KAJI-KITO

 

Le développement du Kaji Kito dans le bouddhisme Nichiren Shu

PREMIÈRE PARTIE

LE DÉVELOPPEMENT DU KAJI KITO AVANT L'ÉPOQUE DE NICHIREN

CHAPITRE UN

Les débuts du bouddhisme ésotérique en Inde

Depuis que Siddhartha Gautama est devenu le Bouddha historique et a introduit le bouddhisme dans le monde il y a plus de 2500 ans, sa propagation à partir de l'Inde et son adaptation dans différents pays et cultures ont conduit à son essor et à différentes interprétations de son enseignement. Ses principales branches comprennent le bouddhisme Theravada (Ecole des anciens) et le bouddhisme Mahayana (Grand Véhicule), ce dernier s'étant principalement répandu en Asie de l'Est. Bien que les enseignements fondamentaux du bouddhisme soient restés les mêmes, les deux branches ont des points de vues différents sur plusieurs points (réf.). D'autres subdivisions du bouddhisme Mahayana en écoles distinctes présentent également des approches différentes, principalement sur des questions de canonicité des textes et de la pratique pour atteindre le nirvana (Eveil), la libération de la souffrance.

Une autre catégorie importante du bouddhisme qui s'est développée après la fin du Mahayana en Inde, est celle du "bouddhisme ésotérique", désigné en japonais par le terme "mikkyo". On trouve d'autres traductions de ce terme en chinois : mijao, et en coréen : milgyo. Le terme peut souvent être divisé en ‘mi’tsu’ qui se traduit par "secret" et ‘kyo’ enseignement, précepte ou religion (réf.). Le bouddhisme ésotérique fait généralement référence à la pensée tantrique (Vajrayana), en se concentrant principalement sur l'utilisation de rituels, mais sa nature secrète et l'accent mis sur les textes tantriques ont entraîné nombre de mésinterprétations en plus du fait qu'il dégage un fort sentiment de mysticisme ; ce que le mikkyo véhicule précisément par ses rituels et ses symboles. Aujourd'hui, le bouddhisme ésotérique est une vaste pelote hétéroclite ; il existe des courants qui incluent le corps et en soulignent l'utilisation et d'autres qui ne le font pas. Pour mieux comprendre le mikkyo, il faut en examiner les racines historiques et le développement du bouddhisme ésotérique jusqu'à son arrivée au Japon.

Le bouddhisme ésotérique indien

Le bouddhisme tantrique nait en l'Inde, où, selon certains érudits, il permettait aux individus animés par un désir d'extase de vivre leur spiritualité dans une voie religieuse radicale (réf.). Cela correspondrait à l’apogée de la pensée indienne, qui précède la fin du bouddhisme indien. Pourtant, le développement et l'élaboration des traditions tantriques résultent de facteurs sociaux et politiques engendrés par le régime militariste qui a suivi la fin de l'empire Gupta et les débuts de l'Inde médiévale (500-1200 de notre ère). La formation du bouddhisme ésotérique pourrait être liée à une forme de bouddhisme différente de celle de la période précédente, dans la mesure où le bouddhisme du début de l'Inde médiévale était une "tradition sous la contrainte" (réf.). Il reste que cette période est marquée par la centralisation du pouvoir résultant de " l'opportunisme militaire " et qui deviendra le berceau du bouddhisme ésotérique.

En dépit de nombreux changements sociétaux de l'époque, on note la régression de la pensée madhyamaka vers le scepticisme, ou le pramanika * ainsi que la formation de domaines monastiques féodaux (réf.). Le bouddhisme ésotérique  touchait l'idéologie et l'esthétique inhérents aux modes féodaux de l'Inde médiévale, favorisant ainsi la sanctification de la société et de la politique de l'Inde du VIIe au VIIIe siècle. Dans cet environnement, on pouvait observer deux communautés distinctes : celle qui se concentrait sur l'ésotérisme "institutionnel" et celle qui préférait le "non institutionnel". Alors que le premier était l’apanage des moines au sein de monastères et présentait des caractéristiques de type machiavélique, les voies ésotériques non institutionnelles étaient guidées par l'idéologie des siddha (les perfectionnés, les accomplis) de diverses origines, non seulement des groupes locaux mais aussi des hors-caste (réf.). Les principales tentatives des siddhas pour une légitimation portaient sur la validation de nouveaux textes et l'introduction de rituels. Le bouddhisme ésotérique provient en fait d'une relation symbiotique entre les rituels ésotériques développés par les siddhas et les communautés monastiques qui les incorporaient dans leurs rituels traditionnels.

La conviction que le bouddhisme devait nécessairement comporter une pratique physique favorisait cette incorporation de rituels. Les pratiques yogiques ont en effet exercé une forte influence et renforcé le sens de la discipline. Les promoteurs du bouddhisme ésotérique y voyaient un moyen de relier à la fois le corps physique et l'esprit (réf.) estimant que le développement de l'esprit nécessite non seulement une formation et une pratique spirituelles, mais aussi le recours à des pratiques physiques telles que le yoga.

En même temps que les changements sociaux et politiques, cette période a également marqué en Inde la dernière étape du bouddhisme mahayana. Trois aspects du bouddhisme ésotérique émergent à cette époque : le mysticisme, le symbolisme et les rituels qui ont tous contribué à son extension et à l'éventuel intérêt des gens du peuple (réf.). Ainsi, l'ésotérisme indien impliquait que les communautés de moines et de siddhas participent à l'élaboration de mandalas, à la récitation de mantras ésotériques et à la participation active lors de rituels.

La fin effective du bouddhisme ésotérique indien est survenue au cours du XIIIème siècle, en même temps que le déclin progressif du bouddhisme traditionnel. Les raisons historiques sont, certes l'invasion islamique violente mais également les controverses avec les laïcs hindous. Pendant cette période, il restait encore en Inde des adeptes du bouddhisme, bien que sous une forme assez différents de celle qui avait fleuri des siècles auparavant (réf.). Pour mieux comprendre l'échec de la diffusion en Inde bouddhisme qu'il soit ésotérique ou traditionnel, il faut partir de l'état de la société au Ve siècle, alors qu'environ 1000 ans s'étaient écoulés depuis le Bouddha historique. Même à cette époque, les heurts entre les adeptes de l'hindouisme et du bouddhisme étaient courants, l'hindouisme jouant un rôle plus important dans la société (réf.). Masaki avance trois raisons possibles pour expliquer le rejet du bouddhisme par le peuple indien. La première est qu'il ne s'est répandu que parmi les personnes éduquées, excluant les gens ordinaires. A l'inverse, les dirigeants hindous ne s'adressaient pas à un groupe particulier, à un rang spécifique, mais accordaient à chacun sa place et la possibilité d'être inclus dans la sphère religieuse. La deuxième raison est l’implantation excentrée des temples bouddhistes alors qu'ils étaient le principal lieu de propagation. De même, les prêtres, principaux propagateurs, restaient confinés sur place ; par conséquent, la transmission du bouddhisme aux individus de rang inférieur état difficile et moins courante. L'isolement géographique n'offrait pas non plus un environnement accueillant ou amical pour les gens du peuple et ne permettait pas aux personnes cherchant des conseils auprès des prêtres de se rendre simplement au temple. Cela a encore réduit le nombre de personnes concernées (réf.). Étant donné que la religion offre souvent à l'individu un refuge et un sentiment d'appartenance, le manque d'accessibilité et de convivialité a probablement donné une image négative du bouddhisme. En fait, l'hindouisme, plus proche des gens, offrait une spiritualité plus positive. Si de nombreux empereurs avaient autrefois soutenu la diffusion du bouddhisme en Inde, de tels monarques n'existaient plus. En outre, la multiplication des invasions et des batailles a également réduit le nombre de ceux qui se rendaient dans les différents temples pour enseigner. L'agriculture en Inde, qui maintenait un lien plus fort avec l'hindouisme, est devenue le principal facteur politique et économique du pays (réf.).

La première étape du développement du bouddhisme ésotérique se situe approximativement aux IIe et IIIe siècles. La différence la plus importante entre le bouddhisme ésotérique de cette époque et celui qui l'a précédé est l'objectif de ces pratiques. Initialement la pratique ésotérique cherchait l'atteinte de l'Eveil guidée par le Bouddha Shakyamuni. La pratique était définie par l'utilisation de mantras, de mots ou de combinaison spécifique de mots formant une incantation. Masaki conteste cependant la classification de cette étape initiale comme "bouddhisme ésotérique" (réf.). Le bouddhisme ésotérique est fortement lié à la métaphore du "pratiquant devenant rois des rois* " (réf.) reflétant la sanctification croissante de l'environnement sociopolitique de l'Inde au cours des VIIe et VIIIe siècles. Sa caractéristique la plus signifiante est l'utilisation de mandalas, motifs ou symboles de l'univers présenté sous forme graphique - souvent sous la forme d'un cercle - et utilisé principalement pendant la méditation. Davidson souligne les relations de ce mandala avec l'environnement sociopolitique : le Bouddha, souvent placé au centre du mandala, représente la position du suzerain par rapport aux autres figures environnantes. Dans le même ordre d'idées, l'utilisation du mandala pendant la méditation permet à l'individu de contrôler sa pratique religieuse et de sanctifier le monde dans lequel il vit (réf.). Quant au bouddhisme ésotérique des VIe et VIIe siècles, il se  concentre sur Mahavairocana, un bouddha céleste souvent interprété comme Dharmakaya*, c'est-à-dire la fusion du Dharma-Enseignement du Bouddha historique avec l'esprit du Bouddha historique. Dans le bouddhisme sino-japonais en particulier, on dit que Mahavairocana incarne shunyata, la vacuité (réf.). Le bouddhisme ésotérique a fini par se rapprocher du peuple en affirmant qu'il pouvait les aider à réaliser leurs souhaits et leurs besoins terrestres. Il établissait une relation plus directe entre les bénéfices obtenus par l’individu et l'individu atteignant l'Eveil.

Face au déclin rapide du bouddhisme vers le Ve siècle, plusieurs dieux hindous ont été sanctifiés et incorporés au panthéon bouddhiste. Dans le cas du bouddhisme japonais en particulier, on constate que toutes ces divinités adaptées de l'hindouisme terminent leur nom par "-ten", comme par exemple "Bishamonten", le nom japonais de Vaisravana, l'un des quatre rois célestes du bouddhisme (réf.). Le plus intéressant est que le bouddhisme s'était jusqu'alors concentré sur la nécessité d'une pratique individuelle afin d'atteindre ses objectifs spirituels. En incorporant dans le bouddhisme ésotérique les dieux hindous hindouistes on ajoutait la vénération d'une divinité supérieure censée aider l'atteinte d'objectifs spirituels. Ce faisant, cependant, la notion de prière adressée à une divinité supérieure en quête de conseils a rendu cette pratique du bouddhisme ésotérique très similaire à l'hindouisme. Pour différencier les deux religions et pratiques, les partisans du bouddhisme ésotérique ont inclus une connexion à la fois méditative et physique sous la forme d'un acte sexuel, pratique considérée comme un tabou dans la plupart des religions (réf.). L'acte sexuel pouvait être visualisé par la méditation sur un dieu hindou. Cela correspondait également à l'idée développée durant la deuxième phase de développement du bouddhisme ésotérique au cours des VIe et VIIe siècles, qui comprenait la notion de pratiquant essayant de fusionner et de devenir "un" avec Mahavairocana. L'ajout de la notion d'actes sexuels a donné naissance à la troisième et dernière phase de développement du bouddhisme ésotérique en Inde, connue finalement sous le nom de tantrisme ou bouddhisme tantrique. Cependant, il est important de noter que toutes les formes du bouddhisme ésotérique n'englobent pas cette notion, comme nous le verrons plus tard, y compris le bouddhisme ésotérique chinois primitif, qui a été initialement formé à partir des débuts de la pensée bouddhiste ésotérique indienne. Les textes, connus sous le nom de tantras, se concentrent sur les rituels et les règles formulés à partir de la pratique d'enseignements religieux (réf.). En revanche, les sutras se concentrent sur les réflexions théoriques et philosophiques. On pense à tort, que tous les tantras intègrent des notions d'actes sexuels ; ce n'est pas toujours le cas.

Après le déclin rapide et la fin du bouddhisme ésotérique indien, des vestiges du bouddhisme ésotérique ont encore été observés dans quelques pays. Le bouddhisme ésotérique du Bengale est resté sous une forme très arrangée et altérée, plus proche des enseignements hindous. Finalement, le bouddhisme ésotérique indien a laissé peu d'influence dans son pays (réf.). Il a prospéré et s'est développé dans une plus large mesure en dehors de l'Inde avant d’en disparaitre ; ce fut le cas à un moment donné en Indonésie et au Cambodge. Un exemple plus direct est celui du Népal, dont l'histoire montre l'incorporation de deux types de bouddhisme ésotérique, dont le premier type, initial, vient directement de l'Inde et constitue une continuation directe des enseignements et de la pensée bouddhiste ésotérique indiens originaux après même le déclin du bouddhisme ésotérique en Inde. Il serait opportun de se pencher davantage sur le Népal pour mieux comprendre les racines ésotériques indiennes dans les enseignements bouddhistes ésotériques actuels. L'autre forme d'intérêt est celle adaptée du bouddhisme ésotérique tibétain, qui s'est développée dans les années 1950 sous l'influence des moines tibétains qui ont fui le Tibet en raison des conflits politiques entre le Tibet et la Chine (réf.). Ainsi, le bouddhisme ésotérique tibétain a actuellement pris le pas sur la pensée bouddhiste ésotérique indienne initiale et est devenu la principale source de la pensée bouddhiste ésotérique au Népal.

Le bouddhisme ésotérique tibétain

Si beaucoup sont moins conscients des origines indiennes du bouddhisme ésotérique, un exemple plus communément reconnu est celui des éléments d'ésotérisme que l'on trouve dans le bouddhisme tibétain. Le bouddhisme ésotérique a suscité l'intérêt des Occidentaux au milieu des années 1960, en raison de l'intérêt accru pour le Tibet et des problèmes avec la Chine communiste qui ont été largement examinés à cette époque (réf.). Ainsi, la majorité des informations et des analyses sur le bouddhisme ésotérique en Occident se situent dans le contexte du bouddhisme tibétain.

Une explication détaillée du bouddhisme ésotérique tibétain dépasse l'objet de cet article. Il est arrivé directement depuis l'Inde au Tibet entre le VIIe et le XIIIe siècle, après ce qui a été qualifié de troisième phase de développement du bouddhisme ésotérique indien (réf.). Ainsi, le bouddhisme tibétain est la forme la plus "ésotérisée" ou développée du bouddhisme ésotérique et du bouddhisme mahayana. Une caractéristique importante de la pratique ésotérique tibétaine est l'incorporation de ce que l'on pourrait appeler le "stade de développement" et l'"achèvement" de la pratique ésotérique. Le "stade de développement" comprend la première et la deuxième phase de développement du bouddhisme ésotérique, tandis que "l'achèvement" comprend l'utilisation des actes sexuels comme moyen final et caractéristique principale de la dernière phase de développement du bouddhisme ésotérique (réf.).

La propagation du bouddhisme tibétain résulte également de la forte relation au Tibet entre religion et politique. Et c'est le cas dans plusieurs pays différents, dont le Bhoutan, où les pratiques ésotériques sont également très similaires (réf.).

Le bouddhisme ésotérique chinois

Le bouddhisme ésotérique qui a gagné la Chine est devenu la base qui a défini les enseignements fondamentaux du mikkyo au Japon. Il a été introduit en Chine entre le IIIe et le IVe siècle, époque à laquelle de nombreux sutras bouddhistes ont été traduits en chinois. Il comprenait principalement les mantras, qui étaient populaires depuis la première phase de développement du bouddhisme ésotérique indien. L'influence initiale était limitée. L'incorporation du bouddhisme ésotérique au sein de la société chinoise n'a eu lieu qu'après le VIIe siècle, pendant la dynastie Tang (618-907) et a pris toute son ampleur aux VIIIe et IXe siècles (réf.). Au cours de cette période de 100 ans, de nombreux changements ont été observés dans le bouddhisme ésotérique, notamment le développement d'un bouddhisme ésotérique spécifiquement chinois qui s'est développé à partir des enseignements des deux premières phases de développement du bouddhisme ésotérique indien. De nombreux patriarches influents ont propagé le bouddhisme ésotérique en Chine : Shubhakarasimha * (637-725), moine indien auquel on attribue la traduction de textes ésotériques, notamment le Mahavairocanasutra, du sanskrit au chinois ; Vajrabodhi * (671-741), moine indien qui a apporté le Vajrasekharasutra *, un tantra bouddhiste ; et Amoghavajra * (705-774), moine traducteur d'origine indienne et sogdienne. Parmi les autres fortes personnalités de cette période, citons Yi Xing* (683-727), moine chinois, mathématicien et astronome, et Huiko * (746-805), principal responsable de la transmission à Kukai (774-835), fondateur de la lignée bouddhiste ésotérique au Japon (réf.). Pourtant le bouddhisme ésotérique ne s'est jamais vraiment épanoui en Chine. Lors de son introduction initiale le peuple n'était pas aussi intéressé par l'atteinte de l'Eveil, mais était curieux des bénéfices qu'on pouvait obtenir des pratiques "exotiques" issus des enseignements ésotériques et des prières du bouddhisme indien.

Pour que le bouddhisme ésotérique s'implant en Chine, il fallait l'adapter à la coexistence avec le taoïsme, l'un des enseignements les plus répandus de la philosophie chinoise. Le taoïsme en lui-même utilisait ce que l'on pourrait appeler la "magie" ou la "sorcellerie", qui, pour beaucoup, était similaire aux mantras et aux prières utilisés dans les pratiques bouddhistes ésotériques. Le bouddhisme ésotérique et le taoïsme mettent tous deux l'accent sur la notion d'aide aux individus pour atteindre leurs objectifs. Cependant, comme l'atteinte de l'Eveil restait l'un des principaux facteurs de la pratique du bouddhisme ésotérique, les Chinois n'en étaient pas très intéressés et restaient de fervents partisans du taoïsme. Comme le bouddhisme ésotérique et le taoïsme ont coexisté pendant un certain temps, on peut penser que le bouddhisme ésotérique a exercé une certaine influence sur le taoïsme (réf). Outre les facteurs sociétaux, une autre raison du manque de diffusion du bouddhisme ésotérique résulte de la persécution des bouddhistes sous le règne de l'empereur Wuzong (814-846) pendant la dynastie Tang, qui a en effet presque réussi à débarrasser la Chine du bouddhisme ésotérique (réf.).

La dernière raison de sa disparition pourrait être liée au fait que le bouddhisme ésotérique n'avait pas la même signification pour le peuple chinois que pour plusieurs autres pays qui avaient adopté cette tradition. Lorsqu'Amoghavajra* a traduit les textes bouddhistes ésotériques, il a tenté d'obtenir un soutien politique pour son acceptation. Il a même réécrit de nombreux passages sur la but des prières pour le "peuple" en marquant que le but des prières était pour le "pays". Le bouddhisme ésotérique en Inde, bien qu'il n'ait pas été largement accepté par la communauté indienne, a connu des moments d'acceptation positive par les gens ordinaires. En changeant le but des prières pour le pays, Amoghavajra* a accru les attentes des dirigeants politiques à l'égard de bienfaits pour le pays de cette religion. Cette façon de modifier le sens des traductions pour mieux s'adapter au pays peut également être observée chez différents traducteurs de textes ésotériques. Plus précisément, Amoghavajra* et d'autres traducteurs de l'époque ont ajouté des notions telles que la protection de l'empereur plutôt que celle du peuple, comme cela avait été écrit à l'origine, ainsi que des concepts de piété filiale, qui restent une composante importante de la philosophie chinoise (réf.). En ajoutant ces deux éléments, le bouddhisme ésotérique est devenu plus populaire parmi les civils chinois et l'empereur en a soutenu la diffusion. Cela ne représente pas toutefois les véritables raisons du développement du bouddhisme ésotérique. Adapté plus tard au Japon le bouddhisme ésotérique conservera des éléments du bouddhisme ésotérique chinois. En fin de compte, en Chine le bouddhisme ésotérique n'a pas pu répondre pleinement aux attentes et aux promesses écrites dans les traductions d'Amoghavajra* et a fini par décliner. Si cela a marqué la première disparition du bouddhisme ésotérique en Chine, une autre tentative possible de renaissance du bouddhisme ésotérique s'est produite pendant la dynastie Song (960-1279) lorsque les tantras de la troisième phase de développement du bouddhisme ésotérique indien ont été traduits. Cette deuxième tentative a échoué pour plusieurs raisons, dont la traduction inadéquate du sanskrit au chinois. Un autre facteur important était que l'utilisation du sexe comme moyen d'atteindre l'Eveil ne coïncidait pas avec les valeurs chinoises. Malgré cela, sous la dynastie Ming (1368-1644), après la fin du bouddhisme ésotérique en Inde, le bouddhisme tibétain est devenu populaire parmi les Chinois puis les formes initiales du bouddhisme ésotérique chinois ont disparu en Chine, pour devenir plus tard la base du bouddhisme ésotérique japonais. (réf.).

 

SUITE
Retour