Comment être bouddhiste ?


Le rôle du clergé

Ryuei Michael McCormick


Voici quelques réflexions sur le rôle du clergé et la relation entre les moines et les laïcs. Une fois encore, il ne s’agit nullement d’une thèse mais de quelques pensées élémentaires. Je commencerais par partager avec vous un passage d’introduction du livret de pratique (kyobon) de la Nichiren Shu.

Notre école ne fait pas de différence entre moines et laïcs. L’activité principale des moines se déroule au temple ou à l’association où ils sont responsables des personnes et de la propagation de notre doctrine, ainsi que de l’étude du Sutra du Lotus et des écrits de Nichiren Shonin. Ils ont également l’obligation de célébrer les cérémonies. Les laïcs, engagés dans la vie séculière, ont pour tâche de fortifier leur foi et leur entrainement ainsi que de mettre en pratique la doctrine. De cette manière  nous pouvons partager la vérité et les merveilles de cet enseignement. C’est dans une coopération harmonieuse entre moines et laïcs que nous pouvons développer notre adhésion au bouddhisme de Nichiren. (réf.)

Ainsi, moines et laïcs ne sont différenciés que du point de vue de leur mode de vie et leur domaine d’activité. Mais même cette différence n’est pas valable ici, en Amérique : je suis moine travaillant à plein temps et ayant une famille et mon champ d’action est tout aussi bien mon foyer que le temple de San Jose. Par ailleurs, il faut souligner que le texte parle de coopération entre moines et laïcs, NON d’une soumission des laïcs aux moines.

Le gosho de Nichiren intitulé « Parvenir directement à la bodhéité grâce au Sutra du Lotus» (Hokke shoshin jobutsu-sho) dit :

"Il faut avoir bien compris tout cela, et y croire fermement pour que le pouvoir du Dharma se manifeste et que les bouddhas et les bodhisattvas aient la capacité de procurer des bienfaits. Par exemple, si l'on veut faire du feu, trois éléments sont nécessaires : un bon silex, une bonne pierre à feu et un bon amadou. Il en va de même pour la prière. Il faut rassembler trois éléments : un bon maître, un bon croyant laïc et un bon enseignement.  Quand tous trois sont réunis, les prières peuvent être exaucées et les désastres écartés du pays.
Un bon maître est un moine qui n’est pas impliqué dans des affaires que les sociétés laïques réprouvent ; il n’est jamais flagorneur si peu que ce soit, a peu de désirs et se contente de peu ; il est bienveillant et généreux. Il se consacre aux textes sacrés, lit et pratique le Sutra du Lotus et aide les autres à y adhérer. Le Bouddha a fait l’éloge de cette sorte de moines en les appelant "meilleurs Maîtres du Dharma". 
Un bon croyant est celui qui, dans sa foi, ne dépend pas de personnes de rang élevé ni ne méprise les personnes de position inférieure. Il ne compte pas sur le soutien des supérieurs, ne regarde jamais de haut ses inférieurs. Il accorde au Sutra du Lotus la première place parmi les enseignements. Le Bouddha dit de lui qu’il est « le meilleur parmi les hommes ». 
En ce qui concerne le bon enseignement, le Bouddha nous dit que le Sutra du Lotus est le meilleur. Parmi tous les sutras qu’il « a enseigné, enseigne ou enseignera » le Sutra du Lotus est désigné comme la doctrine la plus élevée."

Voilà les points importants auxquels nous pouvons réfléchir. Nous devons également nous rappeler que Nichiren recommande constamment à ses disciples de « suivre le Dharma et non la personne ». En fait, il reprend là les paroles de Shakyamuni.

C’est aussi Shakyamuni qui a fait la remarque suivante concernant la « noble amitié ».

Un jour, le Vénéré du Monde se trouvait dans le clan Shakya. Actuellement cette ville s’appelle Sakkara. Le Vénérable* Ananda vint voir le Bhagavat et, s’étant incliné, s’assit sur le côté*. Assis ainsi près du Bhagavat, le Vénérable* Ananda lui dit : « Seigneur, voici la moitié d’une vie sainte : avoir pour amis, compagnons et collègues des hommes admirables. »
« Ne dis pas cela, Ananda. Ne dis pas cela. Avoir pour amis, compagnons et collègues des hommes admirables, c’est la totalité d’une vie sainte. Quant un moine possède pour amis, compagnons et collègues des hommes admirables, on peut s’attendre à ce qu’il poursuive et développe le Noble Octuple Chemin. » (réf.)

Il peut sembler étrange que d’un côté le Bouddha nous incite à nous fier uniquement au Dharma et qu’il dise à Ananda que la totalité d’une vie sainte est d’avoir des bons amis. Cela n’est pourtant pas contradictoire. Le Dharma est l’essence d’ichinen sanzen (3000 mondes-états en un instant-pensée) or ichinen sanzen est notre relation à nous-mêmes, notre relation aux autres et notre relation au monde. Cela signifie que la qualité de nos différentes relations est l’expression de notre plus ou moins grande réalisation de la Vérité d’ichinen sanzen. Vous connaissez tous le terme d’esho funi, la non-dualité de soi et de l’environnement. Si nous avons de bons amis qui nous encouragent dans notre pratique et nous aident à l’approfondir, qui éventuellement nous indiquent nos erreurs ou nos défauts de façon saine et constructive, alors c’est le Dharma Merveilleux qui se reflète au cœur de nos vies intérieures.

Pour en revenir à la relation entre le clergé et laïcs, il me semble que le véritable rôle des moines est de se comporter en bons amis à l’égard des autres par leur exemple, jamais par l’autorité. Sinon ce ne sont que des « habits vides » des moines qui ne le sont que de nom. Personne ne devrait gagner quoi que ce soit par la prêtrise bouddhiste. C’est en fait accepter une grande responsabilité. D’un autre côté, aucun laïc ne devrait penser que sa bodhéité dépend de ce que peuvent leur donner les moines. Le Dharma ne peut ni être accordé ni reçu, ni retenu ni transmis ; sauf au sens figuré. Le moine peut aider un laïc à pratiquer mais jamais le faire à sa place. 


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