées fondamentales. Les deux bouddhas, assis l'un à côté de l'autre, après que le bouddha [Shakyamuni] fut entré dans la Tour aux Trésors, les bouddhas du Corps fractionnée venant s'assembler, les bodhisattvas appelés à sortir du sein de la terre : voilà l'essentiel qu'il faut prendre, et arrivant aux Derniers jours du Dharma, il faut donner aux hommes les cinq caractères. Dans le monde d'aujourd'hui, il ne doit pas y avoir à cet égard d'opinions différentes. Question. — Y a-t-il eu des signes faisant présager la propagation de ce Dharma à l'âge actuel? Réponse. — Dans le Sutra du Lotus (II, Hoben), il est dit :
Zhiyi a dit : «L'araignée tend-elle sa toile, une chose, heureuse va arriver. Le corbeau croasse-t-il, un visiteur va venir. Il en est ainsi pour les petites choses, à plus forte raison pour les grandes. Question. — Alors les signes en question existent? Réponse. — Le grand tremblement de terre qui survint au cours des années Shoka (note), la grande comète des années Bunei (note), et ensuite toutes sortes de cataclysmes célestes et terrestres, voilà les signes prémonitoires. Ce sont les sept, les vingt-neuf, les innombrables malheurs dont parle le Sutra Ninno*, tous les malheurs que citent le Sutra Konkomyo*, le Daijukkyo*, le Shugokyo*, le Yakushikyo* ; toutefois, le grand malheur de l'apparition de deux, trois, quatre, cinq soleils n'est pas encore arrivé. Cependant, cette année* les habitants de la province de Sado ont dit : le vingt-trois du premier mois de cette année, à l'heure du singe* , deux soleils ont apparu dans l'Ouest; d'autres ont dit : trois soleils. Le cinq du deuxième mois, deux Vénus ont apparu côte à côte, séparées seulement par une distance de trois pouces. Le Japon n'avait jamais connu de ces grands malheurs auparavant! Dans le Saishookyo*, il est dit au chapitre de la Discussion correcte de la loi des rois : « Diverses étoiles filantes tomberont; deux soleils apparaîtront en même temps; des bandits arriveront de l'étranger et les habitants du pays seront exposés aux désordres et à la ruine.» Il est dit dans le Shuryogonkyo* : «Tantôt on verra deux soleils, tantôt deux lunes.» Le Daijukkyo* dit : « Il arrivera cette calamité que le soleil et la lune perdront leur éclat.» Le Sutra Konkomyo* dit : «De nombreuses comètes apparaîtront; deux soleils se montreront à côté l'un de l'autre; leur éclat sera faible et instable.» . Le Daijukkyo* dit : « Si le Dharma bouddhique subit vraiment une éclipse ... le soleil et la lune ne montreront plus leur lumière.» Le Sutra Ninno* dit : « Le soleil et la lune perdront leur cours, les saisons viendront à contretemps; il apparaîtra tantôt un soleil rouge, tantôt un soleil noir, tantôt deux, trois, quatre, cinq soleils, ou bien le soleil s'éclipsera et il n'y aura plus de lumière, ou bien le cercle du soleil se multipliera en deux, trois, quatre, cinq cercles concentriques.» Ces calamités solaires et lunaires constituent les calamités les plus redoutables parmi les sept, les vingt-neuf, les innombrables malheurs [annoncés par le sutra] (note) Question. — Quelle est la cause qui provoque ces calamités grandes ou petites? Réponse. — Il est dit dans le Saishookyo* : « On voit que les gens qui n'observent pas le Dharma sont véritablement aimés et vénérés, et que ceux qui pratiquent le Dharma Merveilleux sont exposés à la souffrance et aux poursuites des autorités comme s'ils étaient des criminels. » Le Sutra du Lotus, le Sutra du Nirvana, le Sutra Konkomyo* disent : « Quand les mauvais sont aimés et respectés et que les bons sont poursuivis par les autorités, le cours des étoiles, le vent et la pluie ne se conforment plus au temps.» Le Daijukkyo* dit : « Une véritable éclipse du Dharma bouddhique ... est causée, par exemple, par un mauvais roi qui commet des actes mauvais, par des mauvais moines qui offensent mon Dharma Correct. » Le Ninnokyo* dit : « Quand les saints s'en vont, il naît certainement sept malheurs », et aussi : « Lorsque sans Dharma ni discipline on en arrive à arrêter un moine comme s'il était soumis aux lois d'emprisonnement, la ruine du Dharma est proche », et encore : « Les mauvais moines recherchent beaucoup honneurs et profits et devant le souverain, le prince héritier, les fils du roi, ils prêchent des données causales qui ruinent le Dharma bouddhique, des données causales qui ruinent le pays. Ce souverain, dénué d'esprit critique, écoute et croit leurs paroles... » Si l'on dirige ces clairs miroirs sur le Japon d'aujourd'hui, la nature des choses qui s'y reflètent coïncide exactement avec [ces descriptions]. Vous, mes disciples qui avez des yeux, regardez! Sachez-le bien, il y a dans ce pays des mauvais moines qui trament des calomnies qu'ils portent devant le souverain, ses fils, le shogun; c'est un âge où les saints sont perdus. Question. — Le roi Pusyamitra (note), l'empereur Huizhang (note), Moriya (note), ruinèrent le Dharma bouddhique chez les Yuezhi*, en Chine, au Japon; le bodhisattva Aryadeva, le Vénéré Aryasimha, furent tués. Pourquoi n'est-il pas arrivé de grandes calamités à ces occasions-là? Réponse. — Des incendies plus ou moins considérables ont suivi les actes des hommes. Au cours des deux mille années du Dharma Correct et du Dharma Formel, il y a eu de mauvais souverains et de mauvais moines, les uns suivant le paganisme, les autres s'entretenant avec les taoïstes et certains croyant à des divinités perverses, tous ont ruiné le Dharma bouddhique. Ces fautes semblent graves, pourtant elles sont légères! (note) Actuellement les mauvais moines détruisent le Dharma; avec le Hinayana ils frappent le Mahayana (note), avec la doctrine provisoire (gonkyo) ils perdent la doctrine définitive (jikkyo) (note) ; ils ne portent pas atteinte au corps mais ils amoindrissent l'esprit; ils ne brûlent ni n'anéantissent les temples et les stupas mais ils les font tomber d'eux-mêmes en ruines; leurs fautes dépassent celles qui furent commises jadis. Vous, mes disciples, voyez tout cela et mettez votre foi dans le Sutra du Lotus. De même que mon miroir reflète mes regards indignés, le Ciel regarde avec colère les fautes des hommes. Deux soleils apparaissent à côté l'un de l'autre; c'est le signe de deux souverains dans un même pays, se battant entre eux. Des étoiles violent le cours du soleil et de la lune; c'est le signe des sujets transgressant l'autorité du souverain. Un soleil qui rivalise avec un autre soleil, c'est le pays tout entier qui se querelle. Deux Vénus apparaissant côte à côte, c'est le Prince héritier qui se dispute avec un autre Prince héritier. Lorsque le pays sera en proie à ces troubles, les saints Jogyo* et autres apparaîtront ; ils établiront les trois dharmas de la doctrine de l'état originel (note) et, dans le Japon tout entier, ils propageront au large le Sutra du Lotus du Dharma merveilleux, cela ne fait aucun doute ! Le 24 du 5e mois (29 juin) de 1274. signature-sceau [kwao] En anglais : Choosing the Heart of the Lotus Sutra |
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