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Les disciples laïcs de Nichiren

2. Shijo Kingo - Yorimoto
(1245-1300 dates présumées)

par le Rev. Kanji Tamura, Associate Professor, Rissho University
http : //www.nichiren-shu.org/


Shijo Kingo (de son vrai nom Nakatsukasa Saemon-no-jo Yorimoto) était, avec Toki Jonin , l'un des disciples les plus importants de Nichiren. Tout comme son père avant lui, il était attaché à la famille Ema (ou Nagoe) parente de la branche principale du clan Hojo et chargée principalement de l'administration.  Yorimoto occupait le poste de  Saemon-no-jo dans le gouvernement impérial qui, dans le système administratif Tang, était appelé Kingo. Conformément à l'usage, Yorimoto était appelé Shijo Kingo.

La famille Shijo aurait été au service des Hojo à Izu avant même leur ascension au pouvoir liée à la victoire de Minamoto Yoritomo sur le clan Taira. Cela expliquerait que le fief de la famille Shijo se soit trouvé à Izu.

L'adhésion de Shijo Kingo à l'enseignement de Nichiren date cependant d'avant l'exil de ce dernier à Izu. Alors qu'il propageait sa doctrine à Kamakura,   Nichiren résidait dans le quartier de Nagoe Matsubagayatsu  et son ermitage aurait été proche du domaine de la famille Ema (Nagoe), où travaillait Shijo Kingo. Nichiren et Shijo Kingo se seraient donc connus lors des tout débuts de  la mission de propagation de Nichiren. 

Nichiren donna le nom de "Nichigen" à l'épouse de Kingo. Elle avait deux ans de plus que son mari et tous les deux étaient des disciples fervents de Nichiren. On peut le voir, entre autres, dans la lettre que Nichigen reçut de Nichiren pour la guider dans sa 33ème année, prétendue "néfaste".  Il ressort des goshos  que Shijo Kingo n'avait pas encore d'enfants, que son fief était en deux parties et qu'il avait un frère aîné et deux frères cadets. Lors de la persécution de Tatsunokuchi, le 9ème mois de la 8ème année de Bun'ei (1271) d'après les paroles mêmes de Nichiren, la majorité de ses adeptes et disciples, près de 99%, ont abandonné la pratique, réduisant presque à néant son école. Shijo Kingo a frôlé l'exil et la perte de ses terres et n'a dû son salut qu'à l'intervention de son suzerain, Ema Mitsutoki. Alors que Nichiren était conduit sur le lieu de l'exécution où il devait être décapité, Shijo Kingo se précipita avec ses trois frères auprès de lui, prêt à le suivre dans la mort.  Plus tard, au Mt Minobu Nichiren écrivit  :  "Je me souviens comment, lorsque je devais être décapité, vous m'avez accompagné, tenant la bride de mon cheval et pleurant de désespoir. Pourrais-je un jour l'oublier  ! " La résidence de Shijo Kingo fut alors confisquée par le bakufu de Kamakura. Shijo Kingo resta un croyant fidèle à Nichiren tout au long de sa vie.

Après avoir échappé à l'exécution à Tatsunokuchi, Nichiren fut exilé à Sado.  Le 2ème mois de la 9ème année de Bun'ei (1272), Nichiren écrivit le Kaimoku sho (Traité pour ouvrir les yeux) sorte de mise au point pour lui-même, et l'a envoyé en premier à Shijo Kingo. Ce dernier était ainsi reconnu comme le guide du Sangha nichirenien. Cela montre également que Shijo Kingo était en mesure de comprendre en profondeur l'enseignement de Nichiren.  Le 9ème mois de la 9ème année de Bun'ei (1272), Shijo Kingo envoya à Sado un messager apportant différents dons et tout ce que Nichiren demandait pour célébrer le troisième anniversaire de la mort de sa mère. Nichiren lui écrivit une lettre de remerciements où il développait l'idée que la propagation du bouddhisme dépend de la croyance du souverain et où il donnait des exemples  comme la façon dont les qualités d'un souverain se répercutaient sur le destin de tout leur pays.  Il disait que les pays qui dénigraient le Dharma seraient inévitablement détruits et aussi que lui-même, Nichiren, rencontrait de nombreuses difficultés parce qu'il essayait d'arrêter le dénigrement du Dharma. Appréciant les différentes offrandes que Shijo Kingo avait envoyé pour la célébration commémorative de sa mère, Nichiren le loue en disant que le mérite conséquent à un don fait à l'Envoyé du Bouddha qui propage le Sutra du Lotus est supérieur à la protection d'innombrables bouddhas. Ensuite Nichiren ajoute que le Sutra du Lotus est le Dharma suprême attesté par les "trois bouddhas  (Shakyamuni, Taho et les bouddhas émanés)". Nous avons là "une empreinte directe"  exprimée en lettres de la voix de Shakyamuni prêchant le Dharma. C'est en cela que le Sutra du Lotus est le Bouddha Shakyamuni vivant. Et Nichiren dit à Shijo Kingo : "Les caractères de ce Sutra sont gorgés du dessein du Bouddha. Ainsi la graine, la pousse et le plant de riz ont des apparences différentes mais ont la même essence. Tout comme le Bouddha et les caractères du Sutra du Lotus. Ainsi, lorsque vous voyez les caractères du Sutra du Lotus, dites-vous que vous êtes en présence du Bouddha Shakyamuni lui-même."  Et Nichiren loue Shijo Kingo pour sa piété filiale qui l'a incité à commémorer la mort de sa mère par l'intermédiaire du Sutra du Lotus. Le Bouddha Shakyamuni ne manquera pas de reconnaître la profonde compassion de Shijo Kingo qui n'a cessé d'envoyer des offrandes dans la province lointaine de Sado.

Le conflit religieux avec son seigneur.

Alors que  Nichiren se trouvait au Mt Minobu un conflit religieux éclata entre Shijo Kingo  et son suzerain, le seigneur Ema, à cause de l'adhésion de Shijo Kingo au Sutra du Lotus et au daimoku.  Le seigneur Ema était un adepte de Ryokan (1217 - 1303), grand-prêtre du temple Gokuraku-ji de l'école Shingon-Ritsu, bouddhisme pour lequel la source de pouvoirs et d'énergie résidait dans la célébration de rites basés sur les préceptes.  Il était également disciple de Ryuzo-bo, moine tendai protégé par Ryokan.  Ryuzo-bo était un orateur éloquent qui exerçait ses activités dans le quartier Kuwagayatsu de Kamakura. Le 6ème mois de la 3ème année de Kenji (1277), Sammi-bo, un disciple de Nichiren, alla avec Shijo Kingo à Kuwagayatsu écouter un sermon de Ryuzo-bo. Là, Sammi-bo se confronta à Ryuzo-bo et réfuta ses arguments, le réduisant finalement au silence.  Un des collègues de Shijo Kingo, au courant de cet incident, le rapporta secrètement au seigneur Ema.  Ce dernier, très en colère, demanda à Shijo Kingo: 1) s'il était vrai qu'il avait assisté au sermon de Ryuzo-bo accompagné d'une faction armée,   2) si Shijo Kingo avait critiqué Ryokan et Ryozo-bo, dont Ema était disciple, 3) s'il était ou non soumis en toute occasion à ses parents et à son seigneur. Il ordonna à Shijo Kingo de renoncer  par écrit à sa croyance dans le Sutra du Lotus, conformément à la volonté de son suzerain.

Shijo Kingo écrivit immédiatement à Nichiren, l'assurant que jamais il ne signerait un tel engagement.  Nichiren le félicita pour sa détermination dans la foi dans le Sutra du Lotus et l'encouragea à rester ferme jusqu'au bout, même contre la volonté de ses parents et de son suzerain.  Pour Nichiren la véritable dette de reconnaissance à l'égard de ses parents et de son seigneur consistait à rechercher la bodhéité non seulement pour soi mais aussi pour la famille et ses supérieurs.

Finalement, suite à cet incident,   les terres de Shijo Kingo furent confisquées et remplacées par un domaine de moindre valeur. Mais bientôt la situation se retourna totalement. Nous ne savons pas exactement ce qui motiva le seigneur Ema, peut-être le caractère honnête et sincère de Shijo Kingo, ou peut-être que ce dernier eut à soigner et guérir quelque maladie. En tous cas, le changement intervint à l'initiative du seigneur Ema. Shijo Kingo fut pardonné, le 1er mois de la 4ème année de Kenji (1278), ses terres confisquées lui furent rendues l'année suivante et la relation entre les deux hommes redevint aussi solide que par le passé.

Shijo Kingo - médecin

Shijo Kingo était expert en médecine. On sait qu'il utilisait  différentes herbes médicinales.  Le neuvième mois de la troisième année de Kenji (1277), le seigneur Ema tomba malade. Comme sa maladie se prolongeait, il fit appel à Shijo Kingo. On peut supposer que cette maladie a aidé Shijo Kingo à regagner la confiance de son seigneur.

Nichiren aussi faisait confiance à sa médecine. Dans une de ses lettres à Shijo Kingo datée du sixième mois de la première année de Koan (1278), Nichiren écrit que  sa longue diarrhée qui durait depuis la fin de l'année précédente fut réduite à un centième grâce à la médecine efficace de Shijo Kingo. Et Nichiren lui exprime sa gratitude : "Je me demande si c'est le Bouddha Shakyamuni qui est entré dans votre corps pour venir à mon aide. Ce sont peut-être les bodhisattvas Surgis-de-Terre qui m'ont offert l'excellent remède de Myohorengekyo". (Les deux sortes de maladies) Dans sa lettre du neuvième mois de la deuxième  année de Koan (1279) Nichiren écrit : "La vie-mort de Nichiren lui a été confiée. Je ne consulterai aucun autre médecin." Ce sont bien là des paroles qui montrent à quel point Nichiren avait confiance dans la médecine de Shijo Kingo.

Les statues de Shakyamuni offertes par Shijo Kingo et par sa femme.

La deuxième année de Kenji (1276), Shijo Kingo fit faire une statue en bois de Shakyamuni et écrivit à Nichiren pour lui demander une cérémonie pour l'ouverture des yeux spirituels. Nichiren lui répondit que l'ouverture de yeux des images peintes ou sculptées du Bouddha peut être effectuée seulement au moyen Sutra du Lotus. Pour Nichiren il existe cinq sortes de vision (celle des êtres non éveillés, celles des êtres célestes, celle de la sagesse, celle du Dharma et celle du Bouddha). Elles sont naturellement présentes chez tous les pratiquants du Sutra du Lotus. Quant aux bouddhas, ils possèdent tous les Trois Corps  : Corps du Dharma* (vérité éternelle et universelle), Corps de rétribution (résultant de la pratique bouddhique) et Corps de Manifestation* (celui des bouddhas apparaissant en tant qu'êtres humains). Nichiren affirme que les cinq visions et les Trois Corps se trouvent uniquement dans le Sutra du Lotus, ce qui le rend indispensable pour la cérémonie d'ouverture des yeux. Plus loin Nichiren explique l'atteinte de la bodhéité par les plantes et les arbres en s'appuyant sur le principe d'ichinen sanzen (3000 mondes en un seul instant-pensée). Pour lui, les représentations peintes avec des extraits de plantes ou sculptées dans le bois ne sont que plantes et bois et seul le Sutra du Lotus peut conférer la spiritualité à ces représentations du Bouddha. La doctrine d'ichinen sanzen explicite le fait que l'instant-pensée du Bouddha pénètre toutes les existences. Ainsi le Sutra du Lotus possède le pouvoir d'insuffler l'esprit aux images peintes et sculptées même si elles gardent l'apparence de plantes et du bois. C'est pourquoi Nichiren écrit à Shijo Kingo que par la cérémonie de l'ouverture des yeux la statue de Shakyamuni va devenir un Bouddha vivant et que le Seigneur du Ciel de Brahma, le Soleil, la Lune et les Quatre Rois du Ciel protègeront Shijo Kingo sans discontinuer, tout comme l'ombre suit le corps. De même la deuxième année de Koan, Nichigen-nyo, la femme de Shijo Kingo, étant dans son année « néfaste » des 37 ans fit faire une statue en bois de Shakyamuni et l'offrit à Nichiren en tant que protection contre les calamités. Nichiren parle de ses immenses mérites et lui prédit la paix et la sérénité dans cette vie ainsi que la bodhéité dans la prochaine.  Dans une lettre de la cinquième année de Koan, Nichiren loue Shijo Kingo pour les réunions que tient celui-ci le huitième jour de chaque mois. Comme vous le savez, le 8 avril on célèbre la naissance de Shakyamuni. Nichiren écrit qu'il est heureux de voir Shijo Kingo et les autres font preuve de leur foi en célébrant ce jour et en rendant hommage au Bouddha et au Sutra du Lotus.

En lisant ces lettres nous notons çà et là que notre fondateur avait la conviction d'être un messager des disciples primordiaux du Bouddha qui ont surgi  de Terre.

SUITE : les frères Ikegami

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