"Ainsi ai-je entendu"

Lettres et traités de Nichiren Daishonin. ACEP - vol. 3, p. 276; SG* p. 866.
Gosho Zenshu p. 1057 - Soya Nyudo Dono Gohenji ou Nyoze gamon gosho

Minobu, 28 novembre 1277, à Soya Kyoshin

 

J'ai bien reçu le rouleau sur lequel vous avez copié en petits caractères l'intégralité du sutra Myoho Renge Kyo*, ainsi que les deux kimonos doublés, les dix kan de pièces de monnaie et les cent éventails dont vous avez fait l'offrande pour la consécration du Sutra.

On lit, dans le premier volume du Hokke Mongu : «"Ainsi" dans "ainsi ai-je entendu" désigne l'enseignement que l'on a entendu de la bouche du Bouddha». Et il est dit, dans le premier volume du Hokke Mongu Ki*  : « Si "ainsi" ne désigne pas un enseignement qui dépasse les huit enseignements, comment pourrait-il s'agir de l'enseignement du Sutra du Lotus ?»

Le Sutra Kegon* commence par   : «Sutra Daihokobutsu Kegon. Ainsi ai-je entendu.» Au début du Sutra Hannya* on lit   : « Sutra Makahannya Haramitsu, ainsi ai-je entendu. » Le titre du Sutra Vairocana* comporte la mention   : « Daibirushana Jimbenkaji*, ainsi ai-je entendu. » Quel est donc le sens de cet "ainsi" dans le titre de ce sutra, comme dans celui des autres   ? Il se rapporte au titre de ces sutras. Quand le Bouddha exposait un sutra, il en formulait le principe essentiel dans le titre. Après sa disparition, lorsque ses auditeurs-shravakas, parmi lesquels Ananda, Manjushiri et Vajrasattva*, se rassemblèrent [pour compiler par écrit les enseignements du Bouddha], ils énoncèrent d'abord le titre [d'un sutra] et écrivirent ensuite "Ainsi ai-je entendu".

L'essentiel d'un sutra est contenu dans son titre. Par exemple, l'Inde comprend soixante-dix provinces et sa frontière s'étend sur quatre-vingt dix mille ri, et pourtant les hommes, les animaux, les végétaux, les montagnes, les rivières et les terres qui se trouvent en Inde sont contenus dans les deux caractères "Ge" et "Shi" qui signifient Inde. De même tout ce qui existe dans le monde, sur les quatre continents, se reflète clairement sur la face de la lune, sans que rien ne soit caché. Il en va de même pour les sutras. Les principes d'un sutra sont contenus dans son titre.

Les titres des sutras Agama*, par exemple, énoncent la conclusion de ces sutras, le principe que rien n'est constant. Ces titres sont cent millions de fois supérieurs aux deux caractères qui désignent l'existence et la non-existence utilisés dans les titres des textes non bouddhiques. [Les disciples de] 95 écoles non bouddhiques, après avoir entendu les titres des sutras Agama*, ont abandonné leurs conceptions erronées et ont reconnu comme une vérité le principe de l'impermanence. Ceux qui ont entendu les titres des sutras du Hannya haramita* se sont éveillés aux trois principes de taiku*, de tanchu* et de futanchu*.

Ceux qui ont entendu le titre du Sutra Kegon* se sont éveillés à tanchu* ou futanchu*.

Ceux qui ont entendu les titres des sutras Vairocana*, Hodo* et Hannya* , ont compris le principe de shakku* ou de taiku*  ; le principe de tanku* ou celui de futanku*, les principes de tanchu* et de futanchu*. Mais il n'est pas encore possible d'appréhender les principes de jikkai gogu, l'inclusion mutuelle des dix mondes-états, des cent mondes, des mille mondes ou des trois mille mondes qui conduisent au bienfait de myogaku, l'Éveil complet sans supérieur.

Aucun autre sutra, en dehors du Sutra du Lotus, n'expose cette conclusion ultime, par conséquent ceux qui croient en ces sutras sont [comparables à de] simples mortels parvenus au stade de ri-soku*. Les bouddhas et les bodhisattvas qui apparaissent dans ces sutras ne sont même pas égaux à de simples mortels parvenus au stade de myoji-soku* qui débutent dans la pratique du Sutra du Lotus. A plus forte raison, comment pourraient-ils atteindre le stade de kangyo-soku* alors qu'ils ne récitent pas daimoku   ? C'est pourquoi le Grand-maître* Zhanlan* déclare dans le Hokke Mongu Ki*  : «Si "Ainsi" ne désigne pas un enseignement qui dépasse les huit enseignements, comment cela pourrait-il être l'enseignement du Sutra du Lotus  ? » Les titres de tous les sutras provisoires se rangent dans les huit enseignements. Ils sont comme les mailles d'un filet, tandis que le titre du Sutra du Lotus est comparable à la corde qui noue toutes les mailles du filet.

Ceux qui, de nos jours, récitent le Titre de Myoho Renge Kyo même sans en connaître le sens s'éveillent non seulement au coeur du Sutra du Lotus, mais aussi à l'essentiel de tous les enseignements sacrés exposés par le Bouddha de son vivant.

Un prince héritier, par exemple, qui n'est encore âgé que d'un, deux ou trois ans, lorsqu'il accédera au trône, régnera sur le pays entier et le régent, les ministres, comme tous ses sujets, seront à son service, même s'il n'en a pas conscience. De même, un bébé, sans savoir ce qu'il fait, grandit naturellement, en tétant le sein de sa mère. [Par contre], un ministre orgueilleux, comme Zhaogao, qui méprise le prince héritier, provoquera sa propre ruine. Tous les maîtres des diverses écoles qui s'appuient sur d'autres sutras que le Sutra du Lotus et qui, comme le fit Zhaogao, méprisent le prince qui récite sincèrement le Titre du Sutra du Lotus tomberont dans l'enfer avici. Et, si un pratiquant sincère du Sutra du Lotus, qui récite son Titre, même sans en connaître le sens, se laisse intimider par les lettrés des diverses écoles et en vient à abandonner sa foi, il est comparable au petit empereur fantoche Huhai, qui prit la place du prince héritier mais se laissa intimider et finalement assassiner par Zhaogao.

Myoho Renge Kyo est non seulement le coeur de tous les enseignements sacrés exposés par Shakyamuni de son vivant, mais aussi le coeur et le corps du Sutra du Lotus, l'enseignement suprême. Pourtant, si merveilleux que soit cet enseignement, pendant les plus de deux mille deux cent vingt ans qui se sont écoulés depuis la disparition du Bouddha, personne ne l'a propagé. Les vingt-quatre successeurs du Bouddha ne l'ont pas propagé en Inde, pas plus que Zhiyi* et Zhanlan* en Chine. Au Japon, ni le prince Shotoku ni le Grand-maître* Saicho* ne l'ont propagé. Par conséquent, quand je l'expose, les gens refusent de le croire pensant qu'il s'agit d'un enseignement faux. C'est bien compréhensible. Par exemple, si un simple soldat avait prétendu avoir séduit Wang Zhao-gun, personne ne l'aurait cru. Puisque Zhiyi* et Saicho*, d'un rang aussi élevé que celui de ministre et d'aristocrate, n'ont pas propagé Namu Myoho Renge Kyo, le coeur du Sutra, comment, se demandent les gens, un moine d'une position aussi basse que la mienne pourrait-il le faire  ?

Vous l'ignorez peut-être mais il faut bien savoir que les corbeaux, les oiseaux les plus méprisés qui soient, peuvent annoncer des événements heureux ou malheureux qui se produiront dans l'année, alors que les aigles et les vautours en sont incapables. Un serpent est bien moins imposant qu'un dragon ou un éléphant, mais il peut pressentir une inondation sept jours à l'avance. Même si Nagarjuna et Zhiyi* avaient ignoré l'enseignement que je propage, s'il est clairement énoncé dans des passages du Sutra, comment est-il possible d'en douter  ? Mépriser Nichiren, et refuser de réciter Namu Myoho Renge Kyo, c'est être comparable à un bébé qui refuserait de téter ou à un malade qui, n'ayant pas confiance dans son médecin, refuse de prendre le médicament qui lui a été prescrit. Nagarjuna et Vasubandhu connaissaient cet enseignement mais ne le propagèrent pas, peut-être parce que le temps n'était pas venu et que les gens de leur époque n'avaient pas la capacité de le comprendre. D'autres ne l'ont pas propagé peut-être parce qu'ils l'ignoraient. Le bouddhisme se propage en fonction du temps et des capacités des gens. C'est pourquoi, même si je ne suis pas digne d'exposer un tel enseignement, je l'expose parce que c'est celui qui correspond au temps.

Les gens de notre époque considèrent les cinq caractères de Myo Ho Ren Ge Kyo comme un simple titre mais ce n'est pas cela. Myoho Renge Kyo est un corps et ce corps a un coeur. Le Grand-maître* Guanding* dit (réf.)  : "Ainsi la préface élucide le sens profond du Sutra et ce sens profond éclaire le coeur du Sutra." Selon cette interprétation Myoho Renge Kyo n'est pas une simple phrase ou uniquement le sens des mots qui composent cette phrase, mais c'est le coeur du Sutra tout entier. C'est pourquoi ceux qui cherchent le coeur du Sutra du Lotus en dehors du Titre sont comparables à la tortue qui cherchait le foie d'un singe en dehors du singe (note) ou au singe qui allait chercher des fruits au bord de la mer en tournant le dos aux arbres de la forêt. Comme c'est regrettable, comme c'est regrettable !

Nichiren
Le 28e jour du 11e mois de la 3e année de Kenji (1277)

Arrière-plan   : Lettre écrite au Mont Minobu en réponse à Soya Kyoshin, qui avait envoyé à Nichiren une copie du Sutra du Lotus qu'il avait transcrite en petits caractères. Ce texte est parfois appelé "Réponse à Soya Nyudo" mais le plus souvent Nyoze gamon gosho (le gosho "Ainsi ai-je entendu"), parce que Nichiren y explique le sens des mots nyoze gamon, "ainsi ai-je entendu".

Voir la version de la Nichiren Shoshu

En anglais   : "Thus I Heard" ou This Is What I Heard

- http : //www.sgilibrary.org/view.php?page=859&m=1&q=This%20Is%20What%20I%20Heard
- commentaires   : http : //nichiren.info/gosho/bk_ThusIHeard.htm

retour
haut de la page