Il y eut 
          autrefois en Chine un calligraphe du nom de Wu-long. Son talent était 
          exceptionnel et ses calligraphies,  très prisées.  Son talent était 
          exceptionnel et ses calligraphies,  très prisées. Mais,  
          quelle que fut l'insistance avec laquelle on le lui avait demandé,  
          il avait toujours refusé catégoriquement de calligraphier 
          le moindre passage d'un sutra bouddhique. Sur son lit de mort,  il fit 
          appeler son fils Yi-long et lui dit : "Tu es né dans notre 
          famille et tu as hérité de ma maîtrise dans l'art 
          de la calligraphie. Je suis ton père et j'exige que,  par fidélité 
          à mon égard,  tu ne transcrives jamais de textes bouddhiques. 
          Et surtout pas le Sutra du Lotus  ! Laozi que je révère comme mon maître,  porte le titre d'Honoré 
          du Ciel. Il ne peut y avoir deux soleils dans le même ciel ; pourtant,  
          dans le Sutra du Lotus,  le Bouddha déclare : "Moi 
          seul ai ce pouvoir [d'aider et de protéger les autres]  ! (réf.) C'est une affirmation absurde  ! Si tu trahis ma dernière 
          volonté et si tu copies un texte bouddhique quel qu'il soit,  
          je me changerai instantanément en un esprit maléfique 
          qui viendra t'ôter la vie."  
          Il n'eut 
        pas plus tôt prononcé ces mots que sa langue se fendit 
        en huit,  sa tête se brisa en sept morceaux,  le sang jaillit de 
        ses cinq organes des sens et il mourut. Mais son fils,  incapable de 
        distinguer le bien du mal,  ne comprit pas que si son père avait 
        manifesté ces symptomes épouvantables,  c'était 
        parce qu'il était tombé dans l'enfer avici pour s'être opposé au Dharma bouddhique. Le fils respecta 
        donc les dernières volontés de son père,  et s' 
        abstint de transcrire - et à plus forte raison de réciter 
        - des sutras bouddhiques. 
        Un certain 
        temps s'écoula ainsi. Le souverain de l'époque s'appelait 
        Si-ma. Désirant faire exécuter des copies du Sutra pour une cérémonie bouddhique,  il voulut connaître 
        le nom du meilleur calligraphe du pays. On lui répondit que c'était 
        Yi-long. Il convoqua donc ce dernier et lui exprima son désir. 
        Mais Yi-long refusa avec obstination. Voyant qu'il ne le ferait pas 
        changer d'avis,  le souverain ordonna à un autre calligraphe de 
        copier le texte du Sutra,  mais il ne fut pas satisfait du résultat. 
        Il convoqua donc de nouveau Yi-long à la cour,  et lui dit : "Par 
        respect pour les dernières volontés de votre père,  
        vous refusez de faire cette copie du Sutra que je vous demande. 
        Cela ne me paraît pas une excuse acceptable,  mais je m'en contenterai 
        pour l'instant,  si toutefois vous écrivez au moins les titres 
        de chaque chapitre." 
        Par trois 
        fois,  le souverain renouvela son ordre,  mais Yi-long refusa obstinément. 
        Le souverain,  son visage exprimant visiblement la colère,  lui 
        dit alors : "Tout ce qui est au ciel comme sur terre est gouverné 
        par le souverain  ! Votre père défunt n'était-il 
        pas l'un de mes sujets  ? Rien ne vous autorise à négliger 
        votre devoir d'intérêt public pour de simples motifs privés  ! Je vous ordonne de copier au moins les titres du Sutra. Sinon,  
        même si cela devait avoir lieu lors d'une cérémonie 
        bouddhique,  je vous ferai décapiter sur le champ  ! " 
        Yi-long 
        calligraphia donc uniquement le titre du Sutra,  copiant : Myoho-renge-kyo, volume un et ainsi de suite jusqu'au volume huit. 
        Dans la 
        soirée du même jour,  en rentrant chez lui,  il se lamenta : "J'ai trahi les dernières volontés de mon père 
        sous la contrainte d'un ordre donné par le souverain  ! J'ai 
        transcrit un sutra bouddhique et j'ai manqué à mon devoir 
        de piété filiale. Les divinités 
          du ciel comme celles de la terre ont dû éprouver de 
        la colère en me voyant faire,  et me considérer comme un 
        fils indigne  ! " 
        Et sur 
        ces mots,  il alla se coucher. Pendant la nuit,  il eut un rêve. 
        Dans une grande lumière,  aussi forte que le soleil à l'aube,  
        un être céleste lui apparut et se tint,  debout dans son 
        jardin,  accompagné d'une suite nombreuse. Dans les airs,  au-dessus 
        de la tête de cet être céleste,  se trouvaient soixante-quatre 
        bouddha. Yi-long joignit les mains et demandai : "Qui êtes-vous 
        donc,  habitant des cieux  ? " 
        L'être 
        céleste lui répondit : "Je suis ton père,  Wu-long. 
        Parce que je m'opposais au Dharma du Bouddha,  ma langue s'est fendue 
        en huit morceaux,  le sang a jailli de mes cinq organes des sens,  ma 
        tête s'est brisée en sept,  et je suis tombé dans 
        l'enfer avici. Les énormes 
        douleurs ressenties au moment de ma mort étaient déjà 
        épouvantables,  mais celles que je subis ensuite dans l'enfer avici furent cent,  mille,  cent mille 
        fois plus effroyables  ! La douleur d'un être humain,  si on 
        lui arrachait les ongles avec un couteau mal aiguisé,  ou si on 
        lui découpait la tête avec une scie,  si on le contraignait 
        à marcher sur des braises brûlantes ou si on l'emprisonnait 
        dans une herse - tout cela ne serait rien comparé aux souffrances 
        endurées dans cet enfer. J'aurais tant voulu pouvoir te dire 
        où je me trouvais,  mais c'était impossible. Ah  ! quel indicible regret j'éprouvais de t'avoir donné pour 
        dernière instruction,  au moment de ma mort,  de ne jamais copier 
        de sutra bouddhique  ! Mais il était trop tard,  les remords 
        étaient aussi inutiles que la haine que j'éprouvais envers 
        moi-même,  maudissant ma langue d'avoir prononcé ces mots. 
        "Puis,  
        hier matin,  le premier caractère du titre du Sutra du Lotus,  
        Myo,  apparut,  voletant dans les airs au-dessus du chaudron de l'enfer avici,  et,  là,  il se changea 
        en un Bouddha Shakyamuni nimbé de couleur dorée. Il possédait 
        les trente-deux traits caractéristiques 
        d'un bouddha,  et son visage était aussi épanoui que la 
        pleine lune. D'une voix forte,  il déclara : "Même de 
        simples mortels,  ayant détruit des bonnes causes en assez grand 
        nombre pour emplir tout l'univers,  parviendront immanquablement à 
        l'Éveil s'ils entendent ne serait-ce 
        qu'une fois le Sutra du Lotus." 
        "Puis,  
        venant de ce seul caractère [myo],  une forte pluie se mit à 
        tomber qui éteignit les flammes de l'enfer avici. 
        Le roi Yama inclina sa couronne 
        en signe de respect,  les gardiens de l'enfer jetèrent leurs bâtons 
        et se mirent au garde-à-vous,  et tous les prisonniers de l'enfer 
        regardèrent autour d'eux,  stupéfaits,  en se demandant 
        ce qui allait se passer. 
        "Alors,  
        le caractère Ho apparut dans les airs et opéra la même 
        métamorphose que le précédent,  suivi du caractère 
        Ren,  du caractère Ge,  et du caractère Kyo. De la même 
        manière,  soixante-quatre caractères apparurent en volant 
        et se transformèrent en soixante-quatre bouddha. La présence 
        de ces soixante-quatre bouddha dans l'enfer avici était comparable à l'apparition de soixante-quatre soleils 
        et lunes sous la voûte céleste. Une douce pluie d'ambroisie 
        tomba du ciel pour désaltérer les prisonniers. 
        Ceux-ci 
        demandèrent quelle était la raison de tant de bienfaits. 
        Les soixante-quatre bouddhas répondirent  : "Nos corps nimbés 
        d'or ne sont pas faits en bois de santal ; ils ne proviennent pas non 
        plus d'une montagne aux trésors. Nous sommes les huit fois huit 
        caractères,  les soixante-quatre caractères composant les 
        titres des huit volumes du Sutra du Lotus,  copiés par 
        Yi-long,  le fils de Wu-long,  qui se trouve ici dans l'enfer avici. 
        La main de Yi-long appartient à un corps conçu par Wu-long,  
        et les caractères écrits de la main de son fils,  c'est 
        comme si Wu-long les avait écrits de sa propre main." 
        En entendant 
        cela,  les prisonniers de l'enfer avici se dirent : "Quand nous vivions dans le monde 
          saha,  nous aussi,  nous avions des enfants,  une épouse et 
        des proches. Nous nous sommes demandé pourquoi aucun d'eux ne 
        priait pour notre repos. Et nous avons pensé que,  même 
        s'ils le faisaient,  leurs prières n'avaient peut-être pas 
        assez de force pour qu'un effet bénéfique parvienne jusqu'à 
        nous. Nos constantes lamentations n'y ont rien changé. Un jour,  
        deux jours,  une année,  deux années,  un demi kalpa,  
        un kalpa entier se sont écoulés 
        jusqu'à ce que nous rencontrions enfin un bon 
 bouddhique et maintenant nous sommes sauvés  ! " 
          Ainsi chacun 
        de nous est devenu disciple [de ces bouddhas] et nous allons bientôt 
        monter au Ciel Trayastrimsha. 
        Avant notre départ,  je suis venu m'incliner devant toi." 
        Telles furent les paroles prononcées par l'être céleste. 
        Dans son 
        rêve,  Yi-long débordait de joie. Après le décès 
        de son père,  il s'était demandé dans quel monde 
        il le reverrait. Et maintenant,  il le reconnaissait,  en même temps 
        qu'il découvrait les bouddhas qui l'accompagnaient. Puis les 
        soixante-quatre bouddha déclarèrent : "Nous ne servons 
        aucun maître en particulier. Vous serez notre bienfaiteur. A dater 
        d'aujourd'hui,  nous vous garderons et vous protègerons comme 
        un membre de notre propre famille. Ne vous relâchez jamais. Et,  
        au terme de votre vie,  nous ne manquerons pas de venir vous chercher 
        pour vous conduire dans la cour intérieure du  Ciel Tushita." Telle fut la promesse faite. 
        Empli d'admiration respectueuse,  Yi-long fit ce serment : "A dater 
        de ce jour,  jamais plus je ne calligraphierai un seul caractère 
        d'écrits non bouddhiques." Son attitude était identique 
        à celle du bodhisattva Vasubandhu jurant de ne plus jamais réciter les sutras du Hinayana,  
        ou celle de Nichiren déclarant qu'il ne réciterait jamais 
        plus le nom du bouddha Amida. 
        Une fois 
        éveillé de son rêve,  Yi-long le rapporta au souverain. 
        Ce dernier émit alors un décret disant : "Maintenant,  
        la cérémonie bouddhique que je projetais a déjà 
        eu lieu. Une prière devra être écrite pour relater 
        ce qui s'est passé." Yi-long obéit au décret 
        royal. Le résultat fut que des gens,  en Chine comme au Japon,  
        commencèrent à avoir foi dans le Sutra du Lotus. 
        Ce récit se trouve dans un texte chinois intitulé Hokke 
        denki.  
        Lettre à Horen (Minobu, 
    avril 1275 à Soya Kyoshin)  
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