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Bouddhisme et maçonnerie

J.-F. Toledo (Références)

 

L’homme ne pense le monde qu’au travers des images qu’il s’en fait. Ces images ne sont pas le simple reflet d’une réalité évidente, mais elles sont des constructions de l’esprit, d’un esprit conformé par une éducation, conditionné par une culture.

Penser par soi-même est une des plus grandes difficultés que doit affronter l’esprit, si prompt à céder à une pensée convenue, à adopter des schémas consensuels.

Pour un esprit occidental, d’un Occident hégémonique, qui n’imagine l’universalité que de son seul point de vue, l’examen d’autres systèmes de pensée est une nécessité.

Dans son travail, le maçon doit savoir changer de perspective, envisager d’autres architectures, le symbolisme maçonnique entraîne l’esprit au maniement d’objets conceptuels, dont les degrés d’abstraction successifs, lui permettent de dépasser la trivialité et le simplisme des représentations.

Le bouddhisme, ou plus exactement le Dharma (l’enseignement du bouddha) est une de ces architectures mentales exotiques à l’Occident, et elle fascine nombre d’occidentaux, mais on peut craindre que la transposition occidentale dénature quelque peu cette forme de pensée. Dans une forme allégorique, on peut imaginer qu’à l’instar des champignons, chaque individu est une excroissance, un produit d’un mycélium culturel souterrain.

Chacun se pense en individu, alors qu’il n’est qu’une excroissance tellement semblable aux autres, à peine modifiée par les limaces qui en rognent le contour.

Cette allégorie invite à considérer l’étendue spatio-temporelle de ces différents mycéliums culturels, à envisager leurs interpénétrations, où peuvent être produits des individus hybrides dont les spores peuvent donner naissance à d’autres mycéliums qui se développeront concurremment aux mycéliums antérieurs. Les mycéliums chrétiens et musulmans se sont extraits du mycélium hébraïque, celui du bouddhisme est largement fondé sur l’hindouisme, et ainsi de suite, avec le constat que les mycéliums antérieurs ne sont pas toujours remplacés par les nouveaux, mais qu’ils cohabitent concurremment.

Il devrait être possible de définir les lois générales de création, de développement et de disparition de ces mycéliums culturels, qui ne sont que des variantes du développement d’une même espèce : l’humain, qui à son tour n’est qu’un spécimen d’être pensant, qu’il serait réducteur de considérer comme le seul être pensant possible dans l’univers.

Voilà un gouffre conceptuel, un tonneau des Danaïdes, qu’il nous est difficile, sinon impossible, de remplir. Pour autant, on remarquera la propension de tous les mycéliums à se réécrire une histoire, comme pour affirmer leur identité, donner une légitimité à leurs pratiques et un sens à leur existence : le pourquoi. Cette réécriture de l’histoire correspond à cet impérieux besoin de s’approprier sa propre histoire, de la considérer comme résultant d’une intention, alors qu’être le fruit du hasard et de la nécessité nous est insupportable, nous rend orphelin, en quête d’un père créateur.

Voulant aborder les plus hauts niveaux de la pensée, il est curieux de voir combien celle-ci repose sur des éléments simples, pour remarquer que la complexité ne résulte que de la variété des interactions entre ces éléments simples. On pourra remarquer que l’humain croit avant tout en ce qui le rassure, avant même une quelconque exigence de réalité, sinon de vérité. Ainsi l’humain voit de l’ordre et de la durée, là où il n’y a en réalité qu’un processus éphémère.

Dans l’univers tout n’est que provisoire, et ce que nous appelons un ordre, n’est que phases d’équilibres dynamiques, si et seulement si les conditions nécessaires sont réunies.

Cet ordre n’est qu’un ordre des possibles, et il ne manifeste aucune volonté particulière.

La considération de cet aspect éphémère, la considération que cet éphémère requiert de surcroît que des conditions nécessaires soient réunies, est une véritable « souffrance » pour l’esprit qui aspire à une stabilité dans les siècles des siècles.

L’humain en quête d’éternité souffre d’admettre qu’il s’agit d’un éternel recommencement, et qu’il n’est qu’une étincelle fugitive, bientôt remplacée par d’autres, dans cet éternel recommencement de l’ordre des possibles, si et seulement si, les conditions nécessaires sont réunies.

L’existence n’est pas une nécessité, mais les conditions de cette existence sont une nécessité.

Cette notion de « souffrance » est un des fondements du « Dharma », constituant les préceptes fondamentaux de l'enseignement du Bouddha. Cette souffrance est engendrée par l’impermanence et le conditionnement de toutes choses. C’est la souffrance de l’esprit qui peine à concevoir son existence dans ce contexte fugitif.

Cette perception peut se résumer en trois caractéristiques de l’existence :

Les trois caractéristiques de l'existence

« Tout phénomène conditionné est insatisfaisant, tout phénomène conditionné est éphémère et toute chose est sans soi. »

  • Le non-soi (anatta), ou interdépendance ou encore impersonnalité : de l'atome à l'univers - en passant par les êtres humains et leurs états d'esprit - il n'y a rien qui ait une existence indépendante et réelle par lui-même.
  • L'impermanence (anitya) : tout est constamment changeant, tout est flux, rien n'est figé une fois pour toutes.
  • La souffrance (dukkha), ou insatisfaction : ce n'est pas que la souffrance physique ; du fait de l'impermanence des choses, rien ne peut nous satisfaire de manière ultime et définitive.

Ces trois caractéristiques de l'existence conditionnée sont universelles, et connues une fois développée la vision directe de la réalité (vipassana). Pour ce faire, il faut suivre un entraînement au développement de notre vigilance (satipatthana).

L'être humain n'est donc pas une chose en soi, une entité indestructible contenant une étincelle divine (malgré l'illusion qu'ils en ont), mais la composition impermanente des cinq agrégats que sont la forme (ou corporéité), les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience. Ces agrégats (skandhas) sont impermanents car soumis eux aussi à la « coproduction conditionnée » (pratîtya-samutpâda), selon laquelle tout a un ensemble de causes et un ensemble de conséquences.

Pour les bouddhistes, le moi n'est donc que vacuité (shunyata). À noter que nibbana (nirvana) échappe aux caractéristiques de souffrance et d'impermanence.

A contrario, il n'est pas un « en soi » (atman).

De cette perception de l’existence le Dharma en tire « Quatre nobles vérités » :

Les quatre nobles vérités (cattari ariyasaccani) :

  • dukkha : toute vie est impermanente ce qui implique la souffrance, l'insatisfaction ; le doute;
  • samudaya : l'origine de cette souffrance repose dans le désir, les attachements, le besoin de certitudes ;
  • nirodha: la fin de la souffrance (nibbana) est possible ;
  • magga : le chemin menant à la fin de la souffrance est la voie médiane, qui suit l'Octuple noble sentier.

En considérant l’être humain comme un assemblage de 5 agrégats (skandhas) : les sensations, les perceptions, les formations mentales et la conscience, le Dharma indique que la voie que doit suivre celui-ci est « l'Octuple noble sentier ».

Un franc-maçon pourra rapprocher ces 5 agrégats des 5 découvertes qu’effectue un compagnon lors de ses 5 voyages : les sens, les arts, les sciences, la mémoire, la glorification du travail, qui mènent à la découverte de « l’étoile flamboyante » : l’allégorie de la prise de conscience de l’humain.

Il est important de remarquer que le Dharma, comme la franc-maçonnerie sont des méthodes de penser et d’éveil de la conscience, qui se fondent sur des allégories, qu’il est prudent de ne pas « entendre » dans leurs sens communs. Il est tout aussi indispensable de différencier la perception que nous avons de l’individu humain.

Pour les occidentaux, conformés par la doctrine chrétienne, l’individu apparaît comme un être en-soi, une création intentionnelle d’un dieu créateur, cet individu est une sorte de contenant fini, qui recevra par l’éducation un contenu dans la limite de ses capacités. Pour d’autres et singulièrement pour les bouddhistes, comme normalement pour les francs-maçons, l’individu est un être en devenir, qui ne peut se construire que dans l’altérité de ses frères, dans le cadre d’une démarche initiatique et progressive, où l’individu est capable de se « comprendre » dans les différents niveaux d’organisation de l’univers.

Cette notion de comprendre signifie être capable de se situer comme un des éléments de systèmes différents, placés à des niveaux différents, dont certains sont inclus les uns dans les autres.

Être maçon dans sa Loge, ou dans sa famille, ou dans son travail, ou dans tout autre système, c’est tout à la fois rester soi, mais aussi dans chacun des systèmes, d’être pleinement acteur (officier) dans ses prérogatives et ses limites de responsabilités. Cette perception permet d’aborder la notion de « devoirs », ce que chacun doit être, faire et devenir, dans une approche non figée, où chacun doit être en mesure d’officier successivement dans tous ses « devoirs ».

Cette voie d’accomplissement par simultanément l’action et la réflexion, où chacun accomplit pleinement ses devoirs, est la « voie du milieu ». Elle n’est pas une simple voie moyenne et consensuelle entre des extrêmes, mais elle est la voie de l’équilibre dynamique et de l’harmonie, entre le chemin et le contexte de cheminement.

Quelle que soit la destination de ce chemin, et la hauteur des cimes vers lesquelles il conduit, celui ou celle qui l’emprunte en tire joie et contentement.

Le « noble sentier octuple » est, dans le bouddhisme, la voie qui mène à la cessation de la souffrance, de l'attachement (dukkha). Il est aussi appelé Sentier du milieu, car il évite les deux extrêmes que sont la poursuite du bonheur dans la dépendance du plaisir des sens et la poursuite du bonheur dans la pratique de l'ascétisme et de la mortification.

Le Bouddha, ayant fait l'expérience de ces deux extrêmes, découvrit par expérience le noble sentier « qui donne vision et connaissance, qui conduit au calme, à la vision profonde, au nirvana ».

Le sentier comporte huit membres regroupés en trois parties.

Ces huit membres ne sont pas suivis séquentiellement mais simultanément par le disciple.

Les trois parties (sagesse, éthique et méditation) forment le chemin triple, une autre expression de la voie bouddhique (ces diverses expressions sont notamment là pour aider à ne pas voir les choses de façon trop rigide ou structurée, et pour donner divers éclairages sur une pratique qui, essentiellement, doit être une pratique intégrée).

Les huit membres sont :

Prajñâ
la sagesse

Shîla
l'éthique, la moralité, la discipline

Samâdhi
la méditation ou la concentration

1. samma ditthi :
compréhension juste, ou
vision juste (de la réalité,
des quatre nobles vérités)

2. samma samkappa :
pensée juste, ou émotion
juste (dénuée de haine,
d'avidité et d'ignorance).

1. samma vaca : parole juste (ne pas mentir, ne pas semer la discorde par ses paroles, ne pas
parler abusivement, ne pas bavarder oisivement)
2. samma kammanta : action juste (respectant les 5 préceptes) ;
Les préceptes sont généralement présentés sous une forme négative :
1. S'efforcer de ne pas nuire aux êtres vivants ni retirer la vie,
2. S'efforcer de ne pas prendre ce qui n'est pas donné,
3. S'efforcer de ne pas avoir une conduite sexuelle incorrecte - plus généralement garder la maîtrise des sens (le mental faisant aussi partie des sens),
4. S'efforcer de ne pas user de paroles fausses ou mensongères,
5. S'efforcer de ne pas ingérer tout produit intoxicant diminuant la maîtrise de soi et la prise de conscience (alcool,
drogues, tabac).
Ils ont aussi une forme positive, très utile, ici à la première personne :
1. Avec des actions bienveillantes, je purifie mon corps,
2. Avec une générosité sans réserve, je purifie mon corps,
3. Avec calme, simplicité et contentement, je purifie mon
corps,
4. Avec une communication véritable, je purifie ma parole,
5. Avec une attention claire et radieuse, je purifie mon esprit.
3. samma ajiva : moyens d'existence justes

1. samma vayama : effort
juste (de surmonter ce qui est
défavorable et d'entreprendre
ce qui est favorable)

2. samma sati : attention juste, ou prise de conscience juste (des choses, de soi - son corps, ses émotions, ses pensées -, des autres, de la réalité)

3. samma samadhi* :
établissement de l'être dans
l'éveil (vipassana).
Le terme juste, traduction la plus fréquente du terme
samma qualifiant chaque étape du chemin, est parfois traduit par parfait par des auteurs qui trouvent juste trop restrictif.
La dernière étape du chemin
est la sagesse ; elle consiste en une vision directe de la réalité (vipassana), et en particulier des trois caractéristiques de l’existence.

La notion de « joie et contentement » est relative, aussi bien dans le Dharma que dans la franc-maçonnerie.
Il y a une égale joie et le même contentement, dans le fait de « dégrossir » une simple pierre brute, que dans celui de construire un temple majestueux.

Le Bouddha estimait que les causes de la souffrance humaine proviennent de l'incapacité à percevoir correctement la réalité. Cette ignorance (qui, aussi curieux que cela puisse paraître, est une émotion, un facteur mental perturbateur) et les illusions qu'elle provoque conduisent à l'avidité des hommes, à leur désir de posséder davantage que les autres, à l'attachement et à la haine éprouvés pour des personnes ou pour des choses.

Sa philosophie est telle que : la souffrance naît du désir ou de l'envie. En les supprimant tous deux il a réussi à atteindre le nirvana : l'envie engendre le désir. Le désir, si non perçu, engendre la tristesse, la frustration et la colère*.

Les trois racines du mal, ou « trois poisons »
Les trois poisons de l'esprit peuvent être dénommés ainsi :

Les voiles de l'esprit comportent par exemple :

  • Ignorance, illusion (avidyâ) au sujet des trois caractéristiques de l'existence ;
  • Désir, avidité, convoitise*, attachement (trishnâ) ;
  • Haine, aversion.

Dans le Dharma – comme dans la FM\ –  l’individu n’est pas un être en soi monolithique, mais un assemblage complexe en quête d’un équilibre dynamique, pour satisfaire à une finalité, en harmonie avec son monde.
Dans une symbolique mathématique, cet individu se définirait comme un espace vectoriel orienté vers une finalité.

S’agissant de représenter cet être complexe, il convient de ne pas confondre la réalité de cet être avec sa représentation, qui sera toujours incomplète quels que soient nos efforts d’exhaustivité. Dans cette représentation nous pouvons créer autant de critères de définition que nous voulons, y compris des critères purement imaginaires, qu’il sera sage de ne pas chercher dans le monde réel.

Il ne viendra à personne l’idée de mesurer la température de la flamme du courage. Ainsi le référentiel de définition a une architecture, qu’il convient de ne pas confondre avec l’architecture de l’être. D’une manière plus générale, il convient de ne pas confondre l’architecture du « Logos », avec celle du « Kosmos ». Cette perspective de système de représentation permet de visiter deux concepts : « de tiers exclu » et de « vacuité » que les bouddhistes évoquent souvent.

Dans l’espace de représentation une proposition ne peut pas être vraie et fausse en même temps, il est exclu d’avoir simultanément comme vraie les propositions "a" et "non a". Cette règle de « tiers exclu » semble évidente dans l’espace de représentation, (le logos) mais l’est-elle dans la réalité (le kosmos) ?
Le problème est que la notion de simultanéité est une construction de l’esprit, comme l’est le concept de temps. Les travaux sur la relativité du temps montrent que l’on ne peut obtenir cette simultanéité, l’information sur un événement ne peut pas nous parvenir instantanément. Ainsi à l’instant "t" la proposition "a" peut être vraie, et à l’instant "t+" être fausse, alors que la proposition "non a" est vraie.

Cette possibilité de basculement de l’état "a" à "non a" est à rapprocher des processus dynamiques que l’on qualifie de « sensibles aux conditions à l’origine », ou en d’autres termes, il suffit de pas grand-chose pour qu’un événement soit "a" ou "non a" (son contraire). Cette absence de certitudes conduit à considérer un monde probabiliste, où les évènements sont soutenus par un ensemble de suppositions, comme une œuvre est soutenue par un ensemble d’échafaudages. Il tombe sous le sens que pour voir l’œuvre, il conviendrait de retirer tous les échafaudages, mais ce faisant, l’espace de représentation s’effondrerait et serait vide de toute signification, car dans l’espace de représentation c’est une image de la réalité qui est échafaudée, et retirer les uns c’est détruire les autres. Cette situation conduit à la notion de « vacuité » dans le Dharma.

La vacuité

Dans le Theravada, la vacuité est proche du concept d'anatta : le monde est vide de soi.
Il existe une attention portée à la vacuité ainsi qu'une méditation vipassana, contemplation de cette vacuité.
Mais le concept de vacuité, exposé par Nagarjuna, prend un nouveau sens et fonde le Madhyamika. Le Madhyamika reconnaît l'enseignement de la coproduction conditionnée, mais il considère cette roue de la vie comme vacuité. Cet auteur proclame : « Le Vainqueur a dit que la vacuité est l'évacuation complète de toutes les opinions. Quant à ceux qui croient en la vacuité, ceux-là, je les déclare incurables. »

Accéder à la conscience de ce monde probabiliste, qui est l’ordre des possibles, si et seulement si les conditions nécessaires sont réunies, constitue « l’ Éveil » (bodhi)

L'éveil (bodhi)

Pour les theravadins, l'éveil est la compréhension parfaite et la réalisation des quatre vérités et de faire jaillir la vérité. Pour les adeptes du Mahayana en revanche, l'éveil a plus à voir avec la sagesse et la prise de conscience de sa propre nature de bouddha.

L'éveil permet à l'homme d'entrer dans le nirvana, puis d'atteindre à sa mort : le parinirvana (extinction complète). Le cycle karmique est donc brisé à jamais.

Là où le bouddhisme theravada insiste sur l'extinction complète et irréversible du samsara, le Mahayana laisse aux bodhisattvas la possibilité de s'y maintenir (sans toutefois produire de karma), par compassion pour les êtres vivants, qu'ils vont alors guider vers l'éveil.

La doctrine du theravada explique comment accéder soi-même à la délivrance en devenant un arahant (personne délivrée parce qu'elle a suivi la voie enseignée par le Bouddha sans bénéficier de l'omniscience), un bodhisattva (personne qui cherche absolument à devenir un bouddha pour enseigner en pratiquant les vertus dites paramitas) ou un sambuddha (« bouddha parfait », personne qui, possédant une compréhension parfaite des enseignements du Bouddha, accède à l'éveil et peut enseigner).

Elle est fortement anti-théiste et rejette l'idée d'un salut obtenu par la seule dévotion et le culte des reliques. En effet, d'après le canon pali, le Bouddha aurait dit : « On est son propre refuge, qui d'autre pourrait être le refuge » (Dhammapada, XII, 4). Cela signifie qu'on ne peut attendre de personne l'obtention de l'éveil, il faut chercher en soi-même la vérité et pour atteindre ce but, suivre le noble sentier octuple.

Parvenir à cet «Éveil » en empruntant « la voie octuple », c’est aussi traverser en quelque sorte quatre mondes : « les quatre incommensurables » ou « demeures de Brahma », correspondant à des états de conscience particuliers.

Il n’est pas inintéressant de rapprocher ces quatre mondes, des quatre mondes de la Cabale hébraïque, qui correspondent à des niveaux de vertu. Le Kadosh de la Cabale (l’homme de sainteté) possédant cette « équanimité » sera capable de recevoir la « Grande Lumière » sans préjudice.

Les quatre incommensurables

Les quatre brahma-viharas, ou demeures de Brahma (Brahma n'étant pas ici le dieu de l'hindouisme, mais étant synonyme de noble, de supérieur) sont aussi appelés les quatre incommensurables ou illimités, car ils peuvent être développés indéfiniment.

Ce sont des émotions positives extrêmement puissantes, développées par des pratiques appropriées.
Il s'agit de :

  • La bienveillance universelle (metta, maitri), développée par la pratique de méditation appelée metta bhavana ;
  • La compassion (karuna), née de la rencontre de la bienveillance et de la souffrance d'autrui, développée par la méditation appelée karuna bhavana ;
  • La joie partagée (mudita), qui consiste à se réjouir du bonheur d'autrui (mudita bhavana) ;
  • L'équanimité (uppekka, upeksa) ou tranquillité, qui va au-delà de la compassion et de la joie partagée est un état de paix face à toute circonstance : heureuse, triste ou indifférente (uppekka bhavana).

Parvenir à « l’Éveil » requiert donc de suivre un long et difficile chemin, quelques rares humains y parviennent, mais la majorité meurt en chemin. Cette situation a donné la notion ambiguë de «cycle des renaissances » qui semblent être un emprunt à « l’hindouisme » sur lequel se fonde le bouddhisme.
Ces renaissances pourraient être envisagées comme des recommencements, où tout nouveau disciple reprend ses pas, là où son maître les avait arrêtés. La nouvelle progression dépendra autant de l’enseignement du maître, que de la qualité du disciple.

Si ce n’était cet emprunt à l’hindouisme qui donne un sens particulier aux « renaissances » en leur donnant le sens de « réincarnations », on peut voir ici une allégorie de la transmission d’un enseignement. Une autre hypothèse pourrait être émise, en associant la Cabale et le bouddhisme.

Dans la première il est dit que l’Adam Rishon (l’être accompli, parvenu à la connaissance suprême) aurait fragmenté son savoir en 600.000 morceaux, transmis à la postérité dans le siècles des siècles. Seuls ceux connaissant le Zohar (Livre de la Splendeur) seraient en mesure de « réparer » ces morceaux.

On peut imaginer que ces morceaux réparés sortent du circuit, alors que les autres sont recyclés sur de nouveaux venus. Douloureux dilemme pour chaque Éveillé que de se dire qu’ayant décrypté un « morceau », voire la totalité, ils l’auront sorti du circuit karmique, et que s’ils ne transmettent pas cet enseignement à leur tour, celui-ci sera perdu.

La question se pose sur la nature de ces « morceaux » et de la nature de celui qui les aurait généré. La Cabale répond qu’il s’agit de l’Adam Rishon, et que ces morceaux sont des fragments de son savoir.

Les renaissances

À cause des trois poisons d'une part, et de la coproduction conditionnée de l'autre, les hommes sont amenés à renaître dans le samsara (le cycle des renaissances). Le "monde" (loka) dans lequel ils renaîtront dépendra de leur karma, c'est-à-dire de leurs actions. Cette renaissance ne fait donc que prolonger indéfiniment la souffrance (« n'en avez-vous pas assez de gorger les cimetières ? » dit un texte).

À noter que conformément au non-soi, ce n'est ni le même, ni un autre qui renaît (ce n'est pas, comme dans d'autres religions, une âme immortelle qui se « réincarne »).

Le Bouddha propose de se réveiller de ce cauchemar, de chasser les nuages de la confusion et de l'illusion pour être illuminé par la réalité. Ainsi, la souffrance et le cycle karmique seront brisés.

Il définit le but ultime de son enseignement comme étant « la délivrance », le « dénouement », « la délivrance de la souffrance » ou nirvana.

Une théorie centrale de la pensée bouddhique explique la cause de dukkha : la coproduction conditionnée, appelé comme le pratitya samutpada. Ce terme signifie littéralement : « l'origine d'une action ».

Le bouddhisme indique que chacune de ces causes donne suite à la prochaine, jusqu'à ce que la cause de la douzième retourne à la première. Ce cycle de naissances et de décès ne s'arrête que lorsque l'on a atteint le nirvana.

La roue de l'existence karmique représente ces trois poisons par un cochon (l'ignorance), un coq (l'attachement) et un serpent (l'aversion).

D'autre part si ces trois poisons sont facteurs de souffrance (dukkha), sa naissance ne peut résulter que de l'ignorance initiale. Par cette philosophie on retrouve l'origine des Quatre nobles vérités (la souffrance, son origine, la délivrance et la voie).

En conclusion le Dharma, comme la Franc-maçonnerie, sont chacun une méthode initiatique, où parcourant un chemin menant à l’éveil de la conscience de soi et de l’univers, il faut savoir entendre, comprendre et transmettre cet enseignement que l’on aura soi-même acquis dans l’altérité de ses frères

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