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Extraits de gosho sur

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DICTIONNAIRE
 
Shingon- Histoire de l'implantation au Japon

Résumé : En 720 - Shan-wu-wei (Shubhakarasimha) arrive en Chine venant de l'Inde en même temps que Vajrabodhi (Jin-gang-zhi) et Amoghavajra (Bukong). Ils apportent avec eux les sutra Vairocana, Kongocho et Soshitsuji, et fondent l'école Shingon.

Citations par ordre chronologique :

Le Sutra du Lotus contient deux principes importants (note), dont les écoles Kusha, Jojitsu, Ritsu, Hosso et Sanron ne connaissent rien, pas même le nom. Par contre, les écoles Kegon et Shingon se sont sournoisement emparées de ces principes pour en faire le coeur de leurs propres enseignements. Le principe d'ichinen sanzen ne se trouve que dans l'enseignement essentiel* du Sutra du Lotus, caché dans les profondeurs du chapitre Juryo* (XVI).
[...] Dès l'origine, les écoles Kegon et Shingon furent toutes deux des écoles provisoires basées sur des sutras provisoires. Mais Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*, qui introduisirent les enseignements ésotériques en Chine, s'approprièrent le principe d'ichinen sanzen de Zhiyi, pour en faire le coeur des enseignements de leur école, tout en y ajoutant la pratique de mudra et de mantra dharani* et prétendirent que leurs enseignements surpassaient ceux de Zhiyi. De sorte que ceux qui étudiaient le bouddhisme, ignorant les faits réels, en vinrent à croire que le principe d'ichinen sanzen se trouvait déjà dans le Sutra Vairocana* tel qu'il était parvenu d'Inde.
[...] Quand le Grand-maître Saicho apparut au Japon, il ne se contenta pas d'exposer les erreurs des Six écoles de Nara mais établit clairement que l'école Shingon avait volé les principes du Sutra du Lotus exposés par Zhiyi pour en faire l'essentiel de sa propre doctrine.
[...] Par la suite, cependant, les conditions du monde se détériorèrent et la sagesse des hommes devint de plus en plus superficielle. Ils n'étudiaient ni ne comprenaient plus les principes profonds de l'école Tendai, et les autres écoles s'attachèrent de plus en plus étroitement à leurs idées préconçues. Finalement, les Six écoles de Nara et l'école Shingon se retournèrent contre l'école Tendai et l'attaquèrent. Cette dernière, s'affaiblissant toujours plus, se retrouva en position d'infériorité. Pour aggraver la situation, de nouvelles écoles insensées telles que le Zen et le Jodo apparurent et s'attaquèrent elles aussi à l'école Tendai, un nombre croissant d'adeptes laïques se convertissant à leurs doctrines erronées. Au bout du compte, même les moines considérés comme les maîtres les plus éminents de l'école Tendai s'avouèrent vaincus et prêtèrent leur soutien aux écoles erronées. Non seulement l'école Tendai, mais aussi l'école Shingon et les six écoles de Nara furent contraintes de céder leurs terres et leurs domaines aux nouvelles écoles erronées, et le Dharma correct ne fut plus propagé.
[...] Par ailleurs, les écoles Kegon et Shingon sont d'un niveau incomparablement plus élevé que les écoles Hosso et Sanron. Elles prétendent que la possibilité pour les personnes des deux véhicules d'atteindre la bodhéité, et la révélation du fait que le Bouddha atteignit l'Éveil il y a d'innombrables kalpas sont énoncées non seulement dans le Sutra du Lotus, mais également dans les sutras Kegon* et Vairocana*.
[...] Selon les tenants de ces écoles, les patriarches du Kegon, Dushun, Zhiyan, Fa-zang et Cheng-guan et les maîtres du Shingon, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* étaient supérieurs à Zhiyi ou Saicho. Mieux encore, ils prétendent que les enseignements de Shubhakarasimha*.
[...] Les quatre écoles Kegon, Shingon, Sanron, et Hosso sont toutes des écoles du Mahayana. Parmi elles, les écoles Hosso et Sanron vénèrent un bouddha sous l'aspect du Corps manifesté supérieur (note). C'est comme si un prince héritier, prétendant légitime à la couronne, prenait son père pour un simple guerrier. Les écoles Kegon et Shingon rabaissent le Bouddha Shakyamuni et affirment que c'est le bouddha Mahavairocana [Vairocana] qui doit être le véritable objet de vénération.
[...] Les sutras qui forment la base des écoles Shingon et Kegon ne contiennent même pas les termes "ensemencement", "maturation" et "récolte", encore moins les principes [de l'ensemencement des graines de la bodhéité, de la maturation de ces graines, et finalement de l'atteinte de la bodhéité] auxquels ces termes se réfèrent. Lorsque les sutras des écoles Kegon et Shingon affirment qu'il suffit de croire en leur enseignement pour entrer dans la première* des dix étapes de développement* et atteindre la bodhéité sans changer d'apparence, ils ne s'appuient que sur les enseignements des sutras provisoires, enseignements qui voilent le passé.
[...] Le Sutra Vairocana* de l'école Shingon ne fait aucune allusion au fait que les personnes des deux véhicules peuvent atteindre la bodhéité et que le Bouddha Shakyamuni atteignit l'Éveil dans le passé illimité, ou encore au principe d'ichinen sanzen. Mais, après son voyage en Chine, Shubhakarasimha* eut l'occasion de lire le Maka Shikan de Zhiyi et en retira sagesse et compréhension. Il s'appropria alors le principe d'ichinen sanzen, l'utilisant pour interpréter les passages du Sutra Vairocana* sur "la réalité de l'esprit" ou celui qui dit "Je [Vairocana] suis la source et le commencement de toutes choses", pour en faire le cœur des enseignements Shingon mais en y ajoutant la pratique des mudra et des mantra dharani*. Et en comparant les mérites respectifs du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana*, il déclara que si tous deux sont égaux d'un point de vue théorique, le dernier est supérieur du point de vue de la pratique. Les mandala des deux mondes symbolisent l'atteinte de la bodhéité par les personnes des deux véhicules ainsi que l'implication mutuelle des dix mondes-états, mais peut-on trouver ces principes où que ce soit dans le Sutra Vairocana*  ? Ceux qui l'affirment sont coupables de la plus grossière tromperie ! [...] Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* de l'école Shingon ont dit que le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus étaient identiques en théorie et appartenaient tous deux à la catégorie des "Six actions difficiles". Mais Kukai*, [le maître de l'école Shingon] au Japon, a dit : "Le Sutra Vairocana* ne rentre ni dans la catégorie des Six actions difficiles ni dans celle des Neuf actes aisés. Il est différent de tous les sutras enseignés par Shakyamuni, puisqu'il fut prêché par le bouddha Vairocana*, bouddha sous l'aspect du Corps du Dharma*."
[...] Le chemin vers la bodhéité ne peut pas se trouver dans la doctrine du Kegon qui prétend que l'esprit est la seule réalité, dans les huit négations de l'école Sanron, dans le principe du "Rien-que-Conscience" de l'école Hosso, ni dans cette sorte de méditation préconisée par le Shingon sur les cinq éléments universels. Seul le principe du Tendai, ichinen sanzen, est le chemin qui mène à la bodhéité. Et, même ce principe d'ichinen sanzen, ni notre sagesse ni notre intelligence ne nous permettent de le saisir pleinement. Pourtant, parmi tous les sutras enseignés par le Bouddha de son vivant, seul le Sutra du Lotus contient ce joyau, le principe d'ichinen sanzen.
[...] Maintenant que les autorités m'ont condamné à l'exil, les moines des écoles Tendai et Shingon se réjouissent sans doute. Ce sont des hommes cruels et monstrueux.
Traité pour ouvrir les yeux (Sado, février 1272 à Shijo Kingo)

Le Savant-maître Shubhakarasimha* arriva en Chine venant d'un pays de l'Ouest, l'Inde, et dans la huitième année de la même ère (720), les savants maîtres Vajrabodhi* et Amoghavajra* vinrent eux aussi d'Inde en Chine. Ils apportèrent avec eux les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*, et fondèrent l'école Shingon. Cette école divise les enseignements bouddhiques en deux catégories : les enseignements exotériques de Shakyamuni, exposés dans les sutras Kegon*, dans le Sutra du Lotus et dans divers autres sutras, et les enseignements ésotériques de Vairocana, exposés dans le Sutra Vairocana* et divers autres sutras. Le Sutra du Lotus est le plus élevé des enseignements exotériques. Mais, même si ses principes essentiels [selon l'école Shingon] ressemblent à ceux de l'enseignement ésotérique du Sutra Vairocana*, parce que l'on n'y trouve pas la moindre allusion à la pratique des mudra et des mantra dharani*, ni aux Trois mystères, il est considéré comme "un enseignement incomplet".
[...] Ainsi, toutes ces écoles citées plus haut, Hosso, Kegon et Shingon, se sont attaquées à l'école Tendai et aux enseignements du Sutra du Lotus. Mais, peut-être parce les adeptes de l'école Tendai n'avaient pas la sagesse de leur maître, tout en sachant que ces autres doctrines n'étaient pas fondées, aucun d'eux ne proposa de les réfuter dans un débat public, comme Zhiyi l'avait fait.
[...] Le Grand-maître [Saicho] savait parfaitement laquelle des deux écoles nouvellement introduites de Chine au Japon, Tendai ou Shingon, était supérieure à l'autre. Mais il ne le démontra pas au cours d'un débat public comme il l'avait fait pour établir la supériorité du Tendai sur les six écoles plus anciennes. Pour cette raison peut-être, après la disparition du Grand-maître Saicho, les moines du To-ji, des sept temples de Nara, du Onjo-ji aussi bien que des autres temples du Japon tout entier proclamèrent l'école Shingon supérieure à l'école Tendai, et tous, des personnes du plus haut rang jusqu'à celles dont la condition était la plus modeste, en furent persuadés.
[...] Une personne qui propage le Sutra du Lotus est le père et la mère de tous les habitants du Japon. Car, comme l'a dit le Grand-maître Guanding* : "Permettre à quelqu'un qui offense le Dharma de se libérer du mal, c'est remplir à son égard la fonction de parent." Par conséquent, moi, Nichiren, je suis le père et la mère de l'actuel empereur, le maître et le seigneur des adeptes du Nembutsu, du Zen et des moines du Shingon.
[...] Ce traité [Bodaishin Ron] ne prend pas en compte tous les enseignements de Shakyamuni et il comprend de nombreuses affirmations inexactes. A commencer par la phrase qui prétend que : "Seul l'enseignement du Shingon peut conduire à la bodhéité." C'est une erreur, puisque cela nie la possibilité d'atteindre la bodhéité sans changer d'apparence grâce aux enseignements du Sutra du Lotus, un fait largement établi par les preuves scripturales aussi bien que par des événements concrets. (...). Le mot "seul" dans l'affirmation que seul l'enseignement du Shingon peut conduire à la bodhéité est de toutes l'erreur la plus grave.
[...] Amoghavajra* vola les préceptes du Mahayana de l'école Tendai, et, appuyé par un décret de l'empereur Taizong, les instaura dans les cinq temples du Mont Wu-tai. Il déclara aussi que, pour classifier les enseignements, l'école Shingon devrait emprunter elle-aussi la classification utilisée par l'école Tendai. De manière générale, il multiplia les falsifications. Les traductions des sutras ou des traités faits par d'autres sont peut-être utilisables mais celles de Amoghavajra* ne sont absolument pas fiables.
[...] Un récit a été fait de la manière dont Amoghavajra*, de l'école Shingon, et son disciple Hanguang, abandonnèrent l'enseignement de l'école Shingon pour devenir des disciples du Grand-maître Zhiyi. "On lit dans le Koso Den [Biographies de moines éminents] : "Quand [Hanguang], en compagnie de Amoghavajra*, voyageait en Inde, un moine lui posa la question : "En Chine, il y a les enseignements de Zhiyi qui permettent de faire la distinction entre ce qui est erroné de ce qui est correct, et d'élucider la différence entre les enseignements incomplets et parfaits. Ne serait-il pas bon de les traduire pour les propager dans ce pays  ? " Cette histoire a été relatée par Hanguang au Grand-maître Zhanlan
[...] L'école Shingon forme une catégorie à part. Elle bénéficie du soutien des temples du Mont Hiei, des sept temples de Nara, du To-ji, du Honjo-ji et de leurs patriarches, y compris le supérieur du Mont Hiei, Omuro, le supérieur du Honjo-ji et les administrateurs des divers temples et sanctuaires. (note) Depuis que le miroir sacré (note) conservé au palais impérial a été détruit par le feu, on a considéré que le précieux mudra du bouddha Vairocana*, miroir du Bouddha, devait le remplacer pour l'empereur  ; et puisque le sabre précieux avait sombré dans la mer de l'ouest, (note) on a cru que les cinq grands Honorés avaient le pouvoir de vaincre les ennemis du Japon. Ces croyances semblent si profondément enracinées que la pierre dont l'usure correspond à un kalpa (note) pourrait être totalement érodée, et la terre immense pourrait basculer sans que quiconque les mette en doute.
Quand le Grand-maître Zhiyi réfuta publiquement les maîtres des autres écoles du Sud et du Nord, ces enseignements du Shingon n'avaient pas encore été introduits en Chine ; et, lorsque le Grand-maître Saicho vainquit les maîtres des Six Écoles au Japon, il ne fut plus question de la doctrine Shingon. A plusieurs reprises le Shingon évita la confrontation avec ses puissants ennemis, et réussit à supplanter et mettre en danger le Grand Dharma du Sutra du Lotus. De plus, Ennin*, disciple du Grand-maître Saicho, alla jusqu'à adopter l'enseignement de cette école [Shingon], et à l'introduire au Mont Hiei, obscurcissant ainsi les principes du Tendai et livrant l'école tout entière à l'influence du Shingon. Mais qui pouvait s'opposer ouvertement à un personnage aussi écouté que Ennin*  ? Ainsi, en bénéficiant de préjugés favorables, l'enseignement erroné de Kukai* n'a jamais été réfuté. Le moine Annen formula bien quelques réserves à l'égard de Kukai, mais il se contenta de remplacer l'école Kegon par celle du Sutra du Lotus, à la deuxième place, dans son classement par ordre d'importance ; il considéra toujours le Sutra du Lotus comme inférieur au Sutra Vairocana*. Il ne fut donc rien de plus qu'un homme de compromis.
[...] L'école Shingon est une source de difficultés beaucoup plus graves que les deux autres dont je viens de parler. Sa doctrine est extrêmement erronée et je voudrais en discuter ici les grandes lignes.
Sous le règne de l'empereur Xuan-zang, de la dynastie Tang, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi*, et Amoghavajra* ont apporté les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji* d'Inde et les ont introduits en Chine. Les enseignements de ces trois sutras sont très clairement énoncés. Si nous en recherchons le principe essentiel, nous voyons qu'il consiste à réunir les deux véhicules et à les remplacer par le Véhicule unique de l'état de Bodhisattva, à réfuter les deux véhicules pour révéler le Véhicule unique de l'état de Bodhisattva. Et la caractéristique de cette école est la pratique des mudra et des mantra dharani*.
[...] Shubhakarasimha* comprit que l'enseignement du Tiantai était encore supérieur à la description qu'on lui en avait faite en Inde et qu'il serait très difficile avec les trois sutras qu'il avait apportés de le dépasser. Aussi, afin de tromper Yixing, il lui dit : "Mon bon moine, vous êtes l'un des hommes les plus intelligents de Chine et l'école Tiantai possède un enseignement véritablement profond et mystique. Mais l'école Shingon dont j'ai apporté les sutras en Chine est supérieure à l'école Tiantai sur un point : elle utilise les mudra et les mantra dharani*."
Yixing pensa que ce n'était peut-être pas impossible. Shubhakarasimha* dit alors à Yixing : "De la même manière que le Grand-maître Zhiyi écrivit des commentaires sur le Sutra du Lotus, j'aimerais concevoir des commentaires sur le Sutra Vairocana* pour propager l'enseignement de l'école Shingon. Pourriez-vous les écrire pour moi  ? " Yixing répondit que c'était chose facile. (...) L'acarya Yixing écrivit tout cela fidèlement, comme Shubhakarasimha* le lui avait dicté. L'enseignement théorique* du Sutra du Lotus fut adressé à Shariputra et l'enseignement essentiel*, à Maitreya. Dans les 360 provinces de Chine, personne ne découvrit ce subterfuge. Au début, il y eut quelques polémiques sur les mérites relatifs des écoles Tiantai et Shingon. Mais Shubhakarasimha* était une personne qui inspirait un grand respect et les moines de l'école Tiantai avaient moins de poids que lui.
[...] Avec le passage des années, la racine frauduleuse de ces enseignements erronés de l'école Shingon aurait pu rester bien cachée. Le Grand-maître Saicho, après s'être rendu du Japon en Chine, en revint avec les textes de l'école Tiantai, mais aussi avec ceux de l'école Shingon. Il recommanda l'enseignement de l'école Tendai à l'empereur du Japon et fit étudier celui de l'école Shingon aux maîtres des Six écoles. Il avait déjà clairement mis en évidence la supériorité de l'enseignement du Tendai sur celui des Six Écoles avant son voyage en Chine. Après être rentré de Chine, il décida de faire construire le kaidan pour l'ordination selon les préceptes menant à l'Éveil parfait et immédiat, mais cela suscita de nombreuses controverses. Peut-être pensa-t-il qu'il avait déjà beaucoup d'ennemis, et que la réalisation de ce Grand Sanctuaire serait suffisamment difficile même s'il y consacrait tous ses efforts. Ou peut-être a-t-il pensé que ce serait à l'époque des Derniers jours du Dharma qu'il faudrait réfuter l'école Shingon. Quoi qu'il en soit, il ne mentionna pas le Shingon en présence de l'empereur et n'en parla pas non plus de manière décisive à ses disciples. Toutefois il laissa bel et bien un ouvrage secret en un volume intitulé Ebyo Shu (note) dans lequel il décrit de quelle manière divers moines des Sept Écoles furent convaincus par l'enseignement du Tendai. Dans la préface de ce texte, il mentionne le caractère frauduleux des enseignements du Shingon. Kukai* se rendit en Chine pendant l'ère Enryaku à la même époque que le Grand-maître Saicho. (note) Il y étudia l'enseignement de l'école Shingon sous la direction de Hui-guo du temple Qing-long-si. De retour au Japon, évaluant les mérites des enseignements exposés par Shakyamuni de son vivant, il déclara que les plus élevés étaient les enseignements de l'école Shingon, plaçant le Sutra Kegon* au deuxième rang, et, au troisième, le Sutra du Lotus.
[...] Je suppose que c'est parce que, lorsqu'il séjourna en Chine, il étudia seulement l'enseignement de l'école Shingon, la pratique des mudra et des mantra dharani*. Mais il ne semble pas avoir étudié les aspects théoriques de la doctrine. De retour au Japon, il découvrit que l'école Tendai était beaucoup plus florissante qu'il ne le pensait et en conclut qu'il serait difficile de propager l'enseignement du Shingon auquel il était attaché. Par conséquent, il reprit l'enseignement de l'école Kegon qu'il avait étudié au Japon avant son départ, et il commença à affirmer [comme le Kegon le disait de sa propre doctrine] que l'enseignement du Shingon était supérieur à celui du Sutra du Lotus. Mais il comprit que, s'il se contentait de l'affirmer, comme le faisaient les maîtres de l'école Kegon, personne ne le croirait. C'est pourquoi il modifia à sa manière le raisonnement du Kegon (note) en disant : "Je propage en réalité la véritable doctrine contenue dans le Sutra Vairocana*, dans le Bodaishin Ron du bodhisattva Nagarjuna et dans l'enseignement du maître du Shingon Shubhakarasimha*", consolidant ainsi sa position à grand renfort de mensonges absurdes. Mais, malgré cela, les moines de l'école Tendai n'ont pas su fermement le contredire.
[...] Les temples du Mont Hiei [centre de l'école Tendai] n'auraient pas du avoir de pires ennemis que ceux qui prétendent, comme on le fait communément au Japon, que l'enseignement du Shingon est supérieur à celui du Sutra du Lotus. Mais parce que Ennin* mit un bâillon sur la bouche des trois mille moines [du Mont Hiei, leur interdisant ainsi de parler], tout se passa comme les maîtres du Shingon le souhaitaient. En fait, le To-ji [principal temple Shingon dans la région de Kyoto] n'eut pas de meilleur allié que Ennin*.
[...] Mais un moine considéré comme le plus respectable du Mont Hiei, Annen, établit, dans son ouvrage intitulé Kyojijo Ron, une classification des neuf écoles donnant la première place au Shingon, la deuxième au Zen, la troisième à l'école Tendai-Hokke, la quatrième au Kegon, etc. A cause de cette redoutable erreur d'interprétation, l'école Zen parvint à répandre ses enseignements à travers tout le Japon et le pays est au bord de la ruine.
[...] Le Grand-maître Saicho étudia les enseignements Tendai et Shingon pendant quinze ans au Japon, par lui-même. Il possédait de manière innée des capacités de compréhension merveilleuses, et, sans l'aide d'un maître, s'éveilla à la vérité. Mais, pour dissiper les doutes des autres, il se rendit en Chine où il reçut l'enseignement des écoles Tiantai et Shingon. Les maîtres, en Chine, avaient à cet égard diverses opinions mais, dans son coeur, Saicho était certain que l'enseignement du Sutra du Lotus était supérieur au Shingon. C'est pourquoi il n'utilisa jamais le terme "école" pour se référer au Shingon, parlant seulement des "pratiques shikan et "paroles véritables" de l'école Tendai". Il décida que, chaque année, seraient ordonnés deux novices qui devraient étudier pendant douze ans au Mont Hiei. De plus, il obtint que fut promulgué un édit impérial désignant le Sutra du Lotus, le Sutra Konkomyo* et le Sutra Ninno* comme les trois sutras destinés à assurer la protection et la prospérité du pays, et décrétant qu'ils devaient être lus et récités au Shikan-in.
[...] L'enseignement ésotérique, à son tour, se divise en deux catégories. La première est celle de l'enseignement théorique*, qui comprend les sutras Kegon*, Hannya*, Vimalakirti, du le Sutra du Lotus et du Nirvana. Bien qu'ils enseignent l'inséparabilité des vérités profanes et de la vérité suprême du bouddhisme, ils n'enseignent pas les mudra et les mantra dharani*. La deuxième catégorie est celle de l'enseignement ésotérique à la fois la pratique et théorique. Ce sont les principes que l'on trouve dans les sutras Vairocana*, Kongocho* et Soshitsuji*. Ils enseignent la non-dualité des vérités profanes et bouddhiques ainsi que les mantra dharani* et les mudra." Ce passage signifie essentiellement que, pour ce qui est de la supériorité relative du Sutra du Lotus, les trois sutras du Shingon mentionnés plus haut sont théoriquement en accord, puisqu'elle réside dans le principe d'ichinen sanzen. Mais la pratique des mudra et des mantra dharani* n'est pas exposée dans le Sutra du Lotus. C'est pourquoi le Sutra du Lotus représente l'enseignement ésotérique théorique, alors que les trois sutras du Shingon représentent l'enseignement ésotérique à la fois théorique et pratique. Ces deux enseignements sont donc aussi érents que le ciel de la terre ou que les nuages de la boue.
[...] En réalisant que l'erreur de Ennin* découle de l'interprétation qu'il donne de son rêve. Il fit ce rêve après avoir établi, dans ses commentaires, que l'enseignement du Shingon était supérieur à celui du Sutra du Lotus. Si ce rêve avait été un rêve de bon augure, comme Ennin* lui-même le prétendit, nous pourrions en conclure que l'enseignement du Shingon est effectivement supérieur. Mais le rêve de transpercer d'une flèche le soleil est-il donc un rêve de bon augure  ?
[...] Si les forces japonaises et mongoles s'étaient livré bataille, si les prières des maîtres du Shingon avaient prouvé leur efficacité, et si le Japon avait remporté la victoire grâce à elles, on pourrait alors dire que le Shingon est précieux.
Le choix en fonction du temps (Minobu, 10 juin 1275 ; adressé à Yui)

Au cours des vingt règnes qui suivirent, et pendant les plus de deux cents ans qui s'écoulèrent jusqu'au règne de l'empereur Kammu, il y eut bien ce que l'on appelle les six écoles bouddhiques au Japon, mais la supériorité relative des divers enseignements bouddhiques ne fut pas clairement établie. Puis, durant l'ère Enryaku [782-805], un sage apparut dans ce pays, qui fut connu sous le nom de Grand-maître Dengyo (Saicho). Il réfuta les enseignements des Six écoles, déjà propagés avant lui, et tous les moines des Sept Temples principaux de Nara devinrent ses disciples. Avec le temps, il établit un temple sur le Mont Hiei qui devint Temple principal, et les autres temples du pays y furent rattachés. C'est ainsi que les enseignements bouddhiques du Japon furent unifiés en une seule école. La société, de même, ne fut plus divisée, et le gouvernement appliquant des règles claires, le mal disparut d'un pays purifié. Si nous voulions évaluer les mérites de Saicho, nous devrions dire qu'ils découlent tous de sa fidélité au passage [déclarant que le Sutra du Lotus est le plus élevé de tous les sutras] "que j'ai enseignés, que j'enseigne maintenant et que j'enseignerai à l' avenir."(réf.)
[...] Dans la période qui suivit, les trois Grands Maîtres Kukai*, Ennin* et Enchin, en prétendant s'appuyer sur des enseignements faisant autorité en Chine, soutinrent l'idée que le Sutra Vairocana* et les deux autres principaux sutras du Shingon étaient supérieurs au Sutra du Lotus. De plus, ils qualifièrent d'"école" les enseignements Shingon, terme que le Grand-maître Saicho n'avait délibérément jamais utilisé. Le Shingon fut donc reconnu comme la huitième école bouddhique du Japon.
Les Quatre Etapes de la foi (Minobu ; 10e j. du 4e mois de 1277 (  ? ) à Toki Jonin).

Plus tard, à l'époque de l'empereur retiré Go-Toba, à l'ère Kennin [1201-1204], deux hommes apparurent, Honen et Dainichi, qui eurent l'arrogance de se croire plus sages que tous les autres. Leurs corps étaient possédés par les esprits maléfiques, et ils allèrent dans tout le pays égarer les hommes de haute comme de basse condition, jusqu'à ce que tout le monde pratique le Nembutsu ou rejoigne en toute hâte l'école Zen. Ceux qui continuaient à respecter l'école du Mont Hiei furent de plus en plus rares et de moins en moins fervents, et dans tout le pays, les moines éminents de l'école du Sutra du Lotus et les enseignements Shingon furent ignorés et rejetés.
Genèse du Rissho Ankoku Ron (Kamakura, le 5 avril 1268, à Hokan-bo)

[...] Les Grands maîtres Kukai*, fondateur de l’école Shingon au Japon, et Ennin*, troisième Grand-patriarche du Enryaku-ji sur le Mont Hiei, ont dénaturé l’enseignement correct du Grand-maître Saicho, qui était le plus grand sage du Japon. Car, dans la comparaison entre de Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* la supériorité du premier était pour eux trop embarrassante. Les temples du Mont Hiei ont depuis lors pris parti pour la fourberie d'Ennin*, tandis que le temple Jigo-ji à Takao et les sept grands temples de Nara ont tous suivis le faux enseignement de Kukai. Durant 400 longues années, les empereurs et leurs ministres ont vénéré ces mauvais maîtres et le peuple croyait en leurs enseignements mensongers.
Réponse à Gonin
(Minobu, le 26 décembre 1275)

Moi [Nichiren], je suis arrivé à la conclusion, après avoir ré-examiné cet incident, que le camp de la cour impériale a perdu la guerre parce qu’ils ont adressé des prières selon les principes de l’école Shingon qui sont erronés, mensongers et déviés. Même s’il n’y avait eu qu’une personne pour offrir une prière à une loi aussi peu fiable, cette prière pourrait causer un tel désastre que même une nation pourrait être ruinée – à plus forte raison quand le dirigeant adresse des prières, à l’unisson avec 300 moines, au Dharma de l’école Shingon qui considère le Sutra du Lotus comme son plus grand ennemi ! C’était une conséquence inévitable que le camp de la cour impériale ait été battu. [...] Les années passant, les enseignements erronés de l’école Shingon qui ont causé la catastrophe, se sont progressivement répandus dans la région de Kanto, où les moines du Shingon, devenus des administrateurs de grands temples, ont commencé à propager leur enseignements erronés. Dans cette région, la plupart des gens qui sont issus de samouraïs rustres n’ont ni la connaissance, ni la capacité pour comprendre la différence entre enseignements véritables et enseignements faux, mais ils croient simplement que les Trois trésors, - le Bouddha, le Dharma et le Sangha, devraient être respectés. Ainsi, ils sont devenus naïvement des fidèles de l’école Shingon. [...] Comme le temps passait, la région de Kamakura fut à nouveau sur le point d’être envahie par une puissance étrangère à cause des enseignements erronés de l’école Shingon. Le gouvernement shogunal de Kamakura exerçait sa juridiction, non seulement sur l’ensemble des régions de Kanto, mais il avait aussi pris le cotrôlle du temple Enryaku-ji au Mont Hiei, du temple To-ji à Kyoto, du temple Onjo-ji dans la préfecture de Shiga, et des sept temples principaux de Nara. En conséquence, le dirigeant du gouvernement shogunal de Kamakura, avec sa famille et tous les dignitaires et moines supérieurs de ces temples, sont devenus des fidèles de l’école Shingon, tout juste comme l’ex-empereur Go-Toba, qui était exilé dans l’île d’Oki, avait été un fidèle de l’école Shingon.
La chute des Heike et la guerre civile de la période de Jokyu sont la preuve que la croyance en la fausse loi de l’école Shingon a mené [son adepte] à sa perte.
Honzonmondosho ( Minobu,  septembre 1278 à Joken-bo)

Sous le règne du cinquantième souverain, l'empereur Kammu, vécut un jeune moine du nom de Saicho, que l'on connaîtrait ensuite sous le nom de Grand-maître Dengyo. Avant de se rendre en Chine, il passa quinze ans à étudier seul les écrits et les commentaires des écoles Shingon et Tendai. Puis, le septième mois de la vingt-troisième année de l'ère Enryaku (804), il fit voile vers la Chine. Il revint au Japon au cours du sixième mois de l'année suivante, et, dès lors, enseigna, à plusieurs douzaines de moines érudits des sept temples principaux de Nara, les doctrines des écoles Tendai et Shingon. Quatre cents ans se sont écoulés depuis lors.
Le choix en fonction du temps (Minobu, 10 juin 1275 ; adressé à Yui)

De même, le Grand-maître Saicho reçut, de ses maîtres Dao-sui et Xing-man, les principes de la méditation shikan, et les grands préceptes de l'Éveil parfait. Cela fait de lui un juste. Mais, avant même d'aller en Chine, alors qu'il était encore au Japon, il avait déjà compris et maîtrisé tous les principes du Shingon et de shikan sans l'aide d'aucun maître et il avait compris que la sagesse de l'école Tendai surpassait celle des Six et Sept Écoles.
Lettre à Myomitsu Shonin (Minobu, le 5ème jour du 3ème mois intercalaire 1276 à Myomitsu)

Venons-en maintenant à l'école Shingon. Elle fut introduite [en Chine] par Shubhakarasimha* sous le règne du 44e souverain, l'impératrice Gensho. Il amena le Sutra Vairocana* au Japon mais retourna en Chine sans le propager. Gembo rapporta de Chine le Dainichikyo Gishaku (Commentaire sur la signification du Sutra Vairocana) en quatorze volumes et le précepteur Tokusei, du Todai-ji, fit de même.
Le Grand-maître Saicho étudia ces ouvrages mais il eut des doutes sur leur évaluation des mérites relatifs du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana*. C'est pourquoi, le septième mois de la vingt-troisième année de l'ère Enryaku (804), il se rendit en Chine ; il y rencontra les moines Daosui du temple Xi-ming-si et Xingman, du temple Fo-long-si, et reçut les enseignements shikan ainsi que les grands préceptes pour l'Éveil parfait et immédiat. Il rencontra également le moine Shun-xiao, du temple Ling-gang-si, et étudia sous sa direction le Shingon. Il revint au Japon le sixième mois de la vingt-quatrième année de l'ère Enryaku (805). L'empereur Kammu lui accorda une audience et fit publier un décret recommandant aux étudiants des Six écoles la pratique de shikan [la méditation du Tiantai ] et de shingon [la récitation de mantra dharani* ésotériques], et incitant à les adopter dans les sept temples principaux de Nara.
Il y avait en Chine plusieurs théories sur la supériorité relative de ces deux enseignements, shikan et shingon. De plus, le Dainichikyo Gishaku affirme que, bien qu'ils soient équivalents en théorie, le shingon est supérieur en terme de pratique.
Le Grand-maître Saicho, cependant, réalisa qu'il s'agissait là d'une erreur de la part de Shubhakarasimha*, et comprit que le Sutra Vairocana* était inférieur au Sutra du Lotus. C'est pourquoi il renonça à établir une huitième école fondée sur les enseignements shingon et préféra les incorporer aux enseignements de la septième école du Japon, l'école Hokke, après leur avoir retiré le nom de Shingon-shu. Il déclara que le Sutra Vairocana* devait être considéré comme un sutra supplémentaire de l'école Hokke-Tendai, et le situa au même niveau que les sutras Kegon*, Daibon hannya (note) et Nirvana. Mais la question de savoir s'il fallait ou non établir un kaidan pour l'ordination selon les préceptes menant à l'Éveil parfait et immédiat, élément d'une grande importance pour le Mahayana, suscitait à l'époque de vives polémiques au Japon. C'est peut-être pour cela que le Grand-maître Saicho ne laissa pas à ses disciples d'instructions claires quant à la supériorité relative des enseignements Shingon et Tendai.
Pourtant, dans un ouvrage intitulé Ebyo Shu, il établit clairement que l'école Shingon avait volé les principes corrects de l'école Hokke-Tendai pour les incorporer à sa propre interprétation du Sutra Vairocana*, afin de déclarer les deux écoles équivalentes au niveau théorique. En réalité, l'école Shingon avait donc été vaincue par l'école Hokke-Tendai.
[...] C'est encore plus évident si nous considérons que] après la mort de Shubhakarasimha* et de Vajrabodhi*, le Savant-maître [de l'école Shingon] Amoghavajra* se rendit en Inde où il rencontra le bodhisattva Nagabodhi. Nagabodhi lui apprit qu'il n'existait pas en Inde de commentaires ou de traités énonçant clairement la volonté du Bouddha, mais qu'il se trouvait en Chine un traité, oeuvre d'un nommé Zhiyi, qui permettait à tous de distinguer clairement les enseignements corrects de ceux qui ne l'étaient pas, et de saisir la différence entre doctrines complètes et incomplètes. Sa voix, lorsqu'il lui dit cela, était pleine d'admiration et il lui demanda instamment qu'un exemplaire de cet ouvrage fut envoyé en Inde.
Cette histoire fut rapportée au Grand-maître par Hanguang, disciple d'Amoghavajra*, et elle est relatée par Zhanlan à la fin du dixième volume du Hokke Mongu Ki*, ainsi que dans le Ebyo Shu du Grand-maître Saicho. De ce passage, il ressort clairement que le Grand-maître Saicho estimait le Sutra Vairocana* inférieur au Sutra du Lotus.
Il apparaît donc que le Bouddha Shakyamuni, ainsi que les Grands-maîtres Zhiyi, Zhanlan et Saicho sont unanimes pour considérer le Sutra du Lotus comme le plus élevé de tous les sutras y compris le Sutra Vairocana*. De plus, si l'on étudie attentivement le Daichido Ron* , il devient évident que son auteur, le bodhisattva Nagarjuna, considéré comme le fondateur de l'école Shingon, était du même avis. Mais malheureusement, le Bodaishin Ron, ouvrage d'Amoghavajra*, est pétri d'erreurs et a égaré tous ceux qui l'ont lu, provoquant la confusion qui règne actuellement.
Nous arrivons à présent à un disciple de l'administrateur des moines Gonso, du temple d'Iwabuchi, du nom de Kukai*, et qui fut connu plus tard sous le nom de Kobo Daishi [Grand-maître Kobo]. Le douzième jour du cinquième mois de la vingt-troisième année de l'ère Enryaku (804), il partit pour la Chine. A son arrivée, il fit la connaissance du moine Huiguo, dont le maître appartenait à la troisième génération de la lignée Shingon, commencée par Shubhakarasimha* et Vajrabodhi*. De Huigo, il reçut la transmission des deux mandalas du Shingon. Il rentra au Japon le vingt-deuxième jour du dixième mois de la deuxième année de l'ère de Daido (807).
Cela se passait sous le règne de l'empereur Heizei, l'empereur Kammu étant depuis peu décédé. Kukai* obtint une audience de l'empereur qui lui accorda une grande confiance et se mit à suivre ses enseignements, les considérant supérieurs à tous les autres. Peu de temps après (809), l'empereur Heizei céda le trône à l'empereur Saga, dont Kukai obtint également les faveurs.
Le Grand-maître Saicho décéda le quatrième jour du sixième mois de la treizième année de Konin (822), sous le règne de l'empereur Saga. A partir de la quatorzième année de la même ère (823), Kukai* prodigua officiellement ses enseignements au souverain. Il établit l'école Shingon et la direction du temple To-ji lui fut confiée ; on l'appela désormais "le moine du Shingon". C'est ainsi que fut fondée l'école Shingon, huitième école bouddhique du Japon.
Voici comment Kukai* évaluait les mérites respectifs des enseignements exposés par le Bouddha Shakyamuni de son vivant : "Le Sutra Vairocana* de l'école Shingon vient en premier, le Sutra Kegon* en deuxième, et la troisième place revient au Sutra du Lotus et au Sutra du Nirvana.
"Comparé aux sutras Agama*, Hodo* et Hannya*, le Sutra du Lotus est un sutra véridique mais, comparé aux sutras Kegon* et Vairocana*, il n'offre que des théories puériles.
"Le vénérable Shakyamuni fut un bouddha, mais en comparaison avec le bouddha Vairocana*, il est encore au stade de l'obscurité (réf.). Il y a entre eux autant de différence qu'entre un empereur et un barbare en captivité.
"Le Grand-maître Zhiyi est un voleur. Il s'est approprié le beurre clarifié du Shingon en affirmant que le Sutra du Lotus était le ghee [de tous les enseignements bouddhiques]."
Voilà ce qu'écrivait Kukai*. En entendant de tels propos, les gens, même ceux qui avaient cru auparavant que le Sutra du Lotus était le plus élevé des sutras, se mirent à le considérer comme sans valeur.
Laissons de côté, pour l'instant, les enseignements non bouddhiques exposés [par les brahmanes] en Inde. Mais les déclarations de Kukai* sont certainement encore plus fausses que les théories des moines du nord et du sud de la Chine, qui prétendaient que, comparé au Sutra du Nirvana, le Sutra du Lotus était erroné. Elles sont plus outrancières que les assertions des adeptes du Kegon affirmant que, comparé au Sutra Kegon*, le Sutra du Lotus représente les "branches". Cela rappelle le Brahmane-Grand-Arrogance qui, en Inde, s'était fait construire une chaire dont les quatre pieds étaient sculptés à l'image des divinités Maheshvara, Narayana, Vishnu, et du Bouddha Shakyamuni, et qui, juché sur cette chaire, prêchait des doctrines erronées.
Si seulement le Grand-maître Saicho avait encore été en vie, il aurait certainement réfuté ces erreurs. Mais d'où vient que ses disciples Gishin*, Encho*, Ennin* et Enchin* n'aient jamais remis en question la doctrine de Kukai*  ? Ce fut là un grand malheur pour le monde ! Ennin* se rendit en Chine au cours de la cinquième année de l'ère de Jowa (838) et y passa dix ans à étudier la doctrine des écoles Tiantai et Shingon. Pour ce qui est des mérites relatifs du Sutra du Lotus et du Sutra Vairocana*, Faxian, Yuanzheng et d'autres encore, huit maîtres Shingon au total, lui enseignèrent que le Sutra du Lotus et le Sutra Sutra Vairocana* étaient équivalents d'un point de vue théorique mais que le second était supérieur du point de vue de la pratique. Il étudia aussi sous la direction de Zhiyuan, Guanxiu et Wei-Juan, de l'école Tiantai, et de ceux-ci il apprit que le Sutra Vairocana* entrait dans la catégorie des sutras Hodo* (inférieurs au Sutra du Lotus).
Le dixième jour du neuvième mois de la treizième année de l'ère de Towa (846), il rentra au Japon, et le quatorzième jour du sixième mois de la première année de l'ère de Kajo (848), il fut officiellement autorisé à conduire des cérémonies d'ordination selon les rites de l'école Shingon, comme il l'avait demandé. Peut-être parce que, au cours de ses études en Chine, il n'avait pas compris l'importance du Sutra du Lotus par rapport au Sutra Vairocana*, il entreprit d'écrire un commentaire en sept volumes du Sutra Kongocho*, ainsi qu'un commentaire en sept volumes du SutraSoshitsuji*, quatorze volumes au total. Le point central de ces commentaires est que la doctrine exposée dans les sutras Vairocana*, Sutra Kongocho* et Soshitsuji*, et celle qui est énoncée dans le Sutra du Lotus, révèlent en définitive le même principe, mais que, grâce au rituel des mudra et des mantra dharani* associé aux trois sutra du Shingon, ceux-ci doivent être considérés comme supérieurs au Sutra du Lotus.
Cette position était totalement en accord avec l'opinion exprimée par Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra* dans leurs commentaires du Sutra Vairocana* Vajrabodhi* et Amoghavajra* souscrivirent également aux opinions de Shubhakarasimha* telles qu'elles sont exprimées dans ce traité." (note) Est-ce parce qu'un doute persistait encore dans l'esprit d'Ennin*, ou parce que, n'ayant plus de doutes lui-même, il souhaitait éliminer ceux des autres  ? Quoi qu'il en soit, il plaça ses quatorze volumes de commentaires devant l'objet de culte du temple où il résidait et formula la prière suivante : "J'ai écrit ces traités mais la véritable intention du Bouddha est très difficile à saisir. Le Sutra Vairocana*, les deux autres sutras du Shingon qui lui sont associés sont-ils supérieurs  ? Ou, au contraire, le Sutra du Lotus et les deux autres sutras qui lui sont associés (note) doivent-ils être placés à un rang plus élevé  ? "
Au cinquième jour de prières ferventes et sincères, à l'heure de la cinquième veille, un signe lui apparut soudain en rêve. Dans le ciel bleu, le soleil brillait. Il prenait un arc et lançait une flèche qui transperçait le soleil. L'astre se mettait à tomber, et au moment où il allait presque s'écraser sur la terre, Ennin* se réveilla.
Transporté de joie, il s'exclama : "J'ai fait un rêve de très bon augure. Ces écrits, dans lesquels j'ai affirmé que les enseignements du Shingon sont supérieurs au Sutra du Lotus correspondent bien à la volonté du Bouddha ! " Il obtint qu'un décret impérial soit promulgué et il répandit cet enseignement dans tout le Japon.
Mais l'édit qui fut rendu public à sa demande déclare en réalité : "Il a été finalement établi que les principes de méditation [shikan] de l'école Tendai et la doctrine du Shingon s'harmonisent parfaitement en théorie." Ennin* avait prié pour avoir la confirmation que le Sutra du Lotusétait inférieur au Sutra Vairocana* mais l'édit qui fut publié proclamait au contraire que le Sutra du Lotus et le Sutra Vairocana* étaient du même niveau ! Le Grand-maître Enchin* fut, au Japon, [dans sa jeunesse] le disciple du moine Gishin*, d'Encho*, de l'administrateur Kojo* et de Ennin*. Il étudia ainsi toutes les doctrines, exotériques aussi bien qu'ésotériques, enseignées à son époque au Japon. Toutefois, peut-être parce qu'il avait encore des doutes quant à la supériorité relative des écoles Tendai et Shingon, il se rendit en Chine. Il y arriva dans la deuxième année de l'ère Ninju (852), et y suivit l'enseignement des moines du Shingon, Faxian et Yuanzheng. Leurs enseignements s'accordaient dans l'ensemble avec l'opinion de Ennin*, c'est-à-dire que le Sutra Vairocana* et le Sutra du Lotus sont équivalents en théorie, mais que le second est supérieur du point de vue de la pratique. Enchin* étudia également sous la direction du moine Liangxu de l'école Tiantai, qui lui enseigna que, si l'on compare les mérites respectifs des écoles Shingon et Tian-ai, il apparaît que le Sutra Vairocana* [de l'école Shingon] est bien inférieur au Sutra Kegon* et au Sutra du Lotus.
Après avoir passé sept ans en Chine, Enchin* revint au Japon le dix-septième jour du cinquième mois de la première année de l'ère Jogan (859) (note).
[...] Dans son commentaire du Sutra Vairocana*, le Dainichikyo Shiiki, Enchin* déclare : "Le Sutra du Lotus lui-même ne soutient pas la comparaison [avec le Sutra Vairocana*], et les autres sutras encore moins." Autrement dit, il prétend dans cet écrit que le Sutra du Lotus est inférieur au Sutra Vairocana*. Par ailleurs, dans un autre traité, le Juketsu Shu, il déclare : "Les doctrines [des écoles] Shingon et Zen... peuvent tout au plus servir d'introduction aux sutras Kegon*, Lotus et Nirvana." Et il reprend cette affirmation dans ses traités Fugenkyo Ki et Hokke Ron Ki.
[...] Le vingt-neuvième jour - sous le signe cyclique mizunoe-saru - du quatrième mois de la huitième année de l'ère Jogan, c'est-à-dire l'année hinoe-inu (866), un édit impérial fut promulgué, déclarant : "Il appert que les doctrines des deux écoles, Shingon aussi bien que Tendai, méritent toutes deux l'appellation de ghee du bouddhisme, et méritent également d'être qualifiées d'ésotériques et de profondes."
De nouveau, au troisième jour du sixième mois [de la même année], un édit proclama : "Depuis que, par le passé, le Grand-maître Saicho a établi les deux disciplines (note) comme la voie correcte de l'école Tendai, les patriarches successifs de cette école les ont reçues et transmises toutes deux, de génération en génération. Pourquoi leurs disciples, par la suite, devraient-ils s'écarter de cette ancienne tradition  ? [...] "Pourtant, nous apprenons que les moines du Mont Hiei ne cessent de s'opposer aux enseignements de leur patriarche Saicho pour suivre des interprétations personnelles erronées. Ils semblent se consacrer presque exclusivement à la propagation des doctrines d'autres écoles, sans garder ni transmettre les traditions de l'école Tendai. Si les disciples veulent suivre la voie héritée du maître, ils ne peuvent ignorer aucune des deux pratiques [de shikan et de shingon]. Si l'on désire transmettre et propager la doctrine, ne doit-on pas maîtriser ces deux formes d'enseignements  ? Désormais, la fonction de Grand-patriarche du temple Enrakyu-ji [de l'école Tendai] ne sera confiée qu'à une personne les ayant parfaitement comprises toutes deux et il en ira toujours de même à l'avenir."
[...] [Comme nous l'avons vu] Ennin* et Enchin* furent tous deux les disciples de Saicho et de Gishin*. De plus, ils se rendirent en Chine et y rencontrèrent des maîtres éminents du Tiantai et du Shingon. Mais peut-être avaient-ils des doutes concernant les mérites relatifs de ces deux écoles. Tantôt, ils déclaraient le Shingon supérieur, tantot le Sutra du Lotus ; parfois encore, ils les disaient équivalents en théorie, bien que le Shingon soit supérieur en pratique. C'est alors qu'un édit proclama que quiconque débattrait des mérites comparés de ces deux écoles se rendrait coupable de désobéissance aux ordres impériaux.
Les déclarations de Ennin* et Enchin* étaient de toute évidence contradictoires et les adeptes des autres écoles ne leur accordaient pas la moindre confiance. Pourtant, l'édit impérial établissait que les deux écoles étaient équivalentes, prétendant que c'était là l'opinion du patriarche fondateur [de l'école Tendai], le Grand-maître Saicho. Mais dans lequel de ses écrits trouve-t-on une telle affirmation  ? C'est là un point qu'il faut examiner avec le plus grand soin.
Traité sur la dette de reconnaissance (Minobu, le 21 juillet 1276, à Joken-bo et Gijo-bo)

Lorsque la guerre civile éclata entre Minamoto no Yorimoto, et Taira no Kiyomori, plus de vingt membres du clan de Kiyomori signèrent un pacte sur lequel ils apposèrent leur sceau. Ils jurèrent : "Nous considérerons Enrakyu-ji comme le temple de notre clan. Nous révèrerons les trois mille moines comme nos propres parents. Les joies et les peines de ce temple seront nos joies et nos peines." Ils firent une donation au temple des vingt-quatre districts de la province d'Omi. Ensuite, Myoun et ses disciples employèrent tous les rites ésotériques de l'école Shingon dans leurs prières pour vaincre l'ennemi, et ordonnèrent même à leurs moines armés de lancer des flèches sur les soldats de Minamoto. Pourtant, Minamoto no Yoshinaka et un de ses vassaux, Higuchi, accompagnés de seulement cinq ou six hommes, escaladèrent le Mont Hiei pour faire irruption dans le hall principal. Ils arrachèrent Myoun de l'autel où il priait pour la victoire, le ligotèrent avec une corde, le firent rouler comme une grosse pierre jusqu'au bas de flanc ouest de la montagne pour, finalement, lui couper la tête. Les Japonais ne se détournent pourtant pas de l'école Shingon, et ne se sont même jamais demandé pourquoi leurs prières ne sont pas exaucées.
[...] Pendant le cinquième, sixième et septième mois de la troisième année de Jokyu (1221), la cour impériale de Kyoto mena la guerre contre le régime de Kamakura. A ce moment-là, les temples Enrakyu-ji, To-ji, Onjo-ji et les sept grands temples de Nara utilisèrent les rites les plus ésotériques du Shingon dans leurs prières aux divinités Tensho Daijin*, Hachiman et Sanno. Quarante et un moines, parmi les plus renommés, y compris l'ancien supérieur Jien de l'école Tendai, les révérends du To-ji et du Ninna-ji, ainsi que Jojuin du temple Onjo-ji, prièrent sans cesse pour la défaite de Hojo Yoshitoki. Le deuxième fils de l'empereur Go-Toba entama aussi des prières dans la salle des cérémonies d'Etat, le huitième jour du sixième mois. La cour impériale annonça qu'elle serait victorieuse avant huit jours. Mais le septième jour et le quatorzième jour du sixième mois, la bataille se solda par une défaite, et le deuxième fils mourut de chagrin parce que son page bien-aimé, Setaka, avait été décapité. Et pourtant, malgré tout cela, personne ne s'est jamais demandé ce qu'il y avait de faux dans les doctrines Shingon. Les deux cérémonies religieuses qui comprenaient tous les rites ésotériques du Shingon - la première conduite par Myoun, la seconde par Jien - entraînèrent la ruine complète de la cour impériale japonaise. Et voilà que, pour la troisième fois, on prévoit une cérémonie religieuse de ce type pour repousser l'invasion mongole. Le régime actuel subira certainement le même sort, mais vous devez garder ceci strictement pour vous.
Les Huit Vents (Minobu, 1277 à Shijo Kingo)

L'empereur Antoku, quatre-vingt-unième souverain sous forme humaine, ordonna à plusieurs centaines de maîtres du Shingon, parmi lesquels le Grand-patriarche du Tendai, Myoun, d'offrir des prières pour soumettre Minamoto no Yoritomo. Mais, comme le dit le Sutra, leurs malédictions "se retournèrent contre ceux qui les avaient lancées."(réf.) Myoun fut décapité par Yoshinaka et l'empereur Antoku périt noyé dans la mer de l'Ouest.
[...] A propos de cet enseignement extrêmement nuisible [le Shingon] : les trois grands maîtres - Kukai, Ennin* et Enchin* - ont contredit les paroles d'or de Shakyamuni qui désignent le Sutra du Lotus comme le sutra le plus élevé. Ils ont développé une théorie erronée consistant à dire que le Sutra du Lotus ne se place qu'au deuxième ou troisième rang, tandis que le Sutra Vairocana* est le plus élevé. En prêtant foi à ces conceptions erronées, les empereurs détruisirent le pays en même temps qu'eux-mêmes en cette vie-ci, et se condamnèrent aux souffrances incessantes de l'enfer dans la suivante.
[...] Avec ces prières [contre les Mongols, prévues prochainement], ce sera la troisième fois qu'il sera fait appel aux rituels du Shingon. Parmi mes disciples, ceux qui sont morts en voient sans doute déjà le résultat avec l'œil du Bouddha.
La conversion d'un père (Minobu en 1277 à Ikegami Hyoe-no-sakan Munenaga)

Question : L’objet de culte dans l’école Shingon est Mahavairocana (Dainichi) et celui de l’école Jodo est le bouddha Amida. L’objet de culte de l’école Zen est le Bouddha qui a atteint l’Éveil sous l’arbre bodhi, nommément le Bouddha Shakyamuni. Toutes ces écoles et groupes montrent l’image de Bouddha comme leur objet de culte, mais pourquoi est-ce que l’école Hokke est la seule qui a le Sutra du Lotus comme son objet de culte  ? Réponse : D’autres écoles montrent la statue du Bouddha comme leur objet de culte, mais l’école Hokke a sa propres raisons significatives de vénérer le Sutra du Lotus comme son objet sacré.
Question : Kukai* est originaire de l’île de Shiko. Il fut disciple du maître Gonso, un savant et un moine du temple Iwabuchi, dans la préfecture de Nara. Kukai* acquit une connaissance approfondie de six écoles, dont Sanron et Hosso. En mai 804, Kukai*, conformément aux ordres de l’empereur Kammu, partit en Chine (note) puis, selon les instructions de l’empereur Junso, il entra au temple Qing-lung où il étudia les enseignements du Shingon auprès de Maître Huiguo. On dit que Maître Huiguo était le moine de la septième génération après le bouddha Vairocana*.(note) Bien que les moines aient changé, les enseignements du Shingon ont été transmis de génération en génération comme on verse de l’eau d’un récipient dans une autre. Bien que le récipient soit différent, l’eau qui a été transmise de Vairocana à Vajrasattva, Nagabodhi, Vajrabodhi, Amoghavajra*, Maître Huiguo et à Kukai* est la même. Après avoir terminé ses études avec Huiguo, Kukai* traversa la vaste étendue d’eaux et retourna au Japon. Par la suite, Kukai* enseigna les enseignements de l’école Shingon à trois empereurs, Heijo, Saga, et Junna. Le 19 janvier 823, Kukai* reçut l’autorisation de l’Empereur de bâtir le temple To-ji, à Kyoto, et il commença alors à diffuser les enseignements du Shingon autour de la région du Kansai, puis au Japon central, dans les îles de Tsukushi [Kyushu], Shikoku, Iki et Tsushima, et finalement, à travers tout le pays. On peut dire que ceux qui ont fait le pèlerinage dans toutes les parties du Japon, en sonnant une cloche sur un poteau de l’école Shingon, étaient tous, sans exception, des disciples de Kukai*.
En 821, Ennin* voyagea en Chine et, pendant le règne de l’empereur Esho, [Li Ang   ? ] de Chine ; il acquit la connaissance approfondie des enseignements ésotériques et exotériques sous la direction de plusieurs patriarches vertueux de l’école Tendai et de l’école Shingon Hozen, Xuanzang, Gishin*, Hogetsu, Shuei et Shion. Ennin* devint le neuvième patriarche de l’école Shingon. Après être retourné au Japon, il devint un des enseignants de l’empereur Nimmyo. Durant les périodes de Ninju et Saiko (851-857), il rédigea deux commentaires : sur le Sutra Kongo et sur le Sutra Soshitsuji. Ennin* fonda le temple Soji-in (école Tendai) au Mont Hiei et devint son troisième patriarche. C’est le moment où l’enseignement du Shingon se mélangea à l'enseignement de l’école Tendai. (note)
[...] Pendant ce temps, le bouddhisme se propagea peu à peu, ce qui provoqua des controverses entre Hinayanistes et Mahayanistes, et entre enseignements provisoires (gonkyo) et définitif (jikkyo). Mais, en réalité, il n’y avait pas de grandes différences entre eux. Six cents ans après que le bouddhisme fut introduit en Chine, sous le règne de l’empereur Genso, trois Maîtres, Shubhakarasimha*, Vajrabodhi* et Amoghavajra*, vinrent d’Inde et fondèrent l’école Shingon. En conséquence, les écoles Kegon et Hokke [celle du Sutra du Lotus] devinrent extrêmement impopulaires. Depuis les empereurs jusqu’au peuple en général, chacun avait l’impression que l’enseignement Shingon et le Sutra du Lotus étaient aussi différents que la lumière et l’obscurité. A l'ère Wado (708-715) naquit Zhanlan [711-782]. Bien qu’il ait considéré que le Sutra du Lotus était supérieur au sutras de l’école Shingon, il considéra aussi qu’il n’était pas besoin d’en faire état. Par conséquent, les gens furent dans l’impossibilité de savoir quelle école était supérieure, l’école Hokke ou l’école Shingon.
[...] Le Grand-maître Saicho reçut également, du moine Shunxiao, l’initiation ésotérique de l’école Shingon. Après être retourné au Japon, le Grand-maître Saicho ne propagea pas les enseignements de l’école Shingon. A la place, il rechercha les enseignements du Sutra Vairocana* et du Sutra du Lotus pour déterminer quel sutra était supérieur. Il s’était aperçu, en effet, que les savants chinois ne lui fourniraient pas la réponse. Le Grand-maître Saicho en vint à la conclusion que le Sutra Vairocana* de l’école Shingon était inférieur au Sutra du Lotus, et aussi que certaines idées de l’école Tendai étaient incorporées dans le Commentaire sur le Sutra Vairocana*, en particulier, par Yixing.
[...] Si les Grands maîtres Ennin* et Enchin* n’avaient pas donné beaucoup d’importance aux enseignements des sutras Shingon, et si le Grand-maître Kukai* s’était abstenu de les diffuser au Mont Hiei et au temple Onjo-ji, on aurait pu éviter que son jugement erroné se répande dans tout le Japon. Les Grands maîtres Ennin* et Enchin* ne reconnaissaient pas les sutras de l’école Kegon comme supérieurs au Sutra du Lotus. Cependant, ils apportèrent leur soutien à l’affirmation du Grand-maître Kukai* selon laquelle le Sutra Vairocana* de l’école Shingon était supérieur au Sutra du Lotus, bien qu’ils appartinssent à l’école Tendai. Ainsi, sans le savoir, ils devinrent l’ennemi du Grand-maître Saicho qui avait fondé l’école Tendai au Japon.
[...] Pendant 400 ans, de cette époque à ce jour, les Japonais ont ainsi décidé que le Sutra Vairocana* de l’école Shingon est supérieur au Sutra du Lotus. Cette impression a prévalu pendant 400 ans et continue aujourd’hui. Même s’il y avait quelqu’un qui estimait que le Sutra du Lotus surpasse les sutras de l’école Tendai, il ne pourrait pas le reconnaître, par peur de représailles des puissants et influents moines du Mont Hiei et du temple Ninna-ji. Même si, par hasard, quelqu’un soutenait que le Sutra du Lotus et le sutra de l’école Shingon sont au même niveau, il serait humilié et ridiculisé par les gens de l’école Shingon. Ces derniers contreraient cette affirmation en déclarant que c'est "une erreur indéniable" et l’ignoreraient complètement. Pour ces raisons, tous les temples au Japon, dont le nombre se monte à des centaines de milliers, devinrent affiliés à l’école Shingon. Même s’il y avait un temple où les enseignements de l’école Shingon et ceux du Sutra du Lotus étaient exposés, les premiers recevraient la priorité sur les seconds. Personne n’exposera les enseignements du Sutra du Lotus parce que tous les moines supérieurs des temples du Japon, aussi bien que le supérieur du Mont Hiei, sont membres de l’école Shingon. Comme tous les gens de haute classe appartiennent à l’école Shingon, les gens de basse classe qui ont tendance à suivre les pas des gens de haute classe, sans exception naturellement, sont devenus des fidèles de l’école Shingon. Les Japonais peuvent bien lire avec leurs lèvres que le Sutra du Lotus est le premier, mais, dans leur esprit, il occupe la seconde ou la troisième place et ils l’exprimeront ainsi par les mots et par leurs corps.
[...] L’école Shingon, non seulement s’est éloignée de la vérité, mais leurs [ses] voix ont été extrêmement injustes. Ils ont caché profondément leurs racines, de sorte que ceux qui ont une intelligence superficielle ne pouvaient pas les distinguer. Ils ont trompé les gens pendant longtemps. Tout d’abord, il n’y a pas d’école Shingon en Inde, mais l’école Shingon du Japon prétend qu’il y en a une dans ce pays. Où est la preuve   ? Le Sutra Vairocana*, qui est le sutra cardinal pour l’école Shingon, est venu de l’extérieur ici au Japon. En comparaison avec le Sutra Vairocana*, le Sutra du Lotus l’emporte sur le Sutra Vairocana* sur sept points. Comme les preuves se trouvent dans les deux sutras, je ne vais pas en faire un commentaire. L’école Shingon prétend que le Sutra Vairocana* est supérieur au Sutra du Lotus par deux ou trois facteurs. Cependant c’est une idée absurde et erronée.
[...] Dans l’espoir de prendre une revanche sur le gouvernement shogunal de Kamakura, le camp de la cour impériale s’était concentré sur un rite de prière conduit par Jien, moine supérieur de l’école Tendai, par un moine supérieur de l’école Shingon, par le supérieur du temple Ninna-ji (note) et par le supérieur du temple Onjo-ji, avec une grande assistance de moines de grande vertu venus des 15 grands temples de Nara. Ce rite, basé sur les quinze méthodes ou pratiques ésotériques, instaurées comme la Grande Loi du Shingon par les Grands maîtres Kukai*, Ennin* et Enchin*, fut accompli du 15 mai au 14 juin. En plus de ce rite, une autre session de prières, basée sur la grande prière ésotérique de l’école Shingon, qui n’avait été exécutée qu’en trois occasions au Japon, fut conduite par le prince impérial, dajo, (note) le supérieur du temple Ninna-ji, à partir du 8 juin, dans le Hall des Cérémonies d’Etat (Shishinden). En dépit de la tenue de telles sessions de prières, les forces du bakufu de Kamakura attaquèrent Kyoto le 14 juin et capturèrent les trois ex-empereurs, qui furent exilés dans différentes îles, et décapitèrent les sept subordonnés. Les soldats du bakufu mirent le feu au Palais impérial et le brûlèrent. Ce ne fut pas tout. Ils capturèrent Setaka, le fils bien-aimé du Prince impérial, qui vivait dans le temple Ninna-ji, et le décapitèrent. Ils tuèrent aussi sa mère, avec beaucoup d’autres gens qui croyaient en les enseignements de l’école Shingon. (note)
Les prières secrètes de l’école Shingon étaient les suivantes : 1) Ichiji Konrin ho (dharani du cercle d'or). Un culte à ce mandala est rendu pour empêcher l’empoisonnement, éviter les mauvais esprits et écarter les désastres.
2) Shitenno ho (Les quatre rois du Ciel).
3) Fudomyo ho (L'Inébranlable, Acala).
4) Daiitoku ho (Grande Vertu). (note)
5) Temborin ho (Mise en branle de la Roue du Dharma).
6) Myoirin ho (Roue de la satisfaction des désirs).
7) Aizen-o ho (Rituel dédié à Aizen, le dieu de l’Amour).
8) Butsugen ho (Rite accompli dans le but d’arrêter les calamitiés).
9) Rokuji ho (Nom en six caractères du Bouddha Amida).
10) Kongo Doji ho ( Une déité sous la forme d’un garçon à l’apparence furieuse représenté dans le mandala du Monde de la Matrice*).
11) Sonjoo ho (Rituel dédié à l’Auguste-Etoile-du-Ciel) (note). Ce rituel ésotérique, traditionnellement exécuté au temple Onjo-ji, est dédié à Myoken, déification de la Grande Ourse (hokuto shichisei) – comme prière pour la longévité et l’élimination des catastrophes.
12) Taigen (Rituel exécuté au Palais impérial du 8 au 14 du premier mois dans le but de prier pour la longue vie de l’Empereur et la paix de l’Etat).
13) Le Sutra Shugo (Sutra de la protection du souverain de la nation)
Questions - réponses concernant l’objet de vénération (Minobu,  septembre 1278 à Joken-bo)

Aucune autre doctrine ne surpasse cet enseignement [du Sutra du Lotus], grande lanterne qui illumine la longue nuit des souffrances de la vie et de la mort, épée acérée qui tranche la racine de l'obscurité fondamentale inhérente à la vie. Les enseignements des écoles Shingon et Kegon entrent dans la catégorie de zuitai. Ils sont par conséquent faciles à croire et faciles à comprendre puisque le Bouddha les exposa en tenant compte des capacités ou des désirs des personnes dans les Neuf états, tout comme un père sage instruirait son enfant ignorant [de la manière la mieux adaptée à ses facultés de compréhension]. Par ailleurs, on appelle zuiriki l'enseignement que le Bouddha exposa en puisant directement dans son état de Bouddha, de la même manière qu'un père sage guide son enfant ignorant vers la compréhension à laquelle il est lui-même parvenu.
Comparaison du Sutra du Lotus avec les autres Sutra (Minobu, le 26 mai 1280 à Toki Jonin)

Par la suite, le Grand-maître Zhanlan réfuta les principes introduits par les écoles Hosso, Kegon et [...] Shingon, ce que n'avait évidemment pas pu faire le Grand-maître Zhiyi. Mais ces réfutations ne furent pas prononcées au cours de débats publics, comme ce fut le cas avec le Grand-maître Zhiyi. Ainsi, le Sutra du Lotus devint comparable à une pièce de tissu de soie précieuse portée par une nuit obscure, tandis que les mudraet les mantra dharani*, dont il n'est nulle part question dans le Sutra du Lotus, s'étalaient, bien visibles aux yeux de tous. C'est pourquoi chacun s'accorda à reconnaître la supériorité de l'école Shingon.
[...] Avant de se rendre en Chine, il [Saicho] étudia en profondeur les doctrines des six écoles. De plus, pendant quinze ans, retiré dans la montagne [le Mont Hiei], il compara les doctrines des écoles Tendai et Shingon. Par conséquent, avant même son départ pour la Chine, en s'appuyant sur l'enseignement du Tendai, il parvint à réfuter celui des six premières écoles ; si bien que, reconnaissant leur défaite, les supérieurs des sept temples principaux de Nara devinrent ses disciples. Ainsi, les principes de ces six écoles furent invalidés.
Par la suite, dans la 23e année de l'ère Enryaku [804], Saicho partit en Chine, et il revint au Japon dans la 24e année de la même ère [805]. Il propagea alors au Japon les enseignements du Tendai et du Shingon. Mais s'il semble bien qu'il ait discerné dans son coeur la supériorité des uns par rapport aux autres, il ne s'est pas exprimé publiquement à ce sujet.
[...] Le Grand-maître Saicho eut un disciple du nom d'Ennin*, plus tard connu sous le nom de Grand-maître Jikaku. Ce dernier se rendit en Chine dans la 5e année de l'ère Jowa [838] et revint au Japon dans la 14e année de la même ère [847]. Pendant cette décennie, il étudia à la fois les doctrines du Shingon et du Tendai. Au Japon, il avait étudié en profondeur les doctrines Tendai et Shingon sous la direction des grands maîtres Saicho, Gishin* et Encho*. De plus, durant les dix années de son séjour en Chine, il étudia le Shingon sous la direction de huit maîtres éminents et le Tendai sous la direction de Zongjui, Zhi-yuan et d'autres. De retour au Japon, il déclara que les écoles Tendai et Shingon correspondaient toutes deux à la saveur du ghee, et que les sutras de ces deux écoles étaient également profonds et ésotériques. Cette déclaration fut officialisée par un édit impérial.
[...] Après lui, il y eut Enchin*, connu plus tard sous le nom de Grand-maître Chisho. Avant de se rendre en Chine, il avait été disciple de l'éminent moine Gishin*. Au Japon, il avait étudié les enseignements du Tendai et du Shingon sous la direction de Gishin*, Encho*, Ennin* et d'autres. De plus, il partit pour la Chine dans la 3e année de l'ère Ninka [853], et en revint dans la 1ère année de l'ère Jogan [859]. Au cours des sept années qu'il passa en Chine, il fit une étude approfondie des deux enseignements du Tendai et du Shingon sous la direction d'hommes tels que Faxian et Liang-xu.
[...] Il déclara que les mérites relatifs des écoles Tendai et Shingon lui apparaissaient aussi clairement que dans un miroir mais que, parce que ce point susciterait probablement des polémiques à l'avenir, il désirait résoudre définitivement la question. A son avis, les deux écoles, Tendai et Shingon étaient comparables aux deux yeux d'une personne ou aux deux ailes d'un oiseau. Ceux qui donneraient des interprétations différentes trahiraient l'enseignement du fondateur de la doctrine, le Grand-maître Saicho, et n'auraient plus le droit de résider sur le Mont Hiei. Un nouveau décret impérial fit largement connaître cette position d'Enchin* à travers tout le pays.
[...] Mais je persiste à croire que ces interprétations avancées par Ennin*, Enchin* et d'autres ne correspondent absolument pas au voeu du Bouddha. Lorsqu'on lit les huit volumes et vingt-huit chapitres du Sutra du Lotus, il apparaît que si un autre sutra lui était supérieur, le Sutra du Lotus ne serait plus qu'un rassemblement de bouddha venus des dix directions pour amonceler mensonge sur mensonge. Mais en réalité, lorsque nous étudions attentivement les sutras Kegon*, Nirvana, Hannya*, Vairocana* et Jimmitsu*, nous ne trouvons nulle part le moindre passage contredisant cette claire affirmation du Sutra du Lotus : "parmi tous les sutras, celui-ci est de tous le plus élevé".
[...] C'est pourquoi bien qu' ils aient avancé quantité d' arguments habiles, Shubhakarasimha*, Xuanzang, Kukai, Ennin*, Enchin* et les autres ne purent trouver le moindre passage prouvant la supériorité du Sutra Vairocana sur le Sutra du Lotus. Toute leur argumentation repose seulement sur la présence ou non, dans un sutra, des mudra et des mantra dharani*. Plutôt que de développer leurs théories en cent volumes, de faire d'incessants aller et retours entre la Chine et le Japon, de fomenter d'innombrables intrigues et d'appuyer leur opinion sur l'autorité de décrets impériaux, ils auraient mieux fait de produire un passage clair, une preuve littérale irréfutable, tirée des sutras eux-mêmes. Qui aurait pu alors douter de leurs affirmations
Sous le règne du quarante-quatrième souverain, l'impératrice Gensho, un religieux venu d'Inde introduisit le Sutra Vairocana ; et, à l'époque du quarante-cinquième souverain, l'empereur Shomu, le moine Ganjin, venu de Chine, introduisit l'école Ritsu au Japon. Il apportait aussi avec lui des exemplaires du Hokke Gengi, du Hokke Mongu*, du Maka Shikan, du Jomyo Sho, et d'autres ouvrages de l'enseignement de Zhiyi. Mais il ne propagea pas l'enseignement des écoles Shingon et Hokke.
Le corps et l'esprit des simples mortels (Minobu, à un disciple)

 

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