Le but de ce livre est de présenter le Dharma bouddhique tel que l'enseigna et le pratiqua, il y a de cela plus de 750 ans, le moine japonais Nichiren Shonin (1222-1282), fondateur de la lignée bouddhiste Nichiren Shu. (⽇蓮宗). Le nom de Nichiren (⽇蓮) signifie « Lotus solaire » ; lui fut aussi attribué le titre « shōnin » (聖⼈), « sage ». Le titre composé « dai-shōnin » (⼤聖⼈), « grand sage », peut également s’utiliser. En 1358, l'empereur Go Kogon (1338-1374) conféra à Nichiren le titre de « daibosatsu » (⼤菩薩), « grand bodhisattva ». Un bodhisattva est un pratiquant bouddhiste dont le but est d'atteindre la bodhéité ou « l'Éveil complet et parfait sans supérieur ». En 1922, un édit impérial japonais lui octroya également le nom honorifique de « Rissho Daishi » (⽴正⼤師), un terme dont la traduction peut être « Grand Maître de la Justice ».

Nichiren dédia sa vie à soulager les souffrances des gens ordinaires. Il mit en évidence les erreurs que commettaient des écoles de pensée et des mouvements aussi élitistes que décadents, en démontrant qu’ils déformaient le véritable esprit du Dharma bouddhique. Il parvint à extraire l'essence même des enseignements bouddhiques les plus profonds et à mettre en place une pratique accessible pour que chacun puisse se libérer [de ses souffrances]. « Shū » (宗) est un mot japonais pouvant être traduit par « école », « ordre » ou même « tradition religieuse ». La Nichiren Shu est l'une des plus grandes écoles bouddhiques du Japon qui représente à la fois une confédération de lignées ayant hérité des six disciples principaux de Nichiren, et une association des plus grands temples historiquement liés à sa vie.

Nichiren étudia le Sutra du Lotus durant de nombreuses années et en fit la base de ses enseignements. Il était convaincu que le point culminant des enseignements du Bouddha Shakyamuni était contenu dans ce Sutra, et que ce Sutra exprimait avec exactitude et justesse la réalité ultime des enseignements bouddhiques. Tout comme Zhiyi (538-597), fondateur de l'école Tiantai en Chine, Nichiren était convaincu que le titre complet du Sutra du Lotus, « le Sutra de la Fleur du Lotus du Dharma Merveilleux », exprimait tous les mérites et la sagesse qui faisaient que Shakyamuni était véritablement un bouddha. Or, les enseignements de Nichiren indiquent qu’il existe un moyen autre que la récitation du nom d'un bouddha ou d'un bodhisattva pour se relier à la vérité la plus profonde qu’expose le bouddhisme, et cela par une pratique accessible à tous qui consiste à répéter une phrase exprimant sa « Dévotion au Sutra de la Fleur du Lotus du Merveilleux Dharma ».

Au Japon, cette phrase se prononce « Namu Myōhō Renge Kyō » et porte le nom de Odaimoku (御題⽬) ou «solennel, vénéré, auguste». Le terme Odaimoku est dérivé du mot japonais daimoku (題⽬), ou « titre », dont le préfixe honorifique « O » (御) peut se transcrire par « solennel ». [Pour illustrer cette idée,] invoquer le nom d'un être cher rappelle toutes les qualités et caractéristiques associées à cette personne. Il en va de même quand on se consacre à réciter l'Odaimoku du Sutra du Lotus. C’est ainsi que viennent à l’esprit la sagesse et les mérites du Bouddha, dont la nature véritable est également notre [véritable] nature.

Nombreux sont ceux qui pensent que pour atteindre l'éveil, il faille d’abord maîtriser des concepts philosophiques compliqués ou participer à de longues retraites consacrées à méditer en restant assis pendant des heures, ou adopter un style de vie monastique. Cependant, l’éveil est une révolution intérieure du cœur et de l'esprit, ce qui veut dire qu’on n’y parvient pas nécessairement par une technique ou un mode de vie lié à une culture particulière. La pratique de l’Odaimoku est censée agir comme un catalyseur qui provoquera ou déclenchera cette révolution intérieure dont le résultat sera que nous nous éveillions, tout comme s’éveilla le Bouddha autrefois : [dans ce sens,] « Namu Myoho Renge Kyo » exprime à la fois la source et le but ultime de tous les autres enseignements bouddhiques et des pratiques qui les accompagnent. [Ce mantra] représente ainsi la verbalisation symbolique de l'éveil du Bouddha.

Il pourrait sembler que réciter Odaimoku n’ait rien à voir avec les enseignements du Bouddha Shakyamuni, lequel enseigna le bouddhisme à partir des Quatre nobles vérités et de l'Octuple noble chemin. Le Bouddha Shakyamuni atteignit lui-même l'éveil dans le silence, en méditant en position assise. De plus, les premiers sutras ne furent rédigés que des centaines d'années après son décès, en particulier les sutras mahayana dont le Sutra du Lotus, des sutras qui n’étaient pas censés être une transmission textuelle des enseignements du Bouddha historique. Si l’on prend en compte l’ensemble de ces aspects, comment se fait-il que les bouddhistes nichireniens puissent prétendre que le meilleur moyen d’atteindre l'éveil soit de « chanter » le titre d'un sutra?

Une parabole bouddhique se prête bien à ce cas de figure : il était une fois un homme riche dont le voisin avait construit une belle tour de trois étages. Ayant décidé qu'il aimerait lui aussi avoir une telle tour, l'homme riche chargea un architecte d'en concevoir une et embaucha des hommes pour la lui bâtir. Cependant, lorsque l'équipe de construction se mit à creuser les fondations, l'homme riche en fut mécontent, pensant que l’équipe devait commencer par le sommet de la tour au lieu de se consacrer aux fondations. Stupéfait, l'architecte dut lui dire qu'il était impossible d’élever une tour sans qu’elle ne repose sur des fondations, puisqu’aucun sommet ne peut être construit s’il ne repose sur rien de solide.

Il en va de même si l’on essaie de comprendre les raisons pour lesquelles l'expression « Namu Myoho Renge Kyo » peut être l’apogée de l'enseignement et de la pratique bouddhiques : cela serait en effet impossible sans acquérir une base solide concernant l’essentiel des enseignements du Bouddha Shakyamuni ni connaitre la façon dont, au fil du temps, ces enseignements se développèrent théoriquement et pratiquement.

Cela ne signifie pas que tant que ne sont pas bien maîtrisées toutes les nuances de la pensée bouddhique l'on ne puisse pratiquer, ou comprendre l’Odaimoku ; cela signifie plutôt être capable d'apprécier ce que l’Odaimoku représente. La formule E=mc2 n'a de sens par exemple que pour ceux qui ont entendu parler d'Einstein ou de la théorie de la relativité.

J'espère donc être en mesure de fournir à mes lecteurs une base solide concernant le contenu des enseignements fondamentaux du bouddhisme et démontrer comment ces enseignements se déversent, tels de puissants fleuves, dans le vaste océan de la pratique d'Odaimoku. Comme l'a affirmé Nichiren, réciter l'Odaimoku peut sembler aisé alors qu’il s’agit d’un acte très profond. Si les prochaines pages parviennent à expliquer clairement ce que signifie le titre « Namu Myoho Renge Kyo » en termes de graine et de réalisation ultime des innombrables enseignements du Bouddha Shakyamuni, ce livre aura à mes yeux atteint son objectif.