Lettre de Sado

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol.1, p.33; SG* p. 303.
Gosho Zenshu p. 956 - Sado Gosho (Toki Dono to Gohenji), Teihon 1: 614
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Sado, 20 mars 1272, à Toki Jonin

 

Cette lettre s'adresse à Toki Jonin. Il faudrait également la montrer à Shijo Kingo, Tonotsuji Juro (note), Sajiki no Ama (note), ainsi qu'à mes autres disciples. Ecrivez-moi le nom de ceux qui ont été tués dans les batailles de Kyoto et de Kamakura. Ayez aussi l'obligeance de me faire parvenir, par ceux qui viendront la prochaine fois, le Geten Sho (note)), le deuxième volume du Hokke Mongu* et le quatrième volume du Hokke Gengi, ainsi que le recueil des rapports et édits impériaux.

Rien n'est plus redoutable au monde que la morsure des flammes, l'éclat du sabre et l'ombre de la mort. Même les chevaux et le bétail craignent d'être tués  ; rien d'étonnant à ce que les êtres humains aient peur de la mort. Même un lépreux s'accroche à la vie ; rien d'étonnant à ce qu'une personne bien portante fasse tout pour rester en vie. Le Bouddha enseigna qu'"offrir son petit doigt au Sutra a plus de prix que de couvrir une galaxie entière des sept sortes de joyaux."(réf.) Sessen Doji offrit sa vie, Gyobo Bonji s'arracha la peau. Puisqu'il n'est rien de plus précieux que la vie elle-même, ceux qui consacrent leur vie à la pratique bouddhique deviendront immanquablement bouddha. Ceux qui sont prêts à offrir leur vie pourraient-ils hésiter à sacrifier tout autre trésor au Dharma bouddhique  ? Et celui qui répugne à renoncer à ses biens matériels, comment pourrait-il donner sa vie, tellement plus précieuse ?

Les règles de la société demandent que l'on s'acquitte d'une grande dette de reconnaissance, parfois même au prix de sa propre vie. Nombreux sont les guerriers qui meurent pour leur seigneur, peut-être plus nombreux qu'on ne l'imagine. Un homme mourra pour défendre son honneur, une femme mourra pour un homme. Les poissons tiennent à la vie ; regrettant que leur étang ne soit pas plus profond, ils creusent des trous pour s'y cacher. Mais, leurrés par l'appât, ils mordent à l'hameçon. Les oiseaux dans un arbre évitent les branches basses et se perchent au sommet. Mais, trompés par l'appeau, eux aussi sont pris au filet. Les êtres humains ne sont pas moins vulnérables. Ils donnent leur vie pour des raisons profanes et insignifiantes, mais rarement pour une cause aussi noble que le Dharma bouddhique. Rien d'étonnant à ce qu'ils ne deviennent pas bouddhas.

Le bouddhisme doit se propager selon les méthodes de shoju ou de shakubuku, en fonction du temps. Elles sont comparable à l'emploi de l'écriture ou à celui des armes dans le domaine profane. Les bodhisattvas du passé pratiquèrent le Dharma qui convenait à leur époque. Sessen Doji fit don de son propre corps lorsqu'on lui promit en échange de lui enseigner le Dharma. Et le prince Sattva offrit sa chair et son sang pour accomplir la pratique de bodhisattva. Mais pourquoi sacrifier sa vie à une époque où cela n'est pas nécessaire  ? Quand il n'y a pas de papier, il faut se servir de sa propre peau. Et en l'absence de pinceau, il faut se servir de ses propres os. A une époque où la société accepte le Dharma correct, suit les préceptes et condamne ceux qui les transgressent ou les ignorent, il faut fidèlement les observer tous. A une époque où l'on se sert du confucianisme et du taoïsme pour attaquer le bouddhisme, il faut en débattre avec l'empereur, à l'exemple des maîtres Daoan, Huiyan et Fadao qui le firent au péril même de leur vie. Lorsque les gens confondent totalement les enseignements du Hinayana et du Mahayana, les enseignements provisoires et définitifs, les doctrines ésotériques et exotériques, aussi incapables de faire la différence entre eux que de distinguer les pierres précieuses des cailloux, ou le lait de vache du lait d'ânesse (note), il faut faire une nette distinction entre eux, à l'instar des Grands-maîtres Zhiyi* et Saicho*.

C'est le propre des animaux sauvages que d'intimider le faible et de redouter le fort. Les érudits de notre époque sont exactement comme eux. Ils méprisent un sage sans appui mais craignent des autorités iniques. Ce ne sont que de serviles courtisans  ! C'est seulement lorsqu'il triomphe d'un puissant adversaire que se révèle la force d'un homme. Quand un mauvais souverain, en accord avec des moines hérétiques, tente de détruire le Dharma correct et exile un sage, ceux qui auront un coeur de lion deviendront immanquablement bouddha comme Nichiren. Je ne dis pas cela par arrogance mais parce que je me consacre ardemment au Dharma correct. Un homme arrogant est terrassé par la peur lorsqu'il est confronté à un puissant ennemi, exactement comme cet asura orgueilleux qui rapetissa pour se cacher dans une fleur de lotus, sur le lac Munetchi, lorsque Taishaku lui fit des remontrances. Un mot, une phrase de l'enseignement correct mettent infailliblement sur la voie de l'Éveil, s'ils correspondent au temps et à la capacité des gens. Alors que, même en étudiant mille sutra et dix mille doctrines, il est impossible d'atteindre la bodhéité si ces enseignements ne conviennent ni au temps ni aux capacités des gens.

Vingt-six ans se sont maintenant écoulés depuis la bataille de Hoji. Le gouvernement de Kamakura est de nouveau en butte à des dissensions internes. Des soulèvements ont déjà eu lieu à deux reprises, le onzième et dix-septième jour du deuxième mois de cette année. Ni les non bouddhistes ni les ennemis du Dharma correct ne peuvent détruire le véritable enseignement du Bouddha, mais les disciples du Bouddha le peuvent sans aucun doute. Comme le dit le Sutra, un parasite dans les entrailles d'un lion est capable de le dévorer. Ce ne sont pas ses ennemis qui pourront conduire à sa perte un homme comblé de bienfaits, mais ses proches. Le soulèvement actuel correspond à ce que le Sutra Yakushi appelle "le désastre des luttes intestines". Il est dit dans le Sutra Ninno*: "Lorsque le sage se retire, les sept désastres se produisent immanquablement." Et dans le Sutra Konkomyo* : "Les trente-trois divinités célestes se déchaînent parce que le roi laisse proliférer le mal." Nichiren n'est peut-être pas un sage, mais il en est l'égal puisqu'il garde en son coeur le Sutra du Lotus exactement comme le Bouddha l'a enseigné. De plus, parce qu'il a depuis longtemps compris les événements de ce monde, toutes ses prédictions écrites se sont vérifiées, sans exception. Vous n'avez donc aucune raison de douter de ce qu'il vous dit concernant votre avenir.

Nichiren est le pilier, le soleil, la lune, le miroir et les yeux du clan gouvernant de Kanto [shogunat de Kamakura]. Lors de mon arrestation, le douzième jour du neuvième mois de l'année dernière, j'ai hautement déclaré que si Nichiren était écarté du pays, les sept désastres ne manqueraient pas de se produire. Cette prédiction ne s'est-elle pas réalisée, précisément soixante, puis cent cinquante jours plus tard  ? Et ces batailles n'étaient que des signes avant-coureurs. Que de lamentations lorsque la pleine rétribution se fera sentir  ! Les gens se demandent inconsidérément pourquoi Nichiren est persécuté par le gouvernement s'il est véritablement un sage. Pourtant cela correspond totalement à ce que j'attendais. Pour avoir tué son père et manqué d'assassiner sa mère, le roi Ajatashatru fut acclamé par les six ministres royaux. Quand Devadatta tua un arhat et fit couler le sang du Bouddha, Kokalika et plusieurs autres en furent ravis. Nichiren est comme un père et une mère pour le clan gouvernant ; il est l'égal d'un bouddha ou d'un arhat pour cette époque. Le souverain et ses sujets qui se réjouissent de son exil sont véritablement les plus pitoyables des êtres. Ces maîtres opposés au Dharma correct, ulcérés de voir leurs erreurs dénoncées, doivent jubiler pour le moment, mais un jour leurs souffrances ne seront pas moindres que celles de Nichiren et de ses disciples. Leur joie est comparable à celle de Fujiwara Yasuhira lorsqu'il tua son frère et Minamoto no Yoshitsune. Le démon qui détruira le clan des gouvernants est déjà entré dans ce pays. C'est ce que décrit le Sutra du Lotus par la phrase : "Le démon pénètre dans son corps."

Les persécutions subies par Nichiren sont le résultat d'un karma formé dans des existences précédentes. On peut lire dans le chapitre Fukyo* (XX)  :  "après avoir expié toutes ses fautes", ce qui indique que c'est en raison de son karma passé que le bodhisattva Fukyo fut insulté et battu par d'innombrables personnes opposées au Dharma bouddhique. Il en va nécessairement de même pour Nichiren qui, en cette vie, est né pauvre et de basse condition, dans une famille de chandala. Mon coeur a beau croire dans le Sutra du Lotus, mon corps, bien que de forme humaine, est fondamentalement celui d'un animal, qui s'est nourri de poisson et de viande, et dont la conception résulte du mélange des fluides masculin et féminin. Mon esprit dans ce corps est comparable au reflet de la lune dans un étang boueux ou à de l'or enfoui dans une bourse sale. Puisque mon coeur croit au Sutra du Lotus, je ne crains ni Bonten ni Taishaku, mais mon corps reste celui d'un animal. Avec un tel écart entre mon corps et mon esprit, rien d'étonnant à ce que les insensés me dénigrent. Sans aucun doute, comparé à mon corps, mon esprit brille comme la lune ou comme de l'or. Qui sait quelles offenses au Dharma, j'ai pu commettre par le passé  ? Je suis peut-être habité par l'esprit du moine Agramati* ou par celui du brahmane Mahadeva (Gunaprabha?). Je suis peut-être un descendant de ceux qui persécutèrent le bodhisattva Fukyo ou un de ceux qui oublièrent leur foi originelle dans le Sutra du Lotus. Je suis peut-être même apparenté aux cinq mille personnes outrecuidantes qui ne voulurent pas rester pour écouter le Sutra. A moins que j'appartienne à la troisième et la moins élevée des trois catégories de disciples du bouddha Daitsu. Il est impossible de sonder la profondeur de son propre karma. Il faut chauffer et marteler le fer pour forger un bon sabre. Les sages et les saints sont mis à l'épreuve par la calomnie. Mon exil actuel n'est dû à aucun crime. Il a pour seul but de me permettre d'effacer en cette vie les lourdes offenses au Dharma que j'ai commises par le passé et de me libérer des trois voies mauvaises dans la vie prochaine.

Il est dit dans un passage du Sutra Hatsunaion : "Dans les temps à venir, certains se feront moines, porteront le kasaya et, se retirant du monde, donneront toutes les apparences d'étudier ma doctrine. Mais sans courage ni sérieux dans leur pratique, ils insulteront les sutras du Mahayana. Sachez bien qu'il s'agira de ceux qui de nos jours pratiquent des religions erronées.". Les lecteurs de ce passage devraient s'interroger profondément sur leur propre pratique. Le Bouddha affirme ici que ceux qui, à notre époque, se font moines et sombrent dans l'insouciance et la paresse furent des disciples des Six maîtres non bouddhistes du temps du Bouddha. Les disciples de Honen, qui se disent adeptes de l'école du Nembutsu, non seulement éloignent leurs adeptes du Sutra du Lotus en leur disant de "le rejeter, le fermer, l'ignorer et l'abandonner", mais leur conseillent d'invoquer uniquement le nom d'Amida, un bouddha mentionné dans les enseignements provisoires. Les disciples de Vairocana, connus sous le nom d'école Zen, prétendent que les véritables enseignements bouddhiques ont été transmis en dehors des sutras. Ils se moquent du Sutra du Lotus dans lequel ils ne voient qu'un doigt pointé vers la lune ou une suite de caractères sans signification. Ces moines furent certainement des élèves des six maîtres non bouddhistes, mais maintenant ils sont entrés dans le courant du bouddhisme. Selon le Sutra du Nirvana le Bouddha avait permis à tous les êtres de devenir bouddha en leur enseignant le chapitre Juryo* (XVI) du Sutra du Lotus. Mais, malheureusement, lorsqu'il illumina les cent trente-six enfers souterrains, au lieu de les trouver vides, il découvrit que ceux qui s'opposaient au Dharma bouddhique, les icchantika, y étaient toujours détenus par les gardiens de l'enfer. Ils se sont multipliés jusqu'à devenir les Japonais d'aujourd'hui.

Puisque Nichiren lui-même s'est opposé au Dharma par le passé, il est devenu moine du Nembutsu en cette vie, et, pendant plusieurs années, lui aussi s'est moqué de ceux qui pratiquaient le Sutra du Lotus en disant : "Personne n'a jamais atteint la bodhéité grâce à ce sutra"(réf.) ou "Pas une personne sur mille ne peut atteindre l'Éveil grâce à ces enseignements."(réf.) Prenant conscience de mes offenses au Dharma, je me sens comme un fils ivre qui, dans son ébriété, a frappé son père et sa mère sans même y prendre garde. Lorsqu'il recouvre l'usage de ses sens, il le regrette amèrement mais en vain. Son offense est extrêmement difficile à effacer. Son coeur est profondément marqué par des offenses passées encore plus graves. Un sutra [Sutra Ryugon] affirme que la noirceur du corbeau et la blancheur du héron sont en réalité la marque profonde de leur karma passé. Les brahmanes et d'autres non bouddhistes refusèrent d'admettre ce lien de causalité en prétendant que c'était là l'oeuvre de la nature. Et aujourd'hui, quand je révèle aux gens, dans mes efforts pour les sauver, qu'ils offensent le Dharma, ils le nient obstinément et, pour se disculper, se retranchent derrière l'incitation de Honen à fermer la porte au Sutra du Lotus. De la part de croyants du Nembutsu, cela n'a rien d'étonnant, mais même les moines du Tendai et du Shingon les soutiennent activement.

Les seizième et dix-septième jours du premier mois de cette année, des centaines de moines et de croyants du Nembutsu et d'autres écoles vinrent débattre avec Nichiren. Représentant l'école du Nembutsu, Insho-bo déclara : "Le saint Honen ne nous a pas dit de rejeter le Sutra du Lotus. Il a seulement écrit que chacun devrait réciter le Nembutsu et que ses grands bienfaits permettraient d'accéder à la Terre pure. Même les moines du Tendai exilés sur cette île, ceux des temples Onjo-ji et Enryaku-ji, révèrent Honen comme un saint et vantent l'excellence de son enseignement. Comment avez-vous l'audace d'essayer de les réfuter  ? " Les moines locaux sont encore plus ignorants que ceux de Kamakura. Ils sont absolument pitoyables.

Quelles terribles offenses a commises Nichiren dans ses existences passées et dans sa vie présente  ! Vous qui êtes nés dans ce pays mauvais et êtes devenus les disciples d'un tel homme, nul ne peut dire ce qu'il vous faudra endurer. On lit dans le Sutra Hatsunaion : "Hommes de foi sincère, parce que vous avez commis d'innombrables fautes et accumulé un mauvais karma par le passé, vous devez vous attendre à subir la rétribution de tout ce que vous avez fait. Vous serez parfois méprisés, affligés d'une laide apparence, mal vêtus et mal nourris ; vous chercherez peut-être en vain la richesse, naîtrez dans une famille misérable ou aux vues erronées, ou bien encore vous serez persécutés par votre souverain." Et il est dit plus loin : "C'est grâce aux bienfaits obtenus en protégeant le Dharma que l'on peut alléger en cette vie sa souffrance et ses rétributions." Sans Nichiren, ces passages du Sutra ne feraient-ils pas du Bouddha un menteur  ? Car personne, à l'exception de Nichiren, n'a vécu dans sa chair les huit souffrances décrites dans le Sutra : 1) être méprisé ; 2) être de laide apparence ; 3) manquer de vêtements ; 4) manquer de nourriture ; 5) rechercher la richesse en vain ; 6) être né dans une famille pauvre ; 7) être né dans une famille qui pratique une religion erronée ; et 8) être persécuté par son souverain.

Celui qui monte au sommet d'une montagne doit un jour en descendre. Celui qui se moque d'autrui sera à son tour méprisé. Celui qui dénigre la beauté physique naîtra laid. Celui qui vole la nourriture ou les vêtements d'autrui est assuré de tomber dans l'état d'avidité. Celui qui se moque des gens nobles ou de quiconque observe les préceptes naîtra dans une famille pauvre. Celui qui calomnie une famille qui pratique le Dharma correct naîtra dans une famille qui pratiquera des enseignements erronés. Celui qui ridiculise ceux qui observent les préceptes naîtra parmi les gens du commun et sera persécuté par son souverain. Tel est le Dharma général de cause à effet.

Mais les souffrances de Nichiren ne peuvent être attribuées à cette forme de causalité. Par le passé, il a méprisé les pratiquants du Sutra du Lotus et ridiculisé le Sutra lui-même, parfois en le vantant exagérément, parfois en le rabaissant. Il a rencontré ces huit terribles souffrances pour avoir ainsi offensé le Sutra du Lotus, Sutra aussi resplendissant que deux joyaux ensemble, deux lunes brillant côte à côte, deux étoiles réunies, ou deux monts Hua (note) posés l'un sur l'autre. D'ordinaire, de telles souffrances s'étalent sur de nombreuses vies, apparaissant l'une après l'autre, mais Nichiren a dénoncé les ennemis du Sutra du Lotus avec tant de vigueur que toutes les huit ont fondu sur lui immédiatement. Sa situation est comparable à celle d'un paysan lourdement endetté envers son seigneur et d'autres créanciers. Tant qu'il reste sur le domaine, ils préféreront probablement reporter sa dette d'année en année plutôt que de s'acharner impitoyablement sur lui. Mais qu'il tente seulement de partir et chacun accourra, exigeant immédiatement tout son dû. Comme le dit le sutra  : "C'est grâce aux bienfaits obtenus en protégeant le Dharma que l'on peut alléger en cette vie sa souffrance et ses rétributions."

Il est écrit dans le Sutra du Lotus  : "Nombreux seront les ignorants qui nous dénigreront, nous, pratiquants du Sutra du Lotus, et nous attaqueront à coups de bâton, d'épée et de pierres... Ils nous dénonceront au souverain, aux ministres, aux brahmanes et autres personnages influents... Nous serons exilés maintes fois."(réf.)

Sans les gardiens de l'enfer qui les tourmentent, ceux qui offensent le Dharma ne pourraient jamais en sortir. Sans les autorités qui maintenant persécutent Nichiren, il pourrait difficilement expier la faute de s'être opposé au Dharma par le passé. Nichiren est comparable au bodhisattva Fukyo qui vécut autrefois et les gens de cette époque sont comparables aux moines, nonnes et laïcs qui méprisèrent et persécutèrent Fukyo. Les gens sont différents mais la causalité reste la même. Ceux qui tuent leurs parents peuvent être différents, ils tomberont tous dans le même enfer des souffrances incessantes. Puisque Nichiren crée la même cause que Fukyo, il est certain de devenir un bouddha à l'égal de Shakyamuni. De plus, ceux qui le persécutent en ce moment sont comme Bhadrapala et divers autres qui persécutèrent Fukyo. Ils seront torturés dans les profondeurs de l'enfer pendant des milliers de kalpa. C'est pourquoi j'éprouve à leur égard une grande compassion et me demande ce qui pourrait être fait pour eux. Ceux qui tout d'abord méprisèrent et persécutèrent Fukyo eurent ensuite foi en ses enseignements et devinrent ses disciples. La plus grande part de leur offense fut ainsi expiée, mais même la petite partie qui demeurait leur valut des souffrances aussi terribles que s'ils avaient tué mille fois père et mère. Les gens de notre époque refusent totalement de se repentir. Comme il est dit dans le chapitre Hiyu* (III), ils devront donc souffrir pendant d'interminables kalpas, peut-être pendant une période aussi longue que gohyaku jintengo* ou sanzen jintengo*.

Il y a encore ceux qui semblaient croire en Nichiren mais qui se mirent à douter lorsqu'ils le virent persécuté. Non seulement ils ont trahi le Sutra du Lotus mais, en fait, ils se croient assez sages pour donner des conseils à Nichiren. Comme c'est regrettable  ! Ces personnes égarées devront souffrir dans les profondeurs de l'enfer encore plus longtemps que les croyants du Nembutsu. Asura prétendit que le Bouddha n'avait que dix-huit fonctions sensorielles alors que lui en possédait dix-neuf. Les brahmanes affirmaient que le Bouddha n'offrait qu'une voie vers l'Éveil alors qu'ils pouvaient en proposer quatre-vingt-quinze. De même, ces disciples renégats, tout en prétendant que Nichiren est leur maître, déclarent qu'il est trop rigide et qu'ils propageront le Sutra du Lotus d'une façon plus souple. Ce faisant, leur attitude est aussi dérisoire que celle de lucioles qui se moqueraient du soleil et de la lune, d'une fourmilière qui regarderait de haut le Mont Hua, de ruisselets qui mépriseraient la mer sans limites, ou d'une pie-grièche qui se moquerait du phénix chinois.

Namu Myoho Renge Kyo.

Nichiren

Le vingtième jour du troisième mois de la neuvième année de Bun'ei (1272)

Il y a très peu de papier à lettres ici dans la région de Sado et écrire à chacun en particulier prendrait trop de temps. Pourtant, si une seule personne restait sans nouvelles, elle pourrait en éprouver du ressentiment. Par conséquent, j'aimerais que tous les croyants sincères se réunissent et lisent cette lettre ensemble pour y puiser des encouragements.

Quand une catastrophe se produit, nos troubles personnels semblent insignifiants. Je ne sais pas si les rapports qui me parviennent sont exacts, mais la disparition de ceux qui ont été tués dans les récents combats est sans doute la cause d'une douleur profonde. Qu'est-il arrivé à Izawa no nyudo et Sakabe no nyudo (note)   ? Donnez-moi des nouvelles de Kawanobe, Yamashiro, Tokugyoji (note) et des autres. Soyez également assez aimable pour m'envoyer Principes de gouvernement à l'ère Chen-guan (note), l'Anthologie des contes et les Enseignements Esotériques des Huit Écoles. Sans ces ouvrages, je ne peux même pas écrire de lettres.

 

ARRIÈRE-PLAN - Cette lettre fut écrite le 20 mars 1272, environ six mois après le début de l'exil de Nichiren Daishonin sur l'île de Sado. Elle était destinée à Toki Jonin et à d'autres disciples. (Commentaire ACEP)

En anglais : Letter from Sado

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=301&m=1&q=from%20Sado
- commentaires : http : //nichiren.info/gosho/bk_LetterFromSado.htm

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