KAJI-KITO

The Development of Kaji Kito in Nichiren Shu Buddhism
Kyomi J. Igarashi
Submitted in Partial Fulfillment  of the rerequisite for
Honors in Religio April 2012
Copyright 2012 Kyomi J. Igarashi

Le développement du Kaji Kito dans le bouddhisme Nichiren Shu


INTRODUCTION


L'objectif principal de cette thèse est de participer à la prise de conscience de l'importance cachée et souvent méconnue du kaji kito généralement traduit par "prière rituelle" au sein du bouddhisme de la Nichiren Shu, école japonaise fondée pendant la période Kamakura (1185-1333) par le moine bouddhiste Nichiren (1222-1282). La plupart des érudits occidentaux, étudient le terme en corrélation avec le shugendo, pratique ascétique qui syncrétise des éléments du bouddhisme et du shintoïsme, c’est-à-dire la pratique autochtone d'adoration des kamis. Par conséquent, la majorité des sources et la compréhension de l'incorporation du kaji kito dans des traditions spécifiques du bouddhisme japonais restent uniquement en japonais, écrites par des Japonais. De plus, l'utilisation des sources japonaises est limitée en raison de la nature cachée de la pratique et de l'entraînement au kaji kito généralement transmis oralement et directement de maître à disciple. Malgré ces limitations, nous espérons que cette thèse permettra de mieux comprendre la notion de prière rituelle et sa signification souvent oubliée dans le bouddhisme nichirenshu.

La raison pour laquelle j'ai choisi ce sujet vient de ma propre éducation religieuse en tant que fille d'un prêtre de la Nichiren Shu. Dès mon plus jeune âge, j'ai eu de nombreuses occasions d'observer des traditions bouddhistes particulières, à la fois dans mon temple et dans ma famille. Le fait d'avoir mes parents pour m'enseigner l'importance de ces traditions et les pratiques particulières des laïcs m'a été d’un grand secours pour m'adapter à ces coutumes qui étaient souvent non seulement bouddhistes, mais aussi parfois de mentalité très japonaise. Ce n'est que lorsque j'ai été plus exposée à la diversité religieuse si répandue aux États-Unis, que j'ai commencé à comprendre et à reconnaître le caractère spécifique de la pratique de ma famille et que j'ai voulu en apprendre davantage. Cependant, étant donné que je suis née et grandi aux États-Unis, il y a certaines choses que j’ai eu du mal à accepter, dont les pratiques qui ne peuvent être faites qu'au Japon.

Mon intérêt pour le kaji kito vient des souvenirs d'enfance de la participation de mon père à l'aragyo, entraînement ascétique auquel se soumettent certains prêtres de la Nichiren Shu. Mon père participait à cette pratique lors  d'événements "spéciaux" au sein de la famille, tels que la naissance de mon jeune frère. Les quatre mois d'absence de mon père était toujours pour moi un événement très contestable, notamment parce que je ne savais pas ce qu’il faisait et que personne ne pouvait me donner les réponses que j’attendais. Les seuls souvenirs que j'ai sont ceux de ma mère priant pour la santé de mon père car la sévérité de la pratique ascétique avait conduit certains participants à l'hospitalisation et même à la mort.

La rédaction de cette thèse m'a donné l'occasion de répondre aux questions que je me posais encore sur le kaji kito et l'aragyo ainsi que l'opportunité de comprendre la raison d’être de cet entraînement et en quoi il était si important pour mon père et par conséquent, pour ma famille.

La première partie de cette thèse sera consacrée aux racines historiques et religieuses du kaji kito. Alors que des sources indiquent que le bouddhisme shingon et le bouddhisme tendai, deux traditions japonaises qui ont précédé l'époque de Nichiren, ont directement influencé le kaji kito nichirenshu elles ont néanmoins pris naissance plus loin, en dehors du Japon. Il s’agit de comprendre le phénomène kaji kito qui précède son introduction dans le bouddhisme de la Nichiren Shu et même dans le bouddhisme japonais dans son ensemble, dans le bouddhisme ésotérique*. Cette pratique remonte en fait à l’Inde avant qu'elle ne se répande dans plusieurs pays voisins. La discussion portera également sur le développement du bouddhisme ésotérique au Tibet et en Chine, à l'époque où la prévalence du bouddhisme indien était sur le point de disparaître.
Bien que le terme kaji kito "prière rituelle" n’apparaitra pas dans cette section, les caractéristiques spécifiques du kaji kito actuel - qu'il s'agisse de rituels ou de doctrines – sont probantes. En nous penchant sur le bouddhisme ésotérique dans ces pays, nous progresserons dans la compréhension des raisons historiques et religieuses de son incorporation dans l’ésotérisme shingon et tendai tel qu’il transparait dans les biographies des fondateurs : Kukai (774-835), fondateur de la tradition shingon et Saicho (767-822) qui l’a fait pour le Tendai. À ce stade, le terme kaji kito a été introduit avec l’explication détaillée des termes "kaji" et "kito" et nous verrons les raisons de la fusion de ces termes. Le terme "kaji" sera principalement expliqué dans le contexte du bouddhisme japonais, particulièrement celui de Kukai. C'est à lui que se réfèrent la plupart des traditions du bouddhisme japonais qui utilisent le kaji kito.

La deuxième section analysa comment Nichiren a développé son approche et sa propre interprétation de kaji kito en examinant la vie et la personnalité de Nichiren. Les motifs de ses actions sont souvent mal compris en raison de son caractère fougueux alors qu’ils jouent un rôle déterminant dans la tradition nichirénienne. Ensuite, nous analyserons l'explication que Nichiren donne du mikkyo et la controverse due à l’introduction du mikkyo dans ses enseignements. Des documents comprenant quelques écrits personnels de Nichiren montrent qu'il a soigneusement étudié les enseignements de nombreuses autres écoles bouddhistes. L'analyse de ses textes permet d'expliquer en particulier ses interprétations du kaji kito et la raison pour laquelle il l'a introduit dans sa tradition. Je souligne que l'objectif principal de Nichiren était d'apporter aux gens le bonheur et la paix. Un regard rapide sur le Sutra du Lotus, le sutra central du bouddhisme nichirenien dans l’optique du kaji kito, permettra également de comprendre les origines de sa pratique. La section se terminera en notant que les méthodes de kaji kito développées et pratiquées à l'époque de Nichiren restent les mêmes en termes d'objectifs, mais que la pratique elle-même a considérablement changé au fil du temps.

La majeure partie de la troisième section portera sur le kaji kito après la mort de Nichiren. Une analyse historique de ce développement et de ce changement dans la compréhension et la pratique du kaji kito a été une source de confusion et de controverse, mais elle reflète également les différents moyens utilisés par les disciples pour tenter de clarifier et diffuser les enseignements de Nichiren. Par conséquent, la discussion portera principalement sur sa définition par la Nichiren Shu, une des écoles les plus anciennes et prééminentes du bouddhisme nichirénien qui subsistent aujourd'hui. Cela est important en raison des nombreuses branches du bouddhisme issues des enseignements de Nichiren, qui ont suivi sa mort et qui se sont développées au cours des 750 années. Nous noterons quelques caractéristiques du kaji kito dans la Nichiren Shu, notamment l'utilisation du bokken, (bâton en bois en forme de sabre) ainsi que du juzu.

L'aragyo, une pratique ascétique de 100 jours qui a lieu au Japon chaque année de novembre à février, est une caractéristique spécifique de la formation au kaji kito et développée surtout après l'époque de Nichiren. Étant donné que les connaissances acquises physiquement lors de l'aragyo définissent actuellement  l’emploi du kaji kito par la Nichiren Shu, la majorité des discussions historiques et religieuses du début de cette section porteront sur l'histoire et le développement menant à la pratique actuelle de l'aragyo. Peu de travaux relatifs à l'aragyo sont connus ni même existent dans le monde universitaire, ce qui pourrait être attribué non seulement au caractère secret de la pratique, mais aussi aux règlements stricts du lieu de pratique (au temple Nakayama Hokekyo-ji), qui en interdit l'entrée aux laïcs. Ce n'est qu'après avoir accompli la totalité des 500 jours de pratique que les prêtres sont considéré comme ayant acquis la formation nécessaire qui leur donne le privilège de mener des rituels spéciaux et de réciter des prières spéciales. Cependant, étant donné que la formation à l'aragyo n'est pas obligatoire pour tous les prêtres nichirenshu, et pour plusieurs autres raisons, y compris la sévérité de la pratique, comme nous le verrons plus tard, il est rare que les prêtres fassent l’aragyio cinq fois. Les informations sur aragyo m’ont été fournies par mon père, qui est, à ce jour, le seul prêtre de la Nichiren Shu vivant en dehors du Japon à avoir parachevé les 500 jours.

La section se termine par l’examen des déités importantes car la prière du kaji kito résulte des connexions avec les esprits et les déités supérieures. Les divinités spécifiques qui seront analysées sont Hariti (Kishimojin), les dix raksasis (Juryasetsunyo) et Mahakala (Daikokuten). L'objectif de cette section est de proposer une explication de ces trois divinités destinées à maintenir ce que je considère comme l'objectif de Nichiren : apporter à tous le bonheur et la paix.

Bien qu'une grande partie de mon analyse apparaissent déjà dans les trois premières sections, la dernière sera une réflexion sur mes propres conclusions sur la question de savoir si l’essence du kaji kito d'aujourd'hui reste la même que celle que Nichiren a développée il y a plus de 700 ans. L'analyse portera également sur mon analyse de l'importance de la prière qui a permis à cette pratique de perdurer et sur la manière dont elle pourrait jouer un rôle dans l'avenir du bouddhisme de la Nichiren Shu.

Comme indiqué précédemment, en raison du mysticisme et des secrets cachés du kaji kito, il n'existe pas dans le bouddhisme de Nichiren beaucoup de sources s’y  rapportant directement et par conséquent, il y a encore de nombreux aspects du kaji kito qui manquent d'interprétation et d'analyse qui auraient été importants pour cette thèse. La plupart des sources que j'ai pu trouver sont en japonais, et j'ai dû en traduire la majorité

Le peu des sources japonaises utilisées ont été collectées lors de mon voyage au Japon en décembre 2011, et m’ont grandement aidée à formuler mes propres interprétations. Par conséquent, en dehors de l’analyse ci-dessous, la majorité des informations n’ont pas encore été discutées dans le monde érudit occidental. Par ailleurs, par manque de publications, certaines sources utilisées ne comportent pas de dates, dont les dates de naissance et de décès des prêtres importants cités dans la troisième section. La plupart des termes japonais ont été mis en italique et les kanji ont été omis sauf s'ils étaient importants pour la compréhension du sujet traité.

Je souhaite vivement continuer à étudier ce sujet après la soumission de cette thèse car comme le lecteur le verra, il y a encore beaucoup de choses à comprendre. Un plus grand développement pourrait être fait sur toutes les sections de cette thèse, en particulier sur le rôle du kaji kito après la mort de Nichiren et les raisons de l'incorporation d'objets et de divinités spécifiques qui sont devenus caractéristiques du kaji kito nichirenshu. J’espère que cette thèse permettra à un grand nombre de personnes de mieux connaître le kaji kito de Nichiren, mais aussi de clarifier ses enseignements et les intentions propres à la tradition nichirénienne du bouddhisme japonais.

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