Lire le Sutra du Lotus
Ryusho Jeffus


7- Foi – Mérites – Pratique

 

Chapitres XII, XX, XXIII, XXIV, XXV, XXVII, XXVIII

Pour terminer, j’aimerais dire quelques mots sur les chapitres du Sutra du Lotus que je n’ai pas abordés précédemment du fait de leur thématique qui ne s'inscrit dans aucune des autres parties mais qui méritent toutefois que l’on s’y arrête.

Le Sutra du Lotus abonde en conseils sur la façon de pratiquer et de garder la foi ainsi que sur les mérites qui découlent de la persévérance dans cette pratique tout au long de notre vie malgré les difficultés. La plupart du temps, foi et pratique sont présentées comme des synonymes. Je pense que c’est parce que la foi (shinjin, citta-prasada) est pour nous une réelle pratique. La citta-prasada (esprit clair) n’est pas une croyance inconditionnelle dans les enseignements mais c'est l’expérimentation de la vérité de cet enseignement. La citta-prasada s’enracine et se développe sur la base de notre pratique et de notre étude quotidiennes. Tout en étant nourrie par la pratique, la citta-prasada alimente notre pratique. Ainsi, la citta-prasada et la pratique ne sont pas des activités séparées mais une spirale en constante évolution.

Les actions du bodhisattva Toujours-sans-Mépris (Fukyo, Sadaparibhuta) traduisent son respect envers les autres, respect qui s’appuie sur sa conviction absolue que les autres sont des bouddhas dignes de respect. Il ne s’agit pas d’une doctrine théorique mais de la compréhension profonde qu’en lui et dans les autres il y a le Bouddha.

Le bodhisattva Son-Merveilleux (Myoon, Gadgadasvara) promet sa protection à ceux qui invoqueront son nom. Mais encore, ce bodhisattva nous offre un modèle de comportement que nous sommes capables de suivre grâce à notre foi dans le Sutra du Lotus. Invoquer son nom ou avoir foi en son nom peuvent paraitre deux attitudes distinctes mais, en fait, l’une alimente l’autre. Nos expériences de la joie ressentie lorsque nous surmontons les souffrances de la vie renforcent notre compassion qui devient égale à celle de ce bodhisattva. Une personne submergée par la souffrance perd la capacité d’aider efficacement les autres, alors qu’une vie de joie et d’Éveil a le pouvoir de remettre debout et de sauver beaucoup de monde.

Au chapitre XXVIII, nous apprenons que pour obtenir le Dharma, certaines transformations doivent se passer en nous. Entendre et être instruit dans le Dharma n’est pas la même chose que d’y adhérer et l’expérimenter. Lorsque nous obtenons un résultat ce n’est pas simplement une conséquence causale mais une modification profonde de notre vie. C’est la différence entre penser et être. Obtenir le Dharma est une expérience à vivre.

Nous apprenons le bienfait (kudoku) de pouvoir voir dans notre monde non pas un lieu défectueux mais la Terre Pure du Bouddha. Le chapitre XXIV nous enseigne de ne pas mépriser ce monde. Le chapitre XXVII nous parle des mérites que procure la pratique du Dharma Merveilleux du Sutra du Lotus

Nous apprenons, dans le chapitre Dharani (XXVI), qu'un grand nombre de protections nous viennent naturellement parce que nous gardons ce Sutra. Les dharani sont des incantations qui sont données par différentes instances divines pour protéger ceux qui pratiquent le Dharma. Ces mérites et ces protections ne nous viennent pas parce que nous en apprenons l’existence dans les lectures, ils sont activés par notre pratique qui provoque des changements qui, autrement, seraient restés à l'état latent.

Les deux frères du chapitre XXVII, qui font le vœu de pratiquer le bouddhisme, parviennent à convertir leur père grâce aux bienfaits (kudokus) qui se manifestent suite à leur pratique. La vérité de l’enseignement leur permet de changer leur vie, leur apportant la joie de vivre et la capacité de convaincre et de sauver leur père. Leur foi (citta-prasada) et leur esprit de recherche les conduisent au bouddhisme et à la faculté de le partager.

La Fille du Roi-Dragon – Chapitre XII

L'histoire de la fille du Roi-Dragon nous est contée dans le chapitre Devadatta. Le bodhisattva Prajnakuta (Amas-de-Sagesse) demande à Manjushri :

« Ce Sutra est fort profond et subtil, c'est le joyau des sutras rarement trouvé en ce monde. Se peut-il qu'il y ait des êtres pour obtenir rapidement l'état de bouddha en mettant leur zèle à pratiquer ce texte?»

Manjushri lui répond qu’il y a en effet la fille du Roi-Dragon Sagara, âgée de huit ans, particulièrement intelligente et prête à devenir bouddha. Elle a pratiqué avec application et obtenu beaucoup de kudokus grâce à sa pratique. 

En entendant parler de cette fillette de huit ans, Prajnakuta fait la comparaison avec Shakyamuni et réplique qu’il est difficile de croire qu’une personne si jeune, et de plus de sexe féminin, puisse accomplir ce que Shakyamuni a mis toute une vie à réaliser. Je crois que ce passage nous met en garde contre les comparaisons entre soi et les autres ou entre différentes personnes entre elles. C’est une erreur qui, de plus, est potentiellement néfaste, de décréter, en voyant une personne et en se fiant aux apparences, qu’elle n’est pas qualifiée pour devenir bouddha. Je le répète, tous les êtres sans exception, sont potentiellement bouddha et peuvent le manifester dans leur vie. Depuis le plus misérable ou le plus endurci des criminels, depuis l’inculte jusqu’au plus savant, le plus riche, le plus pur, le plus gentil, tous sont à égalité concernant l’atteinte de la bodhéité. Lorsque nous nous permettons de juger une personne, nous semons les graines de notre propre médiocrité car nous dénigrons les enseignements lotusiens que nous prétendons propager.

Lorsque la fillette apparut, elle alla vers le Bouddha, s’inclina à ses pieds et lui adressa des louanges. Je pense qu’il y a là de quoi réfléchir. L’apparence est souvent trompeuse. La fillette dit que seul le Bouddha est en mesure de reconnaitre sa capacité à parvenir à l’Éveil. Pour activer l’état de bouddha chez les autres, il faut que notre bouddha intérieur se manifeste.  Nous ne pouvons pas prétendre reconnaitre le bouddha chez les autres avec notre seul intellect ou bien en lui offrant des services creux. Reconnaitre l’état de bouddha chez l’autre demande une activation de notre propre état de bouddha au plus profond de notre cœur éveillé.

Plus loin, nous entendons les doutes de Shariputra qui raille la fillette de venir là en prétendant pouvoir obtenir la bodhéité en un clin d’œil. L’arrogance de l’intellect peut être dangereuse lorsque nous laissons notre cerveau prendre le dessus sur notre cœur. Les objections de Shariputra sont celles que l’on faisait traditionnellement aux femmes : l’impossibilité pour elles de devenir roi, étendue à l’impossibilité de devenir bouddha. On parlait de cinq entraves ou cinq obstacles (go-sho) : une femme ne peut devenir ni Bonten, ni Taishaku, ni un Roi-démon, ni un Roi-faisant-tourner-la-roue, ni un bouddha. Il serait bon de se rappeler comment les préjugés obscurcissent notre façon de penser et nous influencent dans un sens négatif. Parce qu’une femme saigne – du fait de sa capacité à donner la vie –, elle était considérée comme impure, alors que mettre au monde une nouvelle vie est une des choses les plus pures. Un jour, quelqu’un m’a dit que le sang des femmes donnait la vie et que le sang des hommes provenait des massacres. Pensez-y. Répondant à une pratiquante, Nichiren dit que l’attitude à l’égard du sang des femmes est un fait de société qui ne concerne en rien le Bouddha.

Bref, la fille du Roi-Dragon offre au Bouddha un joyau inestimable que ce dernier prend aussitôt. Puis elle demande à Shariputra et à Prajnakuta si le Bouddha a pris le joyau rapidement ou non. Ils acquiescent, bien évidement. Alors elle leur dit :

«’’Regardez, grâce à vos pouvoirs mystiques, combien je réaliserai plus rapidement encore l'état de bouddha.’’

« Toute l'Assemblée vit alors la fille-dragon prendre soudainement l'apparence d'un homme, se munir des pratiques du bodhisattva […] et réaliser l'Éveil, exposant le Dharma Merveilleux à l'ensemble des êtres partout dans les dix directions. »

Tout le chapitre Devadatta est sujet à polémique. Tout d’abord, il n’a pas réellement sa place ici. Si on se donne la peine de lire attentivement le Lotus, on s’aperçoit que ce chapitre interrompt le déroulement des évènements. Dans d’autres traductions, il est inclus dans d’autres chapitres. Même si la plupart des érudits actuels s’accordent pour dire qu’il ne faisait pas partie de l’original, je le maintiens dans le Sutra du Lotus conformément à ce que fit Nichiren et, aussi, parce que nous n’avons rien pour étayer une opinion contraire. Pour Nichiren, ce chapitre faisait partie du Sutra du Lotus et nous conservons cette tradition.

Certains s’appuient sur l’atteinte de la bodhéité de la fille du Roi-Dragon pour affirmer qu’à l’époque de Shakyamuni, les femmes avaient, dans le Sangha, une place équivalente à celle des hommes. Je ne suis pas entièrement d’accord. Pour moi, l’importance des femmes apparait de façon plus évidente dans la prédiction d’Éveil à la tante et à l’épouse de Shakyamuni, puis aux femmes en général lors de la prédiction octroyée à toute l’Assemblée. Mais dans les deux cas, il est quand même dit que la femme se change en homme. Je me suis déjà expliqué plus haut sur notre tendance à imposer nos considérations modernes sur l’égalité – faisant foin du respect de la culture et de l’histoire des peuples. Tout ce qu’on peut dire, c’est que la possibilité pour les femmes de devenir bouddha est avérée, même si ce n'est pas parfaitement clair. 

Certains disent que la fille du Roi-Dragon ne s’est pas changée en homme mais en prit seulement l’apparence à cause des préjugés de ceux qui la regardaient. Ce point de vue s’appuie sur les paroles de la fillette de bien la regarder à l'aide de leurs pouvoirs surnaturels. Puis le Sutra dit que l’Assemblée vit ce changement ; il n'est pas affirmé qu’il eut effectivement lieu. Ce peut être un point de vue intéressant.

Devadatta et le bodhisattva Sans-Mépris (Fukyo) – Chapitres XII et XX

Je mets ces deux chapitres ensemble car les deux parlent de la relation entre les individus qui pratiquent le bouddhisme et l’environnement dans lequel s’exerce cette pratique. Dans notre vie quotidienne, nous rencontrons des gens qui nous perturbent et à cause de qui notre pratique parait difficile. Nous pouvons être découragés et ne pas voir d’issue ; nous pensons qu’il n’y a pas moyen d’avoir la paix tant que certaines personnes feront partie de notre entourage. Or, il se peut que ces personnes difficiles soient justement l’occasion de nous changer d’une façon qui, sinon, ne serait même pas envisagée. À nous de choisir si nous voulons apprendre et grandir ou bien rester tels quels et être confrontés aux mêmes difficultés dans des situations analogues.

Nous avons tous rencontré des personnes qui font remonter en nous ce que nous avons de pire ; tout ce qu’elles font nous met en colère. Ou alors, ce sont des gens jamais contents et quoi que nous fassions, ce n’est jamais assez bien. On aura beau déployer devant eux des trésors de gentillesse, cela ne provoquera jamais une réponse positive. Cela peut être un supérieur hiérarchique ou bien un collègue. Dans tous les cas, bien que nous ayons un lien important avec cette personne, c’est l'occasion d'examiner notre vie et la manière dont nous sommes liés aux autres.

Dans le chapitre Devadatta, nous apprenons que la personne qui a causé le plus de mal à Shakyamuni dans cette vie a, dans une vie précédente, largement contribué à son Éveil. Shakyamuni raconte que, dans une vie précédente, il avait

« pour l'amour du Dharma, rejeté royaume et trône, confiant le pouvoir politique au prince héritier, et fait battre tambour pour proclamer aux quatre vents qu'il recherchait le Dharma : ‘‘Qui sera capable de m'exposer le Mahayana? Ma vie durant je lui fournirai mes services.’’
« Il se trouva alors un ermite pour venir proposer au roi : ‘‘Je possède le Mahayana, il a nom Sutra de la fleur de Lotus du Dharma merveilleux. Si tu ne me désobéis point, je te l'exposerai.’’ Le roi, entendant les paroles de l'ermite, se réjouit ; dès lors, il le suivit pour lui fournir le nécessaire […] sans se lasser en corps ou en esprit. Le temps qu'il passa à son service fut de mille années et, dans son zèle à l'assister, il ne le laissa jamais manquer de rien. »

Le roi qui cherchait le Dharma était Shakyamuni dans une vie précédente et l’ermite était Devadatta. C’est grâce à cette profonde relation que le roi put atteindre l’Éveil et devenir le Bouddha que nous connaissons.

C’est une parfaite illustration du fait que la pire personne avec qui nous avons un lien karmique puisse ne pas être totalement négative. Nous ne connaissons pas toutes les causes que nous avons créées par le passé, nous ne voyons que la vie actuelle. Si nous pensons qu'une personne est complètement mauvaise et qu'elle est un obstacle à notre pratique, il se peut que nous manquions une opportunité de grandir et de reconnaitre la dette que nous avons envers elle. Si nous partons de l’idée que c’est l’autre qui doit être corrigé, nous estimons lui être supérieurs et ratons une belle occasion de changer quelque chose dans notre vie. 

Au lieu de pratiquer le bouddhisme afin de modeler à notre convenance ceux qui nous entourent, nous ferions mieux de nous demander ce que nous pouvons transformer en nous pour pouvoir apprécier l’autre en tant que bouddha qui nous pousse à devenir meilleurs. Regarder les défauts des autres ne sert qu’à renforcer la dysharmonie et ne contribue en aucune façon à améliorer votre vie.

L’histoire de Fukyo (Sans-Mépris) est un excellent exemple de la capacité de voir le bouddha dans les autres et de leur témoigner le respect sans vouloir les changer. Nous pouvons nous inspirer de la stratégie de Fukyo lorsqu’il se met à l’écart de ceux qui lui jettent des pierres et des tessons mais n’en dévie pas pour autant de sa détermination. Il ne dit pas aux autres de changer, il s’incline devant eux avec respect. Il ne dit pas que les gens deviendront bouddha s’ils changent de conduite : il leur dit qu’ils sont déjà bouddhas.

Par ailleurs, si nous pensons que puisque nous pratiquons le bouddhisme, tout le monde autour de nous va devenir gentil et agréable à vivre, c’est que nous prenons les choses par le mauvais bout. Le bouddhisme consiste à nous changer nous-mêmes et c’est notre changement qui va transformer notre entourage. La bonne formule c’est : le changement personnel mène au changement des autres et de l’environnement. C’est ce qu’il faut garder constamment à l’esprit. Le terrain qu’il faut travailler pour devenir heureux, c’est notre propre vie.

Bhaishajyaraja, le Roi-Médecin – Chapitre XXIII

Comme vous le savez peut-être, une de mes fonctions est d'être aumônier des hôpitaux. Cela me met en présence de gens à des stades divers de maladie ou de guérison. Je suis hélas trop souvent au contact de la mort ainsi que des familles et des amis du mourant. Le chapitre XXIII me concerne à plus d’un titre et c’est d’un point de vue personnel que je vais en parler maintenant.

L’histoire du bodhisattva Bhaishajyaraja (Roi-Médecin, Yakuo) est assez longue et enchevêtrée, je la résume. Le bodhisattva Nakchatra-raja-samkusumitabhijana (Splendeur-Royale-des-Constellations) s'adresse à l'Éveillé :

« ’’Vénéré du monde, comment se fait-il que le bodhisattva Bhaishajyaraja ait voyagé jusqu'au monde Saha ?’’ »

Le Bouddha répond que Bhaishajyaraja était, dans une vie précédente, le bodhisattva Sarvasattva-priyadarshana (Vision-de-Joie-pour-Tout-Être) qui pratiquait sous la direction du bouddha Chandra-vimala-suryaprabhasashri (Vertu-de-Pure-Clarté-Solaire-et-Lunaire). Il se livrait à diverses pratiques ascétiques jusqu’à atteindre un profond samadhi* pendant laquelle se produisirent de nombreux phénomènes qui furent autant d’offrandes faites au Bouddha.

Une fois ces offrandes accomplies, Sarvasattva-priyadarshana déclara qu’il voulait faire l’offrande ultime de son corps. Il se purifia de diverses manières en absorbant de l’encens et en s’enduisant d’huiles odorantes puis il y mit le feu. La combustion de son corps dura mille deux cents ans et

« La clarté illumina entièrement autant de mondes qu'il y a de sables dans quatre-vingts myriades de Gange. »

Dans une vie suivante, il brûla ses deux bras en affirmant qu’ils seraient reconstitués par la force du Sutra du Lotus. Et c’est ce qui advint.Mais s’il vous plait, s’il vous plait, ne prenez pas cette histoire au pied de la lettre ! Pour atteindre l’Éveil vous n’avez pas besoin de vous brûler quoi que ce soit. 

Bhaishajyaraja avait donc, dans une existence précédente, donné sa vie au Bouddha. Il est connu pour être capable de pratiquer toutes sortes d’austérités. C’est pourquoi il peut servir d’exemple dans ce monde Saha car il témoigne des grands bienfaits (kudokus) dont bénéficient ceux qui gardent le Sutra du Lotus.

Comme aumônier d’hôpital, je passe pas mal de temps à circuler de chambre en chambre. Je reste aussi assis à côté des malades, ou de leurs familles, je leur parle ou je me tais. Je suis témoin des souffrances, des joies, de l’abattement, de la tristesse et des histoires d'êtres humains qui ne se résument pas à la maladie qui les a amenés à l'hôpital. En cas de décès, je demande à la famille ou aux amis de prier devant le corps et de me raconter un peu la vie du défunt.

Chacun de nous a sa propre histoire. Nous sommes plus qu’un simple « évènement ». En fait, nous sommes tout un ensemble d’évènements. Je veux connaitre l’histoire du défunt pour deux raisons : je veux savoir pour qui je prie afin d’unir ma vie à la sienne et je veux aussi que ceux qui assistent à la prière se remémorent l’histoire de leur proche sans se focaliser sur l’instant de sa mort. Nous sommes tous témoins des vies autour de nous, même si nous n’en avons pas conscience. 

Bhaishajyaraja, le Roi-Médecin, va de par le monde Saha en prêchant les bienfaits du Sutra du Lotus et en témoignant de son pouvoir salvifique sur les grandes souffrances de l’humanité. Nous pouvons essayer de suivre ce modèle. Comprenez-moi bien, je ne vous propose pas de brûler votre corps, tel n’est pas le message. Mais nous pouvons ne jamais perdre de vue que nous ne pratiquons pas seulement pour notre petite personne mais aussi pour les autres. Les épreuves et les tribulations auxquelles nous sommes confrontés peuvent nous sembler des combats personnels mais elles vont bien au-delà. Chaque obstacle que nous surmontons est un vécu que nous pouvons partager avec les autres.

Le Bouddha dit à Nakchatra-raja-samkusumitabhijana (Splendeur-Royale-des-Constellations) qu’il n’y a pas de difficulté qui ne puisse être surmontée par la pratique du Sutra du Lotus :

« Ce Sutra peut dispenser une abondance de bienfaits à l'ensemble des êtres et combler leurs vœux, de même qu'une pièce d'eau pure et fraîche peut combler tous ceux qui ont soif. »

Ensuite il dit :

« Comme la torche qui dissipe les ténèbres, ainsi en est-il de ce Sutra, qui est capable de mener les êtres à se dégager de toutes les douleurs et de toutes les maladies et qui est capable d'affranchir de toutes les entraves de la naissance et de la mort. »

Lorsque je travaille à l’hôpital j’apporte un gofu spécial consacré uniquement à la guérison des malades que je visite. Sur ce gofu est écrit : « Ce Sutra de la Fleur du Lotus du Dharma Merveilleux sauve tous les êtres de la souffrance et de la maladie ». C'est ma prière continue pour la santé de toutes les personnes que je visite à l'hôpital ainsi que pour les médecins et les infirmières qui soignent les patients.

Gadgadasvara (Voix Merveilleuse) – Chapitre XXIV

Au début de ce chapitre le Bouddha Shakyamuni

« émet une lumière de la marque d’une touffe blanche entre ses sourcils (urna-kosha), illuminant complètement, en direction de l'orient, autant de mondes de bouddhas que les sables de cent huit fois dix mille myriades de milliards de Gange. Au-delà de ce nombre se trouvait un monde appelé Ornement-de-Pure-Lumière (Vairocana-ragmipratimandita), et en ce royaume était un bouddha du nom d'Ainsi-Venu Kamaladala-vimala-nakshatra-raga-sankusumita bhigna (Roi-Sage-de-la-Constellation-de-la-Fleur-Pure). »

Dans ce monde, le bodhisattva Gadgadasvara vient voir cet Ainsi-Venu avec le désir de partir pour le monde Saha, notre monde, afin de rendre hommage à Shakyamuni et l’écouter exposer le Sutra du Lotus. Il dit qu’il aimerait également rencontrer le bodhisattva Bhaishajyaraja et d’autres grands bodhisattvas dont nous avons parlé.

« Alors l'Éveillé Kamaladala-vimala-nakshatra-raga-sankusumitabhigna déclara au bodhisattva Gadgadasvara : ‘‘Ne va pas, par mépris de ce royaume, concevoir à son propos des idées d'infériorité’’. »

L’Éveillé Kamaladala-vimala-nakshatra-raga-sankusumitabhigna l'avertit de ce que il y a toutes sortes d’impuretés dans le monde Saha et qu’il est

 « inégal, avec des hauteurs et des dépressions, il a des montagnes de terre et de pierres »

Il ajoute que les gens de ce monde sont étriqués alors que

« Ton corps à toi est de quarante-deux mille yojanas. »

Vous vous souvenez qu’un yojana équivaut à environ cinq miles (40 233 mètres). Multipliez-le par 42 000. Pas mal, n’est-ce pas ? Gadgadasvara est aussi très beau et, par rapport à lui, on ne tient pas la route.

Le Bouddha, de son monde, lui dit que, malgré cela, il ne doit pas nous mépriser ni, d’ailleurs, établir une quelconque comparaison. Il ne doit pas considérer notre monde comme inférieur au sien. Je pense qu’il est important de garder cela à l’esprit si nous voulons vivre en accord avec le Sutra du Lotus. Si un bodhisattva qui, apparemment, nous est à ce point supérieur, est prié de ne pas faire de comparaisons et de ne pas se sentir supérieur, nous non plus ne devons pas nous comparer à quiconque. 

Dans notre environnement, il n’y a pas de différence fondamentale entre nous et les autres car nous avons tous la potentialité de devenir bouddha. Notre apparence extérieure, notre statut social, notre éducation et tout ce par quoi nous nous distinguons des autres, tout cela est si minime, si précaire en regard de ce qui importe le plus dans la vie, la bodhéité, que c’est une perte de temps et d’énergie que de se complaire dans des comparaisons.

Tout comme ce resplendissant bodhisattva est mis en garde contre le danger de nous considérer inférieurs, nous non plus ne devons pas rabaisser nos compagnons humains, animaux ou plantes qui, d’ailleurs, peuvent nous être supérieurs. Au regard du Bouddha, à la lumière de la vérité du Sutra du Lotus, nous sommes tous égaux, comme nous le rappelle la parabole des herbes médicinales. Bien qu'ayant des capacités et des caractéristiques différentes, nous n’en avons pas moins le même accès à la bodhéité. Lorsque nous écartons les comparaisons qui nous élèvent ou nous abaissent abusivement, nous pouvons mieux partager la joie du Sutra du Lotus.

Plus loin dans le chapitre, nous voyons Gadgadasvara qui interroge le Bouddha Taho (Maints-Trésors) et bien d’autres sur leur santé et sur leurs difficultés à enseigner le Dharma. Il s’inquiète même de savoir si Taho est venu écouter le Dharma ou non.

À l’hôpital où je travaille, l’empathie (maitri) appelle souvent des conversations ou des initiatives. Dans le secteur de la santé, on observe de plus en plus de cas d’épuisement professionnel. La solution d’urgence est alors l’empathie, la capacité de ne pas se contenter de soins médicaux mais d’entrer vraiment dans la peau de l’autre. J’ai assisté, il y a peu, à un séminaire sur l’empathie. En fait, c’étaient plusieurs activités de formation dont une imposée ; j’en ai suivi volontairement d’autres parce que le programme m’intéressait. L’une d’elles proposait une réflexion sur la possibilité ou non d’enseigner l’empathie ou bien si c’était quelque chose que la personne possédait ou non à la naissance. Il s’est avéré que l’empathie pouvait être enseignée. Je ne peux pas décrire le processus suivi par des recherches sur ce sujet, mais la conclusion était indubitablement : l’empathie se transmet et s’acquiert. C’est une excellente nouvelle pour nous, bouddhistes, qui plaçons si haut l’empathie (maitri).

Avec Gadgadasvara, nous avons un parfait exemple d’empathie grâce au conseil de ne pas faire de comparaisons pour savoir si les êtres de notre monde étaient inférieurs ou non à ceux de son monde à lui.

Nous venons souvent de mondes différents, nos vécus sont différents ainsi que les gens qui nous ont donné des leçons de vie. Et pourtant, à un niveau fondamental, nous sommes tous pareils. Si nous pouvons mettre de côté nos divergences et regarder ce que nous avons en commun, l’empathie peut trouver sa place.

Pour marquer la différence entre la sympathie et l’empathie-maitri, on peut prendre l’exemple suivant : imaginez que vous êtes bien au chaud dans une pièce agréable et que vous voyiez quelqu’un qui a froid dehors. La sympathie consiste à penser que cette personne a froid et d’avoir de la peine pour elle tout en restant au chaud. L’empathie consiste à sortir dans le froid pour parler à cette personne et pour savoir pourquoi elle est dehors et, éventuellement, chercher avec elle une solution pour qu’elle soit au chaud. Avec la sympathie, nous entrons dans une relation intellect /émotion tandis qu’avec l’empathie, nous entrons dans une relation émotion/intellect.

Lorsque nous trouvons le chemin de notre cœur, lorsque nous agissons à partir de notre état de bouddha, nous communiquons avec les autres de façon plus efficace et nous pouvons alors partager nos convictions et nos kudokus bouddhiques.

Gadgadasvara a le pouvoir de changer de forme et de se transformer à volonté en n’importe quel être vivant. En développant notre potentiel de bouddha, nous pouvons mieux communiquer avec des gens très différents en saisissant ce qu’ils sont et quelle est la véritable nature de leurs problèmes. Comme le Bouddha, capable de communiquer avec les êtres des dix mondes-états, nous avons également le pouvoir de transcender les différences qui divisent les hommes et nous approcher des autres tels qu’ils sont dans leur environnement.

Kanzeon – Chapitre XXV

Le bodhisattva Avalokiteshvara (Celui-qui-écoute-les-Voix-du-Monde) a connu bien des métamorphoses, il apparait sous d’autres noms dans différents pays : Kanzeon, Kuan Yin, Guanyin. Tous ces noms renvoient au même concept. Dans l’histoire de l’implantation de la pratique du Sutra du Lotus en Chine, il faut se référer à la brève période où ce sutra fut à son apogée. Sa véritable popularité était ignorée des érudits modernes jusqu’à la découverte vers le milieu du XIXème siècle, en Chine, de grottes murées le long de la route de la soie. Dans ces grottes, il y a des peintures splendides qui représentent diverses scènes tirées du Sutra du Lotus, y compris celle des deux Bouddhas assis côte à côte.

Le culte dévotionnel de Kanzeon se répandit peu de temps après la propagation du Sutra du Lotus dans le peuple, et il se poursuit encore de nos jours. On peut dire que la représentation de Kanzeon, avec ses mille bras, est la plus reconnaissable, après celle du Bouddha. On peut toutefois regretter que la popularité de Kanzeon en ait occulté l'origine. Peu de gens savent que Kanzeon est un personnage du Sutra du Lotus. C’est là un autre exemple de la manière fragmentée dont le bouddhisme a été diffusé depuis l’Inde.

Je pense, mais d’autres peuvent ne pas être d’accord, que l’engouement pour Kanzeon vient de l’importance des bienfaits promis à ceux qui l’invoqueront. Or, ces bienfaits étaient promis à ceux qui pratiqueraient le Sutra du Lotus et pas comme une pratique détachée de l’ensemble du Sutra et en dehors de son contexte. Nichiren pense que, lors de la tentative d’exécution à Tatsunokuchi, il fut épargné grâce au vœu de Kanzeon de briser l’épée de ceux qui tenteraient de tuer un pratiquant du Lotus.

Je crois que séparer l'effet de l'invocation de Kanzeon de l'effet de la pratique du Sutra du Lotus néglige l'origine du pouvoir de la promesse qu'énonce Kanzeon dans la partie du sutra où d'autres bodhisattvas font également le vœu de protéger ceux qui ont fait la promesse  d'enseigner le Sutra du Lotus après la mort du Bouddha. C’est exactement ce que croyait Nichiren.

Il faut aussi se rappeler qu’Avalokiteshvara est un bodhisattva et non pas un bouddha ni une divinité. Or, c’est par le Sutra du Lotus que tous les bodhisattvas et tous les bouddhas acquièrent leurs pouvoirs et leurs mérites.

Dans notre école, nous utilisons un passage de ce chapitre XXV lors du rite de la purification de l’eau, le suigyo, traduit généralement par « Pratique de l’eau » :

« Il possède la lumière vraie, immaculée,
le soleil de sagesse qui supprime les ténèbres,
Il est capable de réprimer les calamités du vent et du feu,
qui universellement ruinent les mondes.
Son grand vœu est comme un grondement de tonnerre.
Comme une grande nuée merveilleuse est sa miséricorde,
déversant comme l'ambroisie la pluie du Dharma
et éteignant les flammes des passions. »

Pour ceux qui pratiquent le Sutra du Lotus comme le Bouddha l’enseigne, qui gardent les cinq pratiques et accomplissent leur vœu de propager ce Dharma, tous les mérites et bénéfices (kudokus) mentionnés dans le Sutra – y compris ceux qui sont accordés par Kanzeon – se réalisent naturellement. Pourquoi alors extraire ce chapitre du Sutra du Lotus et suivre une pratique supplémentaire coupée de la racine ? 

Je pense que pour nous, pratiquants modernes, le message important de ce chapitre est un modèle de comportement. Par notre pratique nous développons tout naturellement l’empathie (maitri), la capacité d’écouter les souffrances du monde et d’y répondre. Chacun de nous possède ses propres talents pour venir en aide aux autres mais, grâce à la pratique, nous développons notre habileté à utiliser ces talents afin d'être le plus efficaces possibles et d'apporter la joie à ceux qui sont dans l’affliction.

Je pense qu’il s’agit d’une attitude immature et peu adéquate que celle qui vise à transférer la responsabilité d’améliorer notre vie sur des êtres extérieurs à nous. Les idéaux et l’exemple de ces êtres peuvent nous encourager et nous donner la force nécessaire, mais au fond, comme nous l’apprend le bouddhisme, c’est à nous de créer la vie que nous souhaitons ; les enseignements du Sutra du Lotus rendent cela possible.

Tous les combats que nous devons mener dans notre quotidien sont des occasions inestimables pour essayer d'évoluer et de changer. Il y a des conflits tout autour de nous ; c’est donc le bon moment pour éliminer les causes de ces conflits. Il y a des sans-abris tout autour de nous, c’est donc pour nous l’occasion de pratiquer, comme le Bouddha l’enseigne, afin de mettre un terme au phénomène SDF. Si nous baissons les bras en voyant ces souffrances, c’est que nous faisons partie des

« esprits obscurcis qui voient un monde en flammes
et pensent que c'est le kalpa du déclin. »

Mais se tourner vers la détresse sans fermer les yeux permet de voir les nombreuses façons dont nous, pratiquants du Lotus, pouvons garder espoir et apporter l’espoir et la joie à ceux qui n’ont ni l’un ni l’autre.

Les deux fils Vimalagarbha et Vimalanetra – Chapitre XXVII

J’aime bien l'histoire sur ces deux enfants. Ce chapitre raconte comment deux garçons, Vimalagarbha (Pur-Réceptacle) et Vimalanetra (Pur-Regard), ont réussi à convertir leurs parents au Sutra du Lotus. Ils commencent par demander à leur mère d’aller écouter l’Ainsi-Venu Jaladhara-garjitagho-shasusvara-nakshatrararaja-samkusumi-tabhijna (Complètement-et-Parfaitement-Éveillé-Splendide-Sagesse--du-Roi-des-Constellations-Tonnerre-des-Nuées) qui prêche le Sutra du Lotus.  La mère accepte mais s’inquiète de son mari, le père des garçons, qui ne croit pas au bouddhisme. Elle encourage ses fils à montrer à leur père quelque chose d’exceptionnel qui pourrait le convaincre de se convertir. Grâce à la foi que les garçons eurent dans une vie précédente, ils possèdent des pouvoirs surnaturels et acceptent le défi et se mettent à réaliser toutes sortes de prodiges sur l’eau, la terre et le ciel.

« Ils marchèrent, demeurèrent, s'assirent, se couchèrent dans l'espace 
comme s’ils avaient un sol ferme sous leurs pieds. »

De la partie supérieure de leur corps sortit de l'eau et de la partie inférieure du feu ;

« ou bien ils manifestaient un grand corps qui remplissait l'espace, puis en manifestaient un petit, lequel, de petit, se manifestait à nouveau comme grand ; ils disparaissaient de l'espace pour apparaître soudainement sur terre ; ils pénétraient dans la terre comme si c'était de l'eau, et marchaient sur l'eau comme si c'était la terre. 
« Ils manifestèrent ces incroyables prodiges afin de pousser leur père à les interroger sur celui qui leur avait appris tout cela. Et c’est ainsi qu’ils purent lui parler de l’Ainsi-Venu Jaladhara-garjitagho-shasusvara-nakshatrararaja-samkusumitabhijna (Complètement-et-Parfaitement-Éveillé-Splendide-Sagesse-du-Roi-des-Tonnerre-des-Nuées). »

J’aime cette histoire non pas pour les phénomènes extravagants qu’accomplissent les deux fils mais parce qu’elle montre que nos actions ont plus d’impact que nos paroles. Nous pouvons convaincre plus de gens de la vérité du Sutra du Lotus par notre comportement en société qu’en leur parlant de la théorie bouddhique. Nous pouvons trouver banale la vie que nous menons avec son train-train quotidien mais la façon dont nous faisons face aux problèmes peut sembler surnaturelle à ceux qui se battent et souffrent près de nous. Pas besoin de cracher l’eau ou le feu, il suffit de montrer la joie de vivre que nous procure la pratique et de nous comporter en véritables humains.

Exhortation du bodhisattva Samantabhadra (Fugen) – Chapitre XXVIII

Ce dernier chapitre de la dernière section du Sutra du Lotus parle de ce qu’il convient de faire pour obtenir le Dharma. Je ne suis pas certain que tout le monde se sente concerné lorsque Samantabhadra interroge le Bouddha sur ce qu’il convient de faire pour obtenir le Dharma. Ici, le mot « obtenir » est important. Je ne pense pas que nous cherchions souvent à obtenir le Dharma, surtout si nous récitons déjà daimoku et étudions le Sutra du Lotus depuis un certain temps. Or, obtenir le Dharma signifie y accéder, le trouver, l’atteindre, le gagner et obtenir d’autres actions dans le même ordre d’idées. En fait, c'est bien au-delà d'un simple contact avec le Dharma Merveilleux du Sutra du Lotus. La différence est celle qui existe entre une rencontre fortuite et une rencontre ardemment recherchée.

Le Bouddha explique qu’il y a quatre choses que l’on doit faire pour obtenir le Dharma après son parinirvana. Et comme c’est notre cas, nous pouvons considérer cela comme les quatre instructions qui nous sont spécialement destinées.

1. Être protégé par l’attention des bouddhas.
2. Planter la multitude des racines de mérites.
3. Atteindre l’étape de stabilité sur la voie de l’Éveil.
4. Déployer la pensée de salut pour l'ensemble des êtres.

Notez bien que le Bouddha s’adresse ici aux fils aussi bien qu’aux filles de foi sincère.

La première instruction sur la protection par tous les bouddhas est de garder la foi chassant toute peur. Tout comme Nichiren qui a fait le vœu de protéger le Sutra du Lotus même au risque de sa vie, nous devons avoir la même détermination dans notre pratique. Il y a encore des endroits de par le monde où exprimer une conviction religieuse peut vous coûter la vie. Ici, aux États-Unis, nous ne sommes pas, en gros, confrontés à ce danger. Rien de plus facile que d’exprimer notre foi dans le Sutra du Lotus. Mais cette facilité ne doit pas affaiblir notre détermination de continuer notre pratique quoi qu’il nous arrive. Les gens privilégient trop souvent ce qui est facile en s’appuyant uniquement sur leur ressenti, sur ce qui ne demande pas trop d’effort ni de bouleversements et qui correspond à leurs possibilités du moment. L’idée même de défendre leur foi quelle que soit la persécution, la brimade ou l’obstacle est généralement la dernière chose à laquelle ils pensent. Peut-être est-ce parce que c’est trop facile de commencer et d’arrêter et que nous avons sans peine accès à trop de choses ? 

J’espère que personne n’aura à subir de persécutions comme Nichiren. Mais je me demande aussi combien nous serions à tenir bon face à de telles difficultés. Il y a tant de façons dont notre foi peut être mise à l’épreuve. Railleries, persuasions, pressions de la part de la famille ou de ceux que l’on aime ne sont pas si rares. Les incompatibilités dues au travail ou d’autres obligations font souvent abandonner la foi et la pratique avec l’idée de reprendre quand tout cela sera un peu tassé ; tout ça c'est une pratique taillée à sa propre mesure et non pas celle qui dépasse la peur et peut se maintenir au risque de la vie.

Un des bienfaits de la pratique dans un sangha est l’aide que l’on peut en attendre en temps de crise. Que la crise soit acceptée par la communauté n’a pas d’importance. Pratiquer seul par choix est possible lorsque tout va bien mais les problèmes surgissent obligatoirement tôt ou tard. Il est bon alors d’avoir des amis dans la foi sur qui s’appuyer. Le Sangha, ce troisième trésor, est inestimable pour que notre foi reste saine. 

La deuxième instruction est de planter de solides racines de vertu. C’est vivre en parfaite harmonie avec les six paramitas.  L’harmonie consiste à se baser, pour chaque action, chaque pensée, pour toute chose sur les principes énoncés dans ces paramitas - les perfections. Ce sont : le don, l’observance des préceptes, la patience, la persévérance, le dhyana*, la prajna. Les cinq préceptes sont les interdictions de tuer, de voler, de commettre des actes sexuels illicites, de mentir et de consommer des produits toxiques. 

Les Américains sont connus pour leur générosité et leur bénévolat. Nous nous précipitons spontanément au secours des associations et des peuples. Il parait que nous sommes en tête de liste pour toutes les actions caritatives ; je n’ai pas vérifié.  En tous cas, cela nous donne bonne conscience et nous rend fiers de nos efforts. Je connais de nombreux autres peuples qui participent aussi largement aux donations et j’ai donc quelques doutes sur la supériorité affichée de la générosité américaine. Mais il est certain qu’au cours de l’histoire nous avons eu quelques grands moments où nous avons donné, même au prix de sacrifices.

La première paramita, le don, ou dana en sanskrit, est bien différente de ce que la plupart des gens entendent habituellement sous ce terme. Dana désigne l’action de donner sans en attendre ni retour ni bénéfice quelconque. Réfléchissons à cela quelques instants : pas de récompense, pas de remerciement, pas de bénéfice, pas de réduction d’impôt, pas de notification écrite, pas de citation de votre nom, peut-être même pas d’appréciation, pas d’autosatisfaction, pas de sentiment du devoir accompli, même pas de sentiment diffus positif. C'est vraiment dur !

Donner juste parce qu’on a envie de donner, envie de partager, d’exprimer sa gratitude. Imaginez que vous restez toute la journée à l’entrée d’un énorme hypermarché en tenant la porte aux personnes qui entrent et qui sortent. Combien de temps pourriez-vous tenir sans juger les gens qui ne vous disent même pas merci ? Combien de temps pourriez-vous jouer les préposés à l’accueil et souhaiter la bienvenue alors que les gens vous ignorent totalement et vous traitent avec mépris ? De plus, imaginez que l’on ne vous paie même pas pour faire cela. Le bouddhisme ne demande à personne de faire l'accueil gratuitement mais c’est un exemple pour nous enseigner le don gratuit de notre personne, de notre temps et donc de notre vie et notre argent pour rien d’autre que pour la joie de partager le Dharma - les enseignements du Bouddha. Dana, c’est être généreux. C’est d’avoir à cœur le premier des quatre vœux du bodhisattva : sauver les êtres, parfois avant de nous sauver nous-mêmes, quel que soit leur nombre. J’aime bien rappeler à ce propos la première des grandes impossibilités. Ma démarche est peut-être impossible mais ce n’est pas une excuse pour ne pas essayer.

Considérons pour cela la première paramita : dana. C’est l’acte gratuit en signe de gratitude. C’est peut-être difficile ou désagréable mais en tant que bouddhistes, nous devons essayer. Il n’y a aucun mal à attendre une réduction d’impôt pour nos dons, pas plus que d’espérer un merci mais il faut rester conscient que c’est loin d’être dana.

La deuxième paramita est de garder les préceptes. Le mot "paramita" a été traduit en chinois à partir de deux termes "param" et "ita". "Param" signifiant "l’autre rive" et "ita", "atteindre". L’idée est qu’en observant les paramitas, on peut traverser le fleuve de la naissance et de la mort et atteindre la rive du nirvana.

Le bouddhisme énonce des préceptes différents selon qu’il s’agit de moines ou de laïcs, d’un homme ou d’une femme. Mais pour nous, ce qui compte ce sont les cinq préceptes qui s’adressent à tout le monde : ne pas ôter la vie, ne pas prendre ce qui ne vous appartient pas, de pas commettre d’acte sexuel illicite, ne pas dire de contrevérité, ne pas user de produits toxiques. 

Le sens de certains est évident mais d’autres sont diversement interprétés, avec plus ou moins de rigueur. Je suppose que cela dépend de la marge de manœuvre que vous voulez bien vous accorder. J’aime cependant souligner que chaque fois que nous essayons de biaiser et de nous trouver des excuses pour contourner les règles, nous ratons une belle occasion d’être honnêtes avec nous-mêmes.  Personnellement, je me soucie peu de savoir si une personne suit ces règles de façon stricte ou non ; ce n’est pas à moi d’en juger. Il m'importe seulement de savoir si la personne applique une dérobade plutôt que la sincérité avec elle-même et avec les autres.

Le premier précepte dit de ne pas prendre la vie. C’est clair et net, point. De là à conclure qu’en tant que bouddhiste vous devez être végétarien, c’est une autre affaire. Vous pouvez avoir des tas de raisons pour ne pas suivre ce précepte. Mais vous devez admettre honnêtement que vous ne le suivez pas. Avec le temps, vous changerez peut-être ou bien aurez-vous un plus grand désir de changer si vous demeurez logique avec vous-même.

Le deuxième précepte est de ne pas prendre ce qui n’est pas à vous. Cela semble facile mais dans certains cas, on peut avoir du mal à décider. Ainsi, si vous trouvez de l’argent, est-ce que vous allez le prendre, le laisser là ou essayer d’en trouver le propriétaire ? C’est facile avec quelques centimes mais, dans ce cas, le laissez-vous parce que cet argent ne vous appartient pas ou parce que c’est peu de chose. Et qu’en serait-il s’il s’agissait d'un billet de 20 ou de 50 euros ? Vous le prenez ou vous cherchez à le rendre ? Rappelez-vous : il ne vous appartient pas, quelqu’un l’a perdu. Et si vous le gardez, êtes-vous pour autant quelqu’un de mauvais ou juste une personne qui n’a pas respecté le deuxième précepte ? Est-ce que vous allez vous chercher des excuses du genre « si ce n’est pas moi, quelqu’un d’autre l’aurait pris et la personne qui l’a perdu, de toute façon ne le retrouvera pas ». Allez-vous justifier votre action ? Si oui, c’est que vous avez un sens de l’honnêteté pas très clair – et c’est cela qui compte dans le bouddhisme : apprendre à être honnête et sincère avec soi et avec les autres.

Ne pas avoir de rapports sexuels illicites peut signifier des tas de choses. À l’origine, lorsque les prêtres étaient tenus au célibat, c’était la chasteté absolue. Actuellement, le mariage est autorisé dans de nombreuses branches du bouddhisme si bien que le précepte concerne les conduites sexuelles illicites. L’idée est de ne pas causer de préjudice. Ainsi est considéré comme illicite le fait de forcer quelqu’un physiquement ou psychologiquement à un acte sexuel. La liste serait trop longue et n’a pas sa place ici. Il parait que lorsque des missionnaires ont débarqué à Hawaï et quand ils ont établi une liste d’activités et de relations taboues celle-ci a eu un grand succès auprès des Hawaïens car ils connaissaient bien plus d’activités que celles qui étaient inscrites sur la liste et, en plus, ils en inventèrent d’autres. En fin de compte, les missionnaires avaient poussé les Hawaïens à une intense créativité de choses illicites !

Le quatrième précepte concerne la contre-vérité.  Dans le bouddhisme, on fait souvent la distinction entre le mensonge et le hoben qui signifie le procédé pédagogique (ou expédient salvifique). Le mensonge fait du tort à autrui et profite au menteur. Un hoben est tout bénéfice pour l’autre. Nous nous laissons souvent aller à ce que l’on appelle de pieux mensonges pour mettre les gens à l’aise ou leur faire plaisir. Nous ne le faisons pas dans notre intérêt. C’est le cas du mari qui fait un compliment à sa femme pour sa coiffure alors que c’est toujours la même. Il sait simplement que s’il disait la vérité, cela ferait de la peine à sa femme et, par conséquent, à lui-même. Ah, les compliments !

Ce qui est déterminant, c’est de bien définir à qui cela profite et quelle est la vraie motivation. De même, il faut rester bien vigilant lorsque nous nous trouvons des excuses pour justifier notre conduite. C’est trop souvent le signe d’un problème caché que nous refusons de voir et que sommes incapables de regarder avec lucidité.

Enfin, c’est le précepte contre les intoxicants. Certains se débrouillent avec leur conscience pour l’interpréter comme si c'était une interdiction d’en abuser au point de perdre le contrôle de son esprit et de son corps.

Le point commun de ces préceptes est l’engagement que vous prenez par rapport à vous-même et par rapport au Dharma. Êtes-vous fidèle à votre engagement et êtes-vous honnête par rapport à vos manquements ? Il ne s’agit pas d’un jeu pour impressionner les autres par des apparences mensongères. C’est de notre chemin vers l’Éveil dont il est question, de notre capacité à mener les autres vers le Dharma. Si nous disons que nous allons faire certaines choses, nous devons y mettre toute notre bonne volonté. Alors, admettons nos erreurs et mettons tout en œuvre pour ne pas y retomber. Plus nous pourrons nous conformer aux préceptes, plus nous serons proches du modèle que nous offre la vie du Bouddha et plus nous serons capables d’atteindre la bodhéité et d'y mener les autres.

La troisième paramita est la patience que j’ai bien du mal à m’appliquer à moi-même et à transmettre aux autres. Je me suis posé la question sur la différence entre la patience et le laisser-faire.  C’est loin d’être la même chose, du moins pour moi. Juste un exemple pour être sûr que nous parlons de la même chose. Si je laisse faire l’autre, je cautionne son action, je lui permets de ne pas agir correctement. Si je suis patient, je m’implique dans ce qu’il fait et considère qu’il y a là une part pour moi. Vous me suivez ? Dans le premier cas, je donne quelque chose (ma caution, ma permission), dans le second, je reçois, j’accepte quelque chose de l’autre.

Bon, c’est un peu embrouillé, je recommence. Si, par exemple, une personne progresse lentement, je peux rester neutre et ne rien laisser paraitre tout en bouillant d’impatience intérieurement, estimant qu’elle pourrait se bouger un peu. Si je suis patient, j’accepte ce qu’elle fait sans être ni dans le jugement ni dans la condescendance, sans aucun ‘‘si’’ ni ‘‘mais’’.

Avec la patience, je vois mieux les progrès de l’autre, j’en saisis les qualités et je suis moins tenté de faire des comparaisons sur la supériorité ou l’infériorité. Si une personne avance lentement, c’est, peut-être, qu’elle va plus au fond des choses. Si je suis permissif et non pas patient, je passe à côté de ce que l’autre a de bon. Je m’efforce de garder à l’esprit que tout le monde fait ce qu’il peut, toujours. Comment puis-je dire qu’un tel manque de rigueur ou qu’il est dissipé ou que je lui trouve tel et tel défaut ? Certes, les gens ne donnent pas toujours le meilleur d’eux-mêmes mais seulement ce qu’ils peuvent à ce moment-là. 

Être patient me permet parfois de voir ce qui bloque les capacités des autres. Le décès d’un proche rend les gens inattentifs. Ou alors c’est un problème familial pour lequel on ne voit pas d’issue qui empêche les gens d'aller au bout de leurs qualités. Ils font juste ce qu’ils peuvent. Je sais lire mais sans mes lunettes je vois trouble et j’ai du mal à déchiffrer ce que je lis. Peut-être le commerçant a-t-il injustement viré quelqu'un et, maintenant, les employés de l'entreprise ne peuvent pas vous servir car ils manquent de personnel, mais ils continuent à faire de leur mieux, même si ce n'est pas ce qu'ils savent le mieux faire ? La patience permet de se mettre quelques instants dans la peau de l’autre. Peut-être saurons-nous entrevoir le problème et peut-être pas mais, en tous cas, nous pouvons rester bienveillants et même faire preuve d’empathie ? Si nous nous contentons d'être permissifs, c’est que nous restons accrochés à nos standards et demandons aux autres des comptes selon nos propres normes, sans nous soucier de leurs problèmes. Nous attendons que les autres nous accordent des circonstances atténuantes pour nos erreurs, alors pourquoi n’en faisons-nous pas autant à leur égard ?

À plusieurs points de vue, les six paramitas sont une réaction mahayana au bouddhisme primitif qui met l’accent sur le développement de soi par l’adhésion aux Quatre nobles vérités et l’Octuple noble chemin. Les efforts (sk. virya), quatrième paramita sont à distinguer de l’effort juste (sk. samyag-vyayama) de l’Octuple noble chemin. L’effort virya, (traduit également par persévérance, force d'âme, énergie enthousiaste, diligence, zèle) porte sur notre relation aux autres et sur notre pratique.

De quelle sorte d’efforts est-il donc question ? La réponse peut se résumer à peu de choses : faire le bien et éviter le mal en mettant en pratique toutes les paramitas, sur le plan aussi bien physique que mental. Faire le bien et éviter le mal est, d’une certaine façon, une extension de dana et des cinq préceptes. Le fait est qu’il est impossible de séparer ces notions.

En mettant constamment en pratique ce que nous suggèrent ces recommandations bouddhiques, nous nous améliorons en les améliorant. Avec le temps, nous arrivons si bien à les suivre qu’il nous devient plus facile de nous y conformer plutôt que de les rejeter. Ne serait-ce pas là l’effort et la patience réunis ? Quelle que soit la faute commise, nous ne l’avons pas faite en dormant. Nous devons être prêts à faire autant d’efforts pour corriger notre action que nous avons utilisé d’énergie pour la commettre. J’ai mis plus de soixante ans à créer la personne que je suis, avec ses bons et ses mauvais côtés. Si je veux changer quelque chose de mauvais en moi, il faudra que je rame dur pour créer un bien équivalent. Cela me prendra peut-être moins de temps mais seulement si je concentre mes efforts. Un jardin en friche n’a pas été envahi par des ronces et les mauvaises herbes en une nuit. Il ne va pas devenir agréable et soigné par magie, simplement parce que nous le voulons, mais seulement si nous accordons une attention constante à ses imperfections et si nous le nourrissons de paramitas-perfections.

Ne pas causer de préjudice aux autres est souvent plus facile à pratiquer mentalement et, d’ailleurs, c’est par là qu’il faut commencer. Mais, à un moment, il faudra faire l’effort pour passer à une vie où on ne séparera plus la pensée de l’action.

On pourrait dire bien des choses sur la persévérance de l’effort mais tout revient au simple « fais-le ». D’une certaine façon nous pouvons dire avec Maître Yoda : « il ne faut pas essayer, il faut faire ». Quand le bouddhisme parle d’essayer, il s’agit de la phase ultime de la tentative, c’est-à-dire du passage à l’action. En exerçant nos efforts sur la phase finale de l’essai on passe à la réalisation. 
Un bon musicien ne le devient pas sans efforts persévérants. Nous améliorons nos capacités à suivre les paramitas en commençant par quelques humbles essais. Il n’y a pas d’efforts vains dans le bouddhisme.

La cinquième paramita est la méditation-dhyana* . On peut dire que c’est la concentration sur un seul objet. Notre état intérieur, tout en étant unique, est en perpétuel changement, passant d’une idée à une autre. Une pensée nous vient mais l’instant d’après nous pensons à autre chose et, pendant ce temps, nous pouvons parfaitement faire une chose qui n’a rien à voir avec ces pensées. C’est, peut-être, pourquoi les gens s’imaginent qu’ils se sentent et fonctionnent mieux en étant « multitâches » alors que la poly-performance ne sert qu’à faciliter le quotidien en dissociant les objets et en évitant la concentration. 

En dispersant notre attention nous perdons certaines informations et faisons plus d’erreurs de jugement et d’efficacité. Le bouddhisme nous incite à lutter contre la facilité. Or la vie sans concentration est plus facile, elle demande moins d’efforts. Se concentrer sur un objet ou une pensée est difficile et demande de l’entrainement. C’est peut-être pour cela que tant de gens préfèrent l’éviter. L'esprit, lorsqu'il est concentré et se focalise sur un seul objet, est capable d'accomplir de grandes choses. Nous disposons d'une ressource inestimable et il me semble judicieux de chercher la meilleure façon de la développer. Avez-vous observé les visages et les yeux des grands musiciens ? Les exercices réguliers leur ont permis de maitriser les cordes, les touches, les pistons ou les baguettes et de concentrer leur esprit sur la partition à exécuter, si bien que leur vie peut s’ouvrir et leur cœur peut se montrer dans la musique qui nous émeut. Pouvez-vous vous imaginer un musicien qui envoie des SMS pendant sa prestation ou qui écoute une musique de fond pendant qu’il joue ?

La sagesse-prajna est la dernière paramita. C’est la sagesse suprême de Bouddha profondément enfouie en nous, que nous activons par notre pratique. En enseignant les bases de la méditation, je dis que la sagesse-prajna s’exprime d’une voix faible et douce. Étant tellement pris et distraits par nos pensées, nous entendons difficilement la voix de la prajna et, souvent, nous l’étouffons. Et pourtant, au fond, nous avons un grand potentiel de sagesse, notre voix-de-bouddha.

Notre pratique porte sur les Quatre nobles vérités, l’Octuple noble chemin, la chaine des douze liens causaux*, les six paramitas. Tout cela est contenu dans le Sutra du Lotus et le daimoku Namu Myoho Renge Kyo. Lorsque nous essayons de vivre selon la vérité fondamentale du bouddhisme et de suivre les enseignements du Sutra du Lotus en récitant le Sutra et daimoku, nous nous forgeons une vie dans laquelle notre bouddha potentiel se manifeste et qui permet de vivre un bonheur indestructible.

Telles sont donc les deux premières instructions pour obtenir le Sutra du Lotus. La troisième consiste en une foi-shinjin ferme. La fermeté de la citta-prasada est celle qui ne chancelle pas et croît en permanence. C’est la manifestation de notre confiance dans le Sutra du Lotus. La fermeté de cette foi va toujours croissant. C’est comme une boucle de rétroaction positive où la foi génère la motivation de la pratique. Au début, lorsque nous commençons à pratiquer, nous n’avons pas une foi absolue dans le Sutra du Lotus, dans ce que nous sommes en train de faire ; nous ne savons même pas si ça marche. Notre pratique consiste d’abord à acquérir la foi en transformant la théorie en expériences vécues. Plus nous pratiquons, plus notre foi se renforce.  Puis, comme notre foi augmente, elle devient à son tour une motivation pour pratiquer davantage et non plus le but à atteindre.

Enfin, la quatrième instruction pour obtenir le Dharma est d’accomplir notre vœu de transmettre l'enseignement aux autres et de partager avec eux la joie et la vérité du Sutra du Lotus.

S’il vous plait, ne confondez pas propagation et conversion. Si nous croyons – comme le Sutra l’enseigne – que tous les êtres sont des bouddhas potentiels, que toute vie possède déjà virtuellement le Bouddha, l’idée de conversion n’a pas de sens puisqu’il n’y a rien à convertir. Lorsque nous propageons le bouddhisme nous ne faisons que mettre en lumière la nature de bouddha des êtres qui peuvent ainsi prendre conscience de ce qui est déjà en eux. Nous plantons les graines pour qu’ils œuvrent à leur Grand Éveil personnel. Peut-être cet Éveil ne se produira-t-il pas dans cette vie, ni même dans la prochaine, mais il se manifestera indubitablement un jour. Nous devons seulement en parler aux autres et donner l’exemple et être des exemples vivants du Sutra du Lotus. En faisant cela, nous manifestons aussi le Dharma Merveilleux du Sutra du Lotus que nous avons obtenu.

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