Le Sûtra du Lotus

DICTIONNAIRE
Traduit du chinois par Jean-Noël Robert

copyright Rissho Kosei-kai et Librairie Arthème Fayard, 1997

Chapitre XI - La vision de la pagode de matières précieuses

En cette heure, face à l'Éveillé, il y eut une pagode faite des sept matières précieuses, haute de cinq cents parasanges, et de deux cent cinquante parasanges horizontalement, qui surgit de la terre et demeura dans le vide; elle était ornée de toutes sortes d'objets précieux. Cinq mille balustrades, dix millions de chapelles, d'innombrables bannières la décoraient. Des guirlandes de joyaux en pendaient, des milliers de myriades de clochettes précieuses y étaient accrochées. Des quatre côtés en émanaient des parfums de feuilles de tamâla et de santal qui emplissaient le monde. Les dais en étaient confectionnés des sept matières précieuses : or, argent, béryl, nacre, agate, perle, corail, et s'élevaient jusqu'aux palais des quatre rois célestes. Les dieux Trente-Trois firent pleuvoir des fleurs d'arbre-corail célestes en offrande à la précieuse pagode; les autres, les multitudes de millions de myriades de dieux, dragons, silènes, centaures, titans, griffons, chimères, pythons, humains et non-humains, par tout ce qu'il se pouvait de fleurs, parfums, guirlandes, dais, bannières, musiques, firent offrande à la précieuse pagode, l'honorèrent, la vénérèrent, la glorifièrent.

Alors, de l'intérieur de la pagode sortit une grande voix qui fit ces louanges : « C'est bien, c'est fort bien ! Le Vénéré du monde Çâkyamuni est capable d'exposer à une vaste multitude le Livre du lotus de la Loi sublime, grande sagesse d'égalité, Loi enseignée aux êtres d'Éveil, gardée en mémoire par les Éveillés. C'est comme cela, c'est bien comme cela ! Tout ce que prêche le Vénéré du monde Çâkyamuni est authentique et réel. »

Alors les quatre congrégations virent la grande pagode de matières précieuses qui demeurait dans le vide, entendirent aussi la voix qui sortait de la pagode, et furent tous saisis par l'allégresse de la Loi, étonnés de ce fait sans précédent. Ils se levèrent de leur siège, rendirent hommage les paumes jointes et se retirèrent d'un côté.

Il y eut alors un être d'Éveil, un grand être, du nom de Grand Prêche en Joie, lequel, connaissant les doutes qu'avaient en leur coeur dieux, hommes et titans de l'ensemble des mondes, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, pour quelles raisons y a-t-il cette pagode de matières précieuses qui surgit de terre, et cette voix, de plus, qui en provient ? »

Alors l'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie :

Dans cette pagode de matières précieuses, il y a le corps intact et entier d'un Ainsi-Venu. C'est que, dans le passé, à des quantités incalculables d'innombrables millions de myriades de mondes vers l'est, il était un royaume du nom de Pureté de Trésor; il s'y trouvait un Éveillé appelé Maint-Trésor. Du temps où cet Éveillé pratiquait la voie d'être d'Éveil, il avait fait un grand serment : « Si, après que j'aurai obtenu l'état d'Éveillé et que je serai passé en Disparition, il se trouve, dans les terres des dix orients, un endroit où se prêche le Livre du lotus de la Loi, ma pagode, afin d'écouter ce livre canonique, surgira de terre et apparaîtra devant tous pour porter témoignage et l'approuver par les mots : C'est bien ! »

Alors que cet Éveillé, ayant réalisé la Voie, était sur le point de passer en Disparition, il déclara aux moines, au milieu d'une multitude d'hommes et de dieux : « Après mon passage en Disparition, ceux qui voudront faire offrande à mon corps intact et entier devront édifier une seule grande pagode. »

Cet Éveillé, grâce à ses pouvoirs divins et à la puissance de son voeu, fait en sorte qu'en quelque lieu que ce soit des mondes des dix orients, s'il se trouve quelqu'un pour prêcher le Livre du lotus de la Loi, sa pagode précieuse surgisse à chaque fois devant lui, avec son corps intact et entier à l'intérieur, qui l'approuve par les mots : « C'est bien, c'est très bien ! »

Grand Prêche en Joie, voici qu'à présent la pagode de l'Ainsi-Venu Maint-Trésor, ayant entendu que l'on prêchait le Livre du lotus de la Loi, a surgi de terre et a prononcé les paroles d'approbation : « C'est bien, c'est très bien ! »

Sur ce, l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie, en considération des pouvoirs divins de l'Ainsi-Venu, s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous souhaiterions voir le corps de cet Éveillé. »

L'Éveillé déclara à l'être d'Éveil Grand Prêche en Joie, le grand être : « Cet Éveillé Maint-Trésor a fait un voeu profond et grave : si, lorsque ma pagode précieuse aura surgi devant les Éveillés pour écouter le Livre du lotus de la Loi, il s'en trouve pour vouloir montrer mon corps aux quatre congrégations, ce ne sera qu'après que les divers Éveillés émanés de cet Éveillé et prêchant la Loi dans les mondes des dix orients se seront tous tant qu'ils sont rassemblés en un seul et même endroit que mon corps se manifestera à eux. Grand Prêche en Joie, les Éveillés émanés de ma personne qui prêchent la Loi dans les mondes des dix orients vont à présent se rassembler. »

Grand Prêche en Joie s'adressa à l'Éveillé : « Vénéré du monde, nous souhaiterions également voir les Éveillés émanés du Vénéré du monde afin de leur rendre hommage et leur faire offrande. »

Alors l'Éveillé émit de la touffe blanche entre ses sourcils un seul rai de lumière qui fit voir, vers l'est, les Éveillés de royaumes aussi nombreux que cinq millions de myriades de milliards de Gange. Ces royaumes avaient un sol de cristal et étaient ornés d'arbres et d'étoffes de matières précieuses; ils étaient remplis d'innombrables millions de myriades d'êtres d'Éveil; ils étaient partout tendus de courtines précieuses, et de précieux treillis étaient suspendus au-dessus. Les Éveillés de ces royaumes, d'une grande et sublime voix, prêchaient les enseignements, et l'on vit des millions de myriades d'êtres d'Éveil, emplissant les royaumes, qui prêchaient la Loi à la multitude. Au sud, à l'ouest, au nord, dans les quatre directions intermédiaires, au zénith et au nadir, aux endroits éclairés par la lumière de la touffe blanche caractéristique, il en était de même.

Alors les Éveillés des dix orients déclarèrent chacun à la multitude des êtres d'Éveil : « Fils de bien, je dois à présent me rendre dans le monde d'Endurance, auprès de l'Éveillé Çâkyamuni, et faire en même temps offrande à la pagode précieuse de l'Ainsi-Venu Maint-Trésor.»

À ce moment, le monde d'Endurance fut transformé en complète pureté : béryl pour le sol, arbres de matières précieuses pour décoration, or pour les cordons qui délimitaient les huit voies; il ne s'y trouvait plus ni villages, ni bourgs, ni villes, plus d'océan ni de fleuves, de monts ni de torrents, de forêts ni de bosquets. Il y brûlait un encens grandement précieux, partout des fleurs d'arbre-corail en jonchaient le sol, de précieux treillis et courtines en recouvraient le dessus, des clochettes de matières précieuses y étaient suspendues. Seuls étaient restés les êtres de cette assemblée; on avait déplacé les dieux et les hommes pour les installer en d'autres terres.

Alors les Éveillés prirent chacun un grand être d'Éveil pour assistant et se rendirent au monde d'Endurance; ils arrivèrent chacun au pied d'un arbre de matières précieuses. Tous ces arbres précieux étaient hauts de cinq cents parasanges, ornés de branches, feuilles, fleurs et fruits en bon ordre. Au pied de tous les arbres précieux se trouvait un trône léonin, haut de cinq parasanges, qui était également orné de grands joyaux.

Alors les Éveillés s'assirent chacun sur un de ces sièges, les jambes repliées et croisées, en se déployant ainsi de façon croissante jusqu'à remplir universellement le monde tricosmique, mais les corps émanés de l'Éveillé Çâkyamuni en une seule direction n'étaient pas même encore au complet.

À ce moment, l'Éveillé Çâkyamuni, qui voulait recevoir les Éveillés émanés de son corps, transforma encore, en chacun des huit orients, deux millions de myriades de milliards de royaumes de façon qu'ils fussent tous purifiés, sans plus d'enfers, de démons affamés, d'animaux ni de titans, de même que furent déplacés les dieux et les hommes pour être installés en d'autres terres. Les royaumes ainsi métamorphosés avaient pour sol le béryl, des arbres de matières précieuses les décoraient; les arbres étaient hauts de cinq cents parasanges, ornés de branches, feuilles, fleurs et fruits en bon ordre. Au pied de tous les arbres se trouvait un trône léonin de matière précieuse, haut de cinq parasanges, paré de toutes sortes de joyaux. Il ne s'y trouvait pas non plus d'océan, de fleuves, ni de monts souverains comme le mont Mucilinda, le mont Mahâ-Mucilinda, le mont Enceinte de Fer, le mont Grande Enceinte de Fer ou le mont Sumeru. L'ensemble constituait un seul royaume d'Éveillé; le sol de matière précieuse en était plat et uni; des courtines constellées de joyaux le recouvraient complètement par-dessus, dais et bannières y étaient suspendus. On y brûlait de l'encens grandement précieux et de célestes fleurs de matières précieuses en jonchaient partout le sol.

L'Éveillé Çâkyamuni, à l'intention des Éveillés qui devaient venir, transforma encore, dans les huit orients, deux millions de myriades de milliards de royaumes en plus, de façon qu'ils fussent tous purifiés, dépourvus d'enfers, de démons affamés, d'animaux et de titans; en outre, les dieux et les hommes furent déplacés et installés en d'autres terres. Les royaumes ainsi métamorphosés avaient également un sol de béryl, des arbres de matières précieuses les décoraient; ceux-ci avaient cinq cents parasanges de hauteur; branches, feuilles, fleurs, fruits les ornaient en bon ordre. Au pied de tous les arbres se trouvait un trône léonin de matière précieuse, haut de cinq parasanges, également décoré de grands joyaux. Ils étaient également dépourvus d'océan, de fleuves, des monts souverains tels le Mucilinda, le Mahâ-Mucilinda, le mont Enceinte de Fer, le mont Grande Enceinte de Fer ou le mont Sumeru. L'ensemble constituait un seul royaume d'Éveillé; le sol de matière précieuse en était plat et uni; des courtines constellées de joyaux le recouvraient complètement par-dessus, dais et bannières y étaient suspendus. On y brûlait de l'encens grandement précieux et de célestes fleurs de matières précieuses en jonchaient partout le sol.

Alors les corps émanés de l'Éveillé Çâkyamuni en direction de l'est, les Éveillés de royaumes aussi nombreux que les sables de millions de myriades et de milliards de Gange, chacun prêchant la Loi, vinrent se rassembler ici. C'est ainsi que, progressivement, les Éveillés des dix orients vinrent, tous tant qu'ils sont, se rassembler et s'asseoir dans les huit directions. Alors quatre millions, myriades et milliards de royaumes, dans chacune des directions, se trouvèrent universellement remplis d'Éveillés Ainsi-Venus.

C'est alors que les Éveillés, assis chacun au pied d'un arbre de matière précieuse, sur un trône léonin, envoyèrent tous leur assistant saluer de l'Éveillé Çâkyamuni en leur donnant chacun, à pleines poignées, des fleurs de matière précieuse et en leur déclarant : « Fils de bien, rends-toi auprès de l'Éveillé sur le Pic du Vautour et dis-lui ainsi que je te l'indique : "Peu de maladies, peu de tourments, force d'esprit, sérénité à vous !" et : "La multitude des êtres d'Éveil et des auditeurs sont-ils tous dans le soulagement ?" Tu disperseras ces fleurs précieuses sur l'Éveillé pour lui faire offrande et tu lui diras ces paroles : "L'Éveillé Tel et Tel souhaiterait donner délégation pour ouvrir cette pagode précieuse." » Ainsi en alla-t-il également des Éveillés qui envoyèrent leur messager.

Alors l'Éveillé Çâkyamuni, voyant que les Éveillés émanés de son corps étaient tous rassemblés, chacun assis sur un trône léonin, les ayant tous entendus donner délégation pour ouvrir de concert la pagode précieuse, s'éleva de son trône et demeura dans l'espace. L'ensemble des quatre congrégations se leva, paumes jointes, et contempla l'Éveillé d'un seul coeur. Sur ce, l'Éveillé Çâkyamuni, de l'index droit, ouvrit la porte de la pagode faite des sept matières précieuses. Il en sortit un grand bruit, comme lorsque l'on ouvre les portes d'une ville en les déverrouillant, et aussitôt toute l'assemblée aperçut l'Ainsi-Venu Maint-Trésor assis sur un trône léonin dans la pagode précieuse, le corps intègre, non dispersé, comme entré en concentration. Et ils entendirent ces paroles : « C'est bien, c'est très bien ! Ô Éveillé Çâkyamuni, expose vite ce Livre du lotus de la Loi, c'est pour écouter ce texte canonique que je suis venu ici. »

Alors les quatre congrégations, voyant un Éveillé passé dans l'Extinction d'innombrables millions de myriades d'éons auparavant prononcer de telles paroles, admirèrent ce fait sans précédent et dispersèrent sur l'Éveillé Maint-Trésor et l'Éveillé Çâkyamuni des amas de célestes fleurs de matières précieuses.

Alors l'Éveillé Maint-Trésor, au sein de la pagode précieuse, partagea la moitié de son trône avec l'Éveillé Çâkyarnuni en lui disant ces paroles : « Ô Éveillé Çâkyamuni, tu peux prendre place sur ce trône. »
L'Éveillé Çâkyamuni, à ce moment, pénétra dans la pagode et s'assit sur la moitié du trône, les jambes repliées et croisées. Alors chaque être de la grande multitude, voyant les deux Ainsi-Venus assis les jambes repliées et croisées sur le trône léonin, dans la pagode faite des sept matières précieuses, se firent cette réflexion : les Éveillés sont assis bien loin dans les hauteurs; notre seul souhait est que l'Ainsi-Venu, par la force de ses pouvoirs divins, nous permette de nous tenir dans l'espace avec eux.

Çâkyamuni alors, grâce à ses pouvoirs divins, accueillit toute la vaste multitude dans l'espace; d'une voix immense, il déclara universellement aux quatre congrégations : « Qui sera capable, en ce monde d'Endurance, de prêcher largement le Livre du lotus de la Loi sublime ? C'est à présent le bon moment : il se passera peu de temps avant que l'Ainsi-Venu n'entre dans l'Extinction et l'Éveillé désire confier ce Livre du lotus de la Loi sublime à demeure. »

Alors le Vénéré du monde, voulant réitérer cette idée, s'exprima en stances :

       Le saint souverain, le Vénéré du monde,
       bien que depuis longtemps passé en Disparition,
       au sein de sa pagode précieuse,
       est malgré tout venu pour la Loi.
       Pourquoi les hommes
       ne font-ils pas effort pour la Loi ?
       Cet Éveillé est passé en Disparition
       il y a d'incalculables éons
       et pourtant, où que ce soit, il écoute la Loi
       car c'est une chance difficilement rencontrée.
       Cet Éveillé avait fait un voeu originel :
       « Après ma Disparition,
       en quelque lieu qu'il faille me diriger,
       je serai toujours là pour écouter la Loi. »
       En outre, les innombrables Éveillés
       qui sont mes corps d'émanation,
       égaux aux sables du Gange,
       arrivent, désireux d'écouter la Loi
       ainsi que de voir, passé en Disparition,
       l'Ainsi-Venu Maint-Trésor.
       ils ont chacun quitté leur terre sublime
       et la foule de leurs disciples,
       les dieux, hommes, dragons, génies,
       toutes les offrandes qui leur sont faites;
       c'est pour permettre à la Loi de demeurer pérenne
       qu'ils sont venus jusqu'ici.
       Afin d'asseoir les Éveillés,
       grâce à mes pouvoirs divins,
       j'ai déplacé d'innombrables êtres
       pour purifier le royaume.
       Les Éveillés, tous et chacun,
       se rendent au pied des arbres précieux,
       comme un étang d'eau pure et fraîche
       se pare de fleurs de lotus.
       Au pied de ces arbres précieux,
       les trônes léonins
       où les Éveillés prennent place
       baignent dans leur lumière,
       comme, dans l'obscurité,
       de grandes torches qui brûlent.
       Leur corps dégage une subtile fragrance
       qui emplit les royaumes des dix orients.
       Les êtres s'imprègnent de ces effluves,
       ne se tenant plus d'allégresse,
       à l'exemple d'un grand vent
       qui soufflerait sur les rameaux d'arbustes.
       Grâce à ces expédients,
       je permets à la Loi de demeurer pérenne
       et déclare aux vastes multitudes :
       Après ma Disparition,
       qui sera capable de préserver,
       de lire et exposer ce livre canonique ?
       A présent, devant l'Éveillé,
       qu'il prononce son propre serment.
       L'Éveillé Maint-Trésor,
       bien que de longue date en Disparition,
       a, de par son grand voeu,
       poussé son rugissement de lion.
       l'Ainsi-Venu Maint-Trésor,
       ainsi que moi-même
       et les Éveillés métamorphiques ici rassemblés
       se doivent de connaître cette intention.
       Fils de l'Éveillé !
       Qui sera capable de sauvegarder la Loi ?
       Il se devra de déployer sa grande résolution
       pour la faire demeurer pérenne.
       S'il est quelqu'un qui puisse garder
       l'enseignement de ce livre canonique,
       cela revient à nous faire offrande
       à Maint-Trésor et à moi.
       L'Éveillé Maint-Trésor,
       sis en la précieuse pagode,
       parcourt constamment les dix orients :
       c'est pour ce livre qu'il le fait.
       De même encore, faites offrande
       aux Éveillés métamorphiques venus ici
       qui ornent de leur splendeur les
       divers mondes.
       Car si l'on expose ce livre canonique,
       on me verra, moi,
       et l'Ainsi-Venu Maint-Trésor,
       ainsi que les Éveillés métamorphiques.
       Fils de bien,
       réfléchissez-y chacun avec lucidité,
       c'est une entreprise bien difficile
       et il convient de déployer une grande résolution.
       Tous les autres livres canoniques,
       nombreux comme les sables du Gange,
       même si on les exposait,
       ne poseraient pas de difficulté.
       Embrasser le Sumeru
       pour le projeter ailleurs,
       à d'innombrables terres d'Éveillé,
       ne serait pas non plus difficile.
       Si l'on devait de l'orteil
       ébranler le monde mégacosmique
       et le précipiter en un lointain royaume,
       ce ne serait pas non plus difficile.
       Se tenir au ciel du Faîte
       et prêcher à la multitude
       les innombrables autres Écritures,
       ce ne serait pas non plus difficile.
       Mais, après la Disparition de l'Éveillé,
       en un mauvais âge,
       être capable de prêcher ce livre,
       voilà qui est difficile.
       Quand bien même il s'en trouverait
       pour saisir l'espace de la main
       et s'y promener à l'aise,
       ce ne serait pas non plus difficile.
       Mais qu'après ma Disparition,
       on le copie soi-même pour le préserver,
       ou qu'on le fasse copier par d'autres,
       voilà qui est difficile.
       Prendre la vaste terre
       pour la placer sur l'ongle de son orteil
       et la faire monter jusqu'au ciel de Brahmâ,
       ce ne serait pas non plus difficile.
       Mais après le passage de l'Éveillé en Disparition,
       dans un âge mauvais,
       lire ce texte, même brièvement,
       voilà qui est difficile.
       Même si l'on devait, dans l'embrasement cosmique,
       en portant de l'herbe sèche,
       pénétrer sans être brulé,
       cela ne serait pas non plus difficile.
       Mais qu'après ma Disparition,
       l'on préserve ce livre
       et qu'on l'expose ne serait-ce qu'à un seul,
       voilà qui est difficile.
       Maintenir les quatre-vingt-
       quatre mille corbeilles d'enseignements,
       les douze classes de textes canoniques,
       les exposer aux hommes,
       permettre à ceux qui les auraient écoutés
       d'obtenir les six pouvoirs divins;
       même être capable de tels faits
       ne saurait être tenu pour difficile.
       Mais qu'après ma Disparition,
       on écoute et accepte ce livre,
       qu'on interroge sur ce qu'il veut dire,
       voilà qui est difficile.
       Si l'on exposait la Loi
       et permettait à des millions de myriades
       d'innombrables et incalculables
       êtres, aussi nombreux que les sables du Gange,
       d'obtenir l'état de Méritant
       et de se munir des six pouvoirs divins;
       même avoir une telle activité bienfaisante
       ne serait pas non plus difficile.
       Mais qu'après ma Disparition
       l'on soit capable de se dévouer à maintenir
       un livre canonique tel que celui-ci,
       voilà qui est difficile.
       J'ai, pour la voie d'Éveillé,
       en d'innombrables terres,
       du début jusqu'à maintenant,
       amplement exposé les Écritures,
       et parmi celles-ci,
       ce livre est primordial;
       quiconque est capable de le garder
       garde en conséquence le corps d'Éveillé.
       Fils de bien,
       qui pourra, après ma Disparition,
       recevoir et maintenir,
       lire et réciter ce livre ?
       Qu'à présent, devant l'Éveillé,
       il prononce de lui-même son serment.
       Garder ce livre est difficile :
       qui le maintiendra, ne serait-ce que brièvement,
       provoquera mon allégresse
       et celle des Éveillés.
       De telles personnes
       sont admirées des Éveillés :
       voici ce qu'est le courage,
       voici ce qu'est le zèle,
       voici ce qui s'appelle garder les commandements
       et pratiquer l'ascèse.
       Ils feront leur, et rapidement,
       l'insurpassable voie d'Éveillé.
       Ceux qui seront capables, dans les âges à venir,
       de lire et garder ce texte canonique
       seront les véritables enfants de l'Éveillé,
       ils demeureront dans une terre de limpide bonté.
       Après le passage de l'Éveillé en Disparition,
       qui sera capable d'en comprendre le sens
       sera, pour les dieux et les hommes, la pupille du monde.
       Dans un âge effrayant,
       qui pourra, le plus bref des instants, l'exposer
       recevra de l'ensemble des dieux et des hommes
       certainement l'offrande.


                    Fin du quatrième livre

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