KAJI-KITO

 

Le développement du Kaji Kito dans le bouddhisme Nichiren Shu

CHAPITRE TROIS :

Développement du mikkyo au Japon par Saicho

Biographie de Saicho

Saicho (767-822) est le moine bouddhiste qui a fondé au Japon l'école Tendai basée sur la tradition chinoise Tiantai, et caractérisée par sa focalisation sur le Sutra du Lotus (Saddharma Pundarika Sutra), un texte majeur du bouddhisme Mahayana. Saicho est né dans une famille de bouddhistes et a rejoint un monastère à un très jeune âge. On pense que ses études sur la méditation et les doctrines du Kegon (École de la Guirlande de fleurs) durant cette période ont influencé certaines de ses interprétations et analyses doctrinales. Il s'est finalement rendu au Mont Hiei, et y est resté près de dix ans. Là, il étudia la pratique chinoise de la méditation tiantai, consignée dans les textes kegon, et parvint également à se procurer plusieurs textes tiantai qui avaient été apportés au Japon par Ganjin (688-763) en 754. Les personnes qui l'avaient précédé ne s'étaient guère intéressées à ces textes. Vers 795, la cour accrédita l'intégration du bouddhisme dans le pays en soutenant plusieurs moines bouddhistes dont Saicho (réf.). Il s'est rendu en Chine dans le cadre de la même expédition que Kukai en 804. Son objectif était de comprendre la lignée tiantai du Dharma, qui, à terme, influencera le développement du Tendai au Japon. A Ling-yen-su Saicho, a rencontré Shunxiao qui lui fournit plusieurs textes et sutras. C'est à cette époque qu'il s'initie aux textes ésotériques, pour découvre lors de son retour au Japon que Kukai avait déjà étudié et obtenu ailleurs la collection complète des textes tantriques.

Lorsque Saicho revint de Chine en 806, l'empereur Kammu (737-806) reconnut la prévalence de la Tendai-hokke-shu, connue sous le nom d'" École du Lotus", et Saicho, avec le soutien impérial, reçut la permission d'établir son école sur le Mont Hiei. Deux ordinations distinctes avaient alors cours, comprenant à la fois des études du programme mikkyo du Mahavairocanasutra  et le programme tendai proprement dit centré sur les travaux de Zhiyi (538- 597), le patriarche tiantai. En 822, peu après la mort de Saicho, l'empereur Saga accepta malgré une forte opposition, d’accorder le droit de procéder à des ordinations monastiques sur le Mont Hiei en utilisant non pas le code Vinaya de toutes les ordinations monastiques précédentes au temple Todai-ji, mais les préceptes de bodhisattva du bouddhisme Mahayana (réf.).

Les caractéristiques ésotériques du bouddhisme tendai

Le bouddhisme mikkyo ainsi que le bouddhisme tiantai de Chine ont, à part égale,.influencé l'école Tendai. La curiosité envers le bouddhisme ésotérique s’était déjà manifesté dans les monastères tiantai en Chine et Saicho n'était pas le premier à essayer de faire fusionner les deux traditions (réf.). Cependant, comparé aux moines chinois, Saicho plaçait les deux traditions à des niveaux presque équivalents, donnant ainsi au bouddhisme ésotérique un rôle plus central au sein du bouddhisme tendai. Saicho pensait que les deux étaient des éléments nécessaires pour guider les pratiquants vers l'Eveil par un chemin plus direct que celui du bouddhisme de Nara (réf.). Avant le retour de Kukai au Japon, après lequel il revendiqua la position de dirigeant de la lignée japonaise du bouddhisme ésotérique, Saicho avait déjà effectué le rituel d'initiation bouddhiste ésotérique de l'abhiseka (kanjo) pour les prêtres de haut rang au sein de Nara ainsi que pour des notables de la cour impériale de Heian*. Le rituel lui-même remonte à la dynastie Tang en Chine et l'on peut donc penser qu'il a été perfectionné au retour de Kukai (réf.).

La relation envenimée entre Saicho et Kukai est bien connue dans l'histoire du bouddhisme japonais. Leur collaboration ratée remonte à la demande de Saicho, en 812, de recevoir de Kukai l'initiation d'introduction au bouddhisme ésotérique. Kukai a accepté et a également accordé l'initiation de deuxième niveau, mais a refusé de conférer l'initiation finale car cela aurait qualifié Saicho de maître du bouddhisme ésotérique. Saicho continua à étudier et à copier les textes mikkyo qu'il avait empruntés à Kukai. Cependant, à la fin, Kukai condamna l'approche de Saicho du mikkyo, sous prétexte qu'elle transgressait le samaya*, promesse de maintenir le secret des enseignements ésotériques. Il est intéressant de noter que si le mikkyo était ce qui avait réuni Saicho et Kukai, c'est la différence de compréhension du mikkyo entre les deux qui mit fin à leur relation (réf.).

Nous avons vu que c’est Saicho lui-même qui a incorporé les enseignements mikkyo de Kukai et pouvons constater que les méthodes tendai de mikkyo sont très similaires à celles du  Shingon. Cependant, de nombreuses contributions de Saicho sont plus pertinentes dans le contexte de cette thèse et pour comprendre le développement du mikkyo dans le bouddhisme Nichiren. Par conséquent nous reviendrons sur une grande partie des interprétations de Saicho.

Une autre contribution importante de Saicho fut son introduction au Japon du Sutra du Lotus, le sutra central de l'école Nichiren. Et il en fut de même pour le concept d’ichinen sanzen* (réf.). Le concept lui-même a été développé plusieurs décennies après la mort de Saicho par un prêtre tomitsu nommé Annen. La principale contribution de Saicho à l'école Nichiren demeure non seulement dans le mikkyo mais aussi dans la compréhension générale du Sutra du Lotus.
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