Le Sûtra du Lotus

DICTIONNAIRE
Traduit du chinois par Jean-Noël Robert

copyright Rissho Kosei-kai et Librairie Arthème Fayard, 1997
Chapitre X - Le maître de Loi


En cette heure, le Vénéré du monde, à travers l'être d'Éveil Roi des Remèdes, déclara aux quatre-vingt mille grands seigneurs :
- Roi des Remèdes, vois-tu, dans cette vaste multitude, les innombrables dieux, rois dragons, silènes, centaures, titans, griffons chimères, pythons, humains et non-humains, ainsi que les moines et nonnes, pieux laïcs et laïques pieuses, ceux qui sont en quête de l'état d'auditeur, en quête de l'état d'éveillé pour soi, en quête de la voie d'Éveillé ? Ces êtres de toutes espèces qui, face à l'Éveillé, entendent ne serait-ce qu'une stance ou un verset du Livre du lotus de la Loi sublime et qui, ne serait-ce qu'un instant, s'en réjouissent en conséquence, je leur donne à tous l'annonciation qu'ils obtiendront l'Éveil complet et parfait sans supérieur.
L'Éveillé déclara à Roi des Remèdes :

De plus, si, après le passage en Disparition de l'Ainsi-Venu, quelqu'un entend le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'une stance ou un verset, et s'en réjouit en conséquence, ne serait-ce qu'un instant, je lui donnerai également l'annonciation de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. Et si, encore, il se trouve des gens qui reçoivent, gardent, lisent, récitent, expliquent ou recopient le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'une stance, qui regardent les volumes de ce livre canonique avec le même respect que l'Éveillé, qui lui font des offrandes de toutes sortes, de fleurs, d'encens, de colliers, de poudres, d'onguents, de fumigations, de dais de soie, de bannières, de vêtements, de musique, ou même joignent les paumes en vénération, eh bien, sache-le, Roi des Remèdes, de telles personnes auront déjà fait offrande à des centaines de milliers de myriades d'Éveillés, auront accompli, auprès des Éveillés, le grand Voeu, et c'est par commisération pour les êtres qu'ils seront nés comme humains.

Roi des Remèdes, si l'on demande quels êtres pourront, dans un âge à venir, devenir Éveillés, il faudra montrer que ce sont ces gens qui, dans un âge à venir, obtiendront forcément de devenir Éveillés. Pourquoi cela ? C'est que, si des fils et des filles de bien reçoivent, gardent, lisent, récitent, expliquent et recopient ne serait-ce qu'un verset du Livre du lotus de la Loi sublime et font aux volumes du texte canonique toutes sortes d'offrandes de fleurs, encens, colliers, poudres, onguents, fumigations, dais de soie, bannières, vêtements, musique, ou joignent les paumes en vénération, de telles gens seront regardés avec respect par l'ensemble des mondes, on leur fera offrande des offrandes dues à l'Ainsi-Venu.

Sache-le : de telles personnes sont de grands êtres d'Éveil qui, ayant accompli l'Éveil complet et parfait sans supérieur, ont pris en pitié les êtres et ont fait voeu de naître parmi eux pour exposer largement et détailler le Livre du lotus de la Loi sublime. A plus forte raison ceux qui peuvent le recevoir et le préserver complètement et lui faire toutes sortes d'offrandes.

Sache-le, Roi des Remèdes, ces gens renoncent d'eux-mêmes à la rétribution de leurs actes purs; après mon passage en Disparition, ils renaîtront en un âge mauvais par pitié pour les êtres et exposeront largement ce livre. Si quelqu'un, fils ou fille de bien, après mon passage en Disparition, prêche le Livre du lotus de la Loi sublime, n'en serait-ce qu'un verset, en secret, à une seule personne, il faut savoir que cette personne est un messager de l'Ainsi-Venu, envoyé par l'Ainsi-Venu pour mener l'oeuvre d'Ainsi-Venu. A plus forte raison pour qui prêche largement aux gens d'une vaste multitude.

Roi des Remèdes, si un méchant, d'un coeur sans bonté, apparaît au cours d'un éon devant un Éveillé pour constamment l'insulter, sa faute sera encore légère. Si quelqu'un, ne serait-ce que d'une seule mauvaise parole, calomniait celui, laïc ou religieux, qui lit et récite le Livre du lotus de la Loi, sa faute sera fort lourde. Roi des Remèdes, s'il se trouve quelqu'un qui lit et récite le Livre du lotus de la Loi, il faut savoir que cet homme se parera lui-même des ornements d'Éveillé, qu'il se trouvera alors porté sur les épaules de l'Ainsi-Venu. Là où il se rendra, il sera honoré en conséquence : de tout coeur on le saluera les paumes jointes, on lui fera offrande, on le vénérera, on le louera avec des fleurs, de l'encens, des colliers, des poudres, des onguents, des fumigations, des dais de soie, des bannières, des vêtements, des mets délicats; on jouera pour lui de la musique. On lui fera offrande de ce qu'il y a de plus haut chez les hommes; on apportera, pour les répandre sur lui, de célestes joyaux; des amas de joyaux du plus haut du ciel lui seront offerts en hommage. Et cela pour quelle raison ? C'est que qui écoutera cette personne, ne serait-ce qu'un bref instant, prêcher la Loi dans l'allégresse, pourra parachever l'Éveil complet et parfait sans supérieur.

Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
       Qui désire demeurer dans la voie d'Éveillé
       et réaliser la sagesse spontanée
       devra constamment s'appliquer à faire offrande
       à ceux qui maintiennent le Lotus de La Loi.
       Que ceux qui désirent au plus vite obtenir
       la sagesse portant sur toutes les espèces
       préservent ce livre
       et fassent aussi offrande à ceux qui le maintiennent.
       Ceux qui sont capables de préserver
       le Livre du lotus de la Loi sublime
       sont, il faut le savoir, des envoyés de l'Éveillé,
       prenant les êtres en pitié.
       Tous ceux qui sont capables de préserver
       le Livre du lotus de la Loi sublime
       renoncent à leur terre purifiée
       et, par pitié des êtres, naissent ici.
       Ces gens, sachons-le,
       sont libres de naître où ils le désirent
       et peuvent, en ce mauvais âge,
       prêcher largement la Loi insurpassable.
       Il faut, par des fleurs et parfums célestes,
       des vêtements aux joyaux célestes,
       de sublimes amas de joyaux du plus haut des cieux,
       faire offrande à ceux qui prêchent la Loi.
       Dans le mauvais âge d'après ma Disparition,
       ceux qui pourront maintenir ce livre
       devront être honorés les paumes jointes,
       comme on fait offrande au Vénéré du monde
       De plats excellents, de douceurs splendides,
       de toutes sortes d'habits aussi,
       il sera fait offrande à ces enfants d'Éveillé,
       dans l'espoir de pouvoir, ne serait-ce qu'un bref instant, les entendre.
       Si quelqu'un peut, dans un âge ultérieur,
       recevoir et préserver ce livre,
       je l'enverrai parmi les hommes
       pratiquer l'oeuvre d'Ainsi-Venu.
       Si, durant tout un éon,
       ayant constamment au coeur une pensée sans bonté,
       on faisait des mines et insultait l'Éveillé,
       les fautes encourues seraient incalculablement graves;
       s'il se trouvait quelqu'un pour lire, réciter, maintenir
       ce Livre du lotus de la Loi,
       et qu'on médisait de lui, même un bref instant,
       la faute alors dépasserait l'autre.
       Si quelqu'un, en quête de la voie d'Éveillé,
       pendant tout un éon,
       les paumes jointes devant moi,
       faisait mes louanges en d'innombrables stances,
       du fait de ces hymnes à l'Éveillé,
       il obtiendrait des mérites incalculables;
       qui fait l'éloge de ce livre et le préserve
       aura davantage encore de mérites.
       Qui, pendant quatre-vingt myriades d'éons,
       des plus subtiles formes et voix,
       mais aussi odeurs, saveurs, sensations tactiles,
       aura fait offrande à ceux qui maintiennent ce livre,
       si, ayant fait de telles offrandes,
       il peut l'entendre, ne serait-ce qu'un bref instant,
       il aura alors tout lieu de se réjouir :
       « Quel grand bénéfice j'ai à présent obtenu ! »
       Roi des Remèdes, je te le déclare maintenant :
       de tous les textes canoniques que j'ai exposés,
       parmi tous ces livres,
       le Lotus de la Loi est primordial.

Alors l'Éveillé déclara encore à l'être d'Éveil Roi des Remèdes, le grand être :
Parmi les innombrables millions de myriades de textes canoniques prêchés par moi dans le passé, le présent et l'avenir, ce Livre du lotus de la Loi est le plus difficile à croire, le plus difficile à comprendre. Roi des Remèdes, ce livre est le réceptacle des arcanes des Éveillés; il ne peut être distribué ni donné à la légère aux hommes. Sauvegardé par les Éveillés Vénérés du monde, jamais encore dans les temps anciens il n'avait été révélé. Or ce livre canonique, alors même que l'Aînsi-Venu est présent en personne, est déjà en butte à mainte rancoeur; à plus forte raison alors après son passage en Disparition.

Sache-le, Roi des Remèdes : après la Disparition de l'Ainsi-Venu, ceux qui seront capables de le recopier, le préserver, le lire, le réciter, l'honorer, et le prêcher aux autres, l'Ainsi-Venu les revêtira de son habit et ils seront aussi protégés par les Éveillés qui seront apparus en personne dans les autres orients. Ces gens seront pourvus de grande force de foi, de force de résolution, de force de racines de bien. Ces gens, sache-le, cohabiteront avec l'Ainsi-Venu, et auront la tête effleurée de la main de l'Ainsi-Venu.

Roi des Remèdes, partout et en tout lieu où on le prêchera, le lira, le récitera, le copiera, ou même où l'on en gardera les volumes, il conviendra à chaque fois d'y ériger une pagode des sept matières précieuses, que l'on fera extrêmement haute, vaste et décorée. Il ne sera pas nécessaire d'y mettre en plus des reliques. Pourquoi cela ? C'est qu'il y aura déjà le corps entier de l'Ainsi-Venu. Ces pagodes devront être, par tout ce qui existe comme fleurs, encens, colliers, dais de soie, bannières, musiques et hymnes, honorées, respectées, vénérées, célébrées. Ceux qui obtiendront de voir ces pagodes, de les révérer et d'y faire offrande, seront tous, il faut le savoir, proches de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.

Roi des Remèdes, des nombreuses personnes, laïques et religieuses, qui pratiquent la voie d'êtres d'Éveil, celles qui sont incapables de voir ou d'entendre, de lire, réciter, copier, préserver, honorer ce Livre du lotus de la Loi ne maîtrisent pas encore, il fàut le savoir, la pratique de la voie d'être d'Éveil. Celles qui obtiendront d'entendre ce texte canonique pourront bien pratiquer la voie d'être d'Éveil. Parmi les êtres qui sont en quête de la voie d'Éveillé, ceux qui voient ou entendent ce Livre du lotus de la Loi et, l'ayant entendu, le reçoivent et le préservent avec foi et compréhension, pourront, il faut le savoir, s'approcher de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.

Roi des Remèdes, ceci est comparable à un homme qui aurait soif et besoin d'eau. Il en cherche en creusant sur un haut plateau; tant qu'il ne voit que la terre sèche, il sait que l'eau est encore loin. Ne cessant d'appliquer son effort, il aperçoit peu à peu la terre humide et finit par arriver à la boue. Sa pensée est déterminée et il sait que l'eau est forcément proche. Il en va de même de l'être d'Éveil : celui qui n'a encore ni entendu ni compris, qui n'a pas pu pratiquer ce Livre du lotus de la Loi, celui-là, il faut le savoir, se trouve encore bien loin de l'Éveil complet et parfait sans supérieur. S'il obtient de l'entendre et de le comprendre, d'y réfléchir et de s'y exercer, il saura forcément qu'il a pu s'approcher de l'Éveil complet et parfait sans supérieur.

Comment cela se fait-il ? C'est que l'Éveil complet et parfait sans supérieur de l'ensemble des êtres d'Éveil relève toujours de ce livre, qui ouvre la porte des expédients pour y montrer l'aspect de la réalité authentique. Le réceptacle du Livre du lotus de la Loi est profond, ferme, abscons et lointain; nul homme ne serait capable d'y arriver. Maintenant l'Éveillé, par son enseignement salvifique qui mène les êtres d'Éveil à accomplissement, le leur révèle.

Roi des Remèdes, s'il est un être d'Éveil qui, entendant le Livre du lotus de la Loi, s'en étonne, en doute ou s'en effraie, il faut savoir qu'il s'agit d'un être d'Éveil ayant déployé son intention récemment. Si c'est un auditeur qui, entendant ce livre, s'en étonne, en doute ou s'en effraie, il faut savoir qu'il s'agit d'un outrecuidant.

S'il est des fils et filles de bien qui, après la Disparition de l'Ainsi-Venu, désirent prêcher ce Livre du lotus de la Loi aux quatre congrégations, comment devront-ils l'exposer ? Ces fils et filles de bien entreront dans la chambre de l'Ainsi-Venu, revêtiront l'habit de l'Ainsi-Venu, s'assiéront sur le siège de l'Ainsi-Venu; c'est à ce moment qu'ils devront prêcher largement ce livre aux quatre congrégations.
La chambre de l'Ainsi-Venu, c'est la pensée de grande compassion dans l'ensemble des êtres. L'habit d'Ainsi-Venu, c'est la pensée de douceur et de patience. Le siège de l'Ainsi-Venu, c'est la vacuité de l'ensemble des entités. Une fois qu'ils y demeurent en toute sûreté, ils prêchent dès lors largement ce Livre du lotus de la Loi aux êtres d'Éveil et aux quatre congrégations, d'un esprit inlassable.

Roi des Remèdes, en d'autres royaumes, je dépêcherai des êtres fantasmagoriques pour qu'ils y rassemblent les foules qui écouteront la Loi; j'enverrai aussi des fantasmagories de moines et de nonnes, de pieux laïcs et laïques pieuses pour écouter la prédication de cette Loi. Ces personnages fantasmagoriques entendront la Loi, l'accepteront avec foi, la suivront sans la contrecarrer. Si celui qui prêche la Loi se trouve en un endroit isolé, je lui dépêcherai en temps voulu de vastes troupes de dieux, de dragons, de génies, de centaures, de titans pour leur faire écouter sa prédication de la Loi. Même si je suis en un royaume étranger, je permettrai de temps en temps à celui qui prêche la Loi de me voir corporellement. S'il vient à oublier ne serait-ce qu'une phrase de ce livre, je la lui exposerai à nouveau afin qu'il puisse la compléter.

Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :
       Qui désire renoncer à toute inertie
       se doit d'écouter ce livre.
       Il est difficile de pouvoir l'entendre,
       l'accepter avec foi est tout aussi difficile.
       Comme un homme assoiffé, qui a besoin d'eau,
       creuse un haut plateau :
       tant qu'il voit la terre desséchée,
       il sait qu'il est encore bien loin de l'eau;
       finissant par voir la boue humide,
       il sait de façon déterminée qu'il approche de l'eau.
       Sache-le, Roi des Remèdes :
       les gens qui, tel celui-ci,
       n'ont pas entendu le Livre du lotus de la Loi
       sont encore fort loin de la sagesse d'Éveillé;
       s'ils entendent ce texte profond,
       qui détermine leur intelligence de l'enseignement d'auditeur,
       ce roi des livres canoniques,
       l'ayant entendu, ils y réfléchiront en toute lucidité.
       Ces gens, il faut le savoir,
       seront proches de la sagesse d'Éveillé.
       Pour qui va prêcher ce livre,
       il convient d'entrer dans la chambre d'Ainsi-Venu,
       de revêtir l'habit d'Ainsi-Venu
       et de s'asseoir au siège d'Ainsi-Venu;
       il se placera plein d'assurance dans la foule des êtres
       et leur détaillera largement la prédication.
       La grande compassion est la chambre,
       douceur et patience sont l'habit,
       la vacuité des entités est le siège :
       il s'y placera pour prêcher la Loi.
       Quand il exposera ce livre,
       il s'en trouvera pour l'insulter de méchantes paroles,
       pour brandir poignards, bâtons, tuiles et pierres;
       il le supportera par sa commémoration de l'Éveillé.
       Moi-même, en des millions de myriades de terres,
       je fais apparaître mon corps, ferme en sa pureté.
       Pendant d'innombrables myriades d'éons,
       je prêche la Loi aux êtres.
       Si, après mon passage en Disparition,
       il se trouve quelqu'un qui puisse exposer ce livre,
       je lui dépêcherai par fantasmagorie les quatre congrégations
       de moines et de nonnes,
       de seigneurs et de dames à la foi pure
       qui feront offrande à ce maître de Loi;
       conduisant les êtres
       et les rassemblant là, je leur ferai écouter la Loi.
       Si des gens lui veulent du mal,
       par poignards, bâtons, tuiles, pierres,
       je dépêcherai des êtres fantasmagoriques
       qui lui serviront de gardes du corps.
       Si celui qui prêche la Loi
       se trouve seul dans un endroit désert
       et dépeuplé, sans voix humaine,
       à lire et réciter ce livre canonique,
       je lui apparaîtrai alors,
       en mon corps de lumineuse pureté;
       s'il oublie une phrase du texte,
       je la lui dirai pour qu'il s'en pénètre.
       Si quelqu'un, pleinement muni de ces mérites,
       prêche un jour aux quatre congrégations
       ou qu'il lise et récite ce livre dans un endroit désert,
       il obtiendra toujours de voir mon corps.
       S'il réside dans un lieu retiré,
       je lui dépêcherai dieux, rois dragons,
       silènes, démons, génies et autres
       qui lui feront une foule pour écouter la Loi.
       De tels hommes se complaisent à prêcher la Loi,
       à la détailler sans obstacle ni empêchement;
       parce que les Éveillés les protègent,
       ils peuvent mener les foules à l'allégresse :
       si elles approchent un maître de la Loi,
       elles gagneront promptement la voie d'Éveillé;
       l'apprenti qui suit un maître de la Loi
       pourra voir des Éveillés aussi nombreux que les sables du Gange.
 


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