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               Ainsi 
                l'ai-je entendu.  
              En ce temps-là, le Bhagavat séjournait près de Shravasti, 
                dans le parc d'Anathapindika* du bois Jeta.  
              En cette occasion le Bhagavat s'adressa aux Bhagavat">bhiksus 
                : 
                – Bhiksus ! 
                – Oui, Seigneur, lui répondirent les bhiksus. 
                Le Bhagavat leur dit : 
                – Je vais vous enseigner, bhiksus, comment empêcher toutes les 
                fermentations. Ecoutez 
                et faites bien attention, je vais parler. 
                – Bien, Seigneur, répondirent les bhiksus. 
                Et le Bhagavat leur dit ceci : 
                – C'est à celui qui sait, bhiksus, à celui qui voit, que j'enseigne 
                l'élimination des fermentations (asrava), non à celui qui ne sait 
                pas et ne voit pas. Que sait-il donc, bhiksus, que voit-il donc, 
                qui lui permette d'éliminer les fermentations? La vue juste et 
                la vue fausse. 
                (note) Quand on considère faussement, 
                bhiksus, des fermentations non encore apparues apparaissent et 
                les fermentations déjà apparues augmentent. Quand on considère 
                correctement, les fermentations non encore apparues n'apparaissent 
                pas et les fermentations apparues disparaissent. Il y a, bhiksus, 
                des fermentations qu'il faut éliminer par la vision*, 
                des fermentations qu'il faut éliminer par le contrôle, des fermentations 
                qu'il faut éliminer par un bon usage, des fermentations qu'il 
                faut éliminer par une acceptation patiente, des fermentations 
                qu'il faut éliminer par la prudence, des fermentations qu'il faut 
                éliminer en rejetant et des fermentations qu'il faut éliminer 
                en développant. 
               – Quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par la vision? Ici, bhiksus, un être ordinaire, ignorant* 
                , qui ne peut voir*  
                les personnes nobles*, 
                qui ne peut connaître les dharmas 
                des personnes nobles, et qui n’est pas éduqué*, 
                qui ne peut voir les Vertueux, 
                qui ne peut connaître la réalité des Vertueux et qui n’est pas 
                éduqué à la réalité des Vertueux, ne sait pas avec sagacité quels 
                phénomènes* prendre en vue ni quels 
                phénomènes*  ne pas prendre en vue. 
                Comme il ne le sait pas, il prend en vue des phénomènes qu'il 
                ne devrait pas prendre en vue, et il ne prend pas en vue les phénomènes 
                qu'il devrait prendre en vue.  
              – Quelles sont donc, bhiksus, les phénomènes qu'il prend en vue 
                alors qu'il ne le devrait pas? Ce sont ceux dont la prise en 
                vue permet à l'infection 
                sensorielle 
                (note)  non encore apparue d'apparaître, 
                à l'infection sensorielle*  apparue d'augmenter, 
                à l'infection existentielle*  non encore apparue d'apparaître, 
                à l'infection existentielle apparue d'augmenter, à l'infection 
                par l'aveuglement*  non encore apparue 
                d'apparaître et à l'infection par l'aveuglement apparue d'augmenter. 
                Telles sont les phénomènes qu'il prend en vue alors qu'il ne le 
                devrait pas.  
              – Et quelles sont, bhiksus, les phénomènes qu'il ne prend pas 
                en vue alors qu'il le devrait? Ce sont ceux dont la prise en 
                vue amène l'infection sensorielle non encore apparue à ne pas 
                apparaître, l'infection sensorielle apparue à disparaître, l'infection 
                existentielle non encore apparue à ne pas apparaître, l'infection 
                existentielle apparue à disparaître, l'infection par l'aveuglement 
                non encore apparue à ne pas apparaître et la infection par l'aveuglement 
                apparue à disparaître. Telles sont les phénomènes qu'il ne prend 
                pas en vue alors qu'il le devrait.  
               – Comme il prend en vue des phénomènes qu'il ne devrait pas 
                prendre en vue et qu'il ne prend pas en vue les phénomènes qu'il 
                devrait prendre en vue, les fermentations non encore apparues 
                apparaissent et les fermentations apparues augmentent. Ainsi prend-il 
                à tort en vue les questions suivantes : “Ai-je existé dans le 
                passé? N'ai-je pas existé dans le passé? Qu'étais-je dans le 
                passé? Comment étais-je dans le passé? Par quelle succession 
                d'étapes suis-je passé? Existerai-je dans l'avenir? N'existerai-je 
                pas dans l'avenir? Que serai-je dans l'avenir? Comment serai-je 
                dans l'avenir? Par quelles étapes passerai-je dans l'avenir?” 
                Ou bien il s'interroge sur le présent : “Existé-je? N'existé-je 
                pas? 
                (note) Que suis-je? Comment 
                suis-je? D'où vient cet être? Où va-t-il ?”  
              – Ces vues ineptes suscitent l'une des six croyances suivantes 
                : care fermement qu'on a un moi-autonome*, care fermement qu'on 
                n'a pas de moi-autonome, care fermement qu'on perçoit un moi-autonome 
                au moyen d'un moi-autonome, care fermement qu'on perçoit un non-moi* au 
                moyen d'un moi-autonome, care fermement qu'on perçoit un moi-autonome 
                au moyen d'un non-moi, ou care ce qui suit : 
              “Ce moi-autonome qui est mien, qui parle et qui ressent, fait 
                dans telle ou telle situation l'expérience de l'effet des bonnes 
                et mauvaises actions; ce moi-autonome qui est mien est éternel, 
                stable, permanent et de nature immuable, il est semblable aux 
                choses éternelles autonomes, 
                (note) et restera ainsi”. Voilà 
                ce qu'on appelle croyance, piège des croyances, danger des croyances, 
                fausseté des croyances, incertitude des croyances, chaîne des 
                croyances.  
              Quand il est prisonnier de la chaîne des croyances, l'être ordinaire 
                et ignorant ne se libère pas de la naissance, du vieillissement, 
                de la mort, du chagrin, des lamentations, de la douleur, de l'insatisfaction 
                et du désespoir, il ne se libère des souffrances*, je l'affirme.  
              – En revanche, bhiksus, le disciple instruit et discipliné, qui 
                voit les Vertueux, qui connaît leurs dharmas vertueux, qui est 
                éduqué dans leurs dharmas vertueux, sait quels phénomènes prendre 
                en vue et quels phénomènes ne pas prendre en vue. Quelles sont, 
                bhiksus, les phénomènes à ne pas prendre en vue qu'il ne prend 
                pas en vue? Ce sont ceux dont la prise en vue permettrait à l'infection 
                sensorielle, à la infection existentielle et à l'infection par 
                l'aveuglement non encore apparues d'apparaître et à ces mêmes 
                fermentations, apparues, d'augmenter. Telles sont les phénomènes 
                à ne pas prendre en vue qu'il ne prend pas en vue.  
              – Et quelles sont, bhiksus, les phénomènes à prendre en vue qu'il 
                prend en vue? Ce sont ceux dont la prise en vue amène l'infection 
                sensorielle, l'infection existentielle et l'infection par l'aveuglement 
                non encore apparues à ne pas apparaître et les mêmes fermentations, 
                apparues, à disparaître. Telles sont les phénomènes à prendre 
                en vue qu'il prend en vue.  
              – Comme il ne prend pas en vue les phénomènes à ne pas prendre 
                en vue et qu'il prend en vue les phénomènes à prendre en vue, 
                les fermentations non encore apparues n'apparaissent pas et les 
                fermentations apparues disparaissent. Il considère correctement 
                : “Ceci est la souffrance”, il considère correctement : “Ceci 
                est la cause de la souffrance”, il considère correctement : “Ceci 
                est la cessation de la souffrance”, et il considère correctement 
                : “Ceci est le chemin qui mène à la cessation de la souffrance”. 
                Cette vue correcte élimine trois chaînes : la croyance à la personne 
                (note), l'hésitation 
                (note), la méprise relative 
                aux observances et aux rites 
                (note). – Telles sont, bhiksus, 
                les fermentations qu'il faut éliminer par la vision.  
              – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par le contrôle* 
                ? Ici, bhiksus, c’est avec un discernement judicieux que 
                le bhiksu maintient un contrôle vigilant sur la faculté oculaire. 
                S’il ne maintenait pas ce contrôle sur la faculté oculaire, des 
                fermentations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. 
                Mais comme il maintient ce contrôle vigilant sur la faculté oculaire, 
                ces fermentations ne se produisent pas. De même, c’est avec un 
                discernement judicieux qu’il maintient un contrôle vigilant sur 
                la faculté auriculaire... sur la faculté nasale... sur la faculté 
                linguale... sur la faculté corporelle... sur la faculté de connaître. 
                – Telles sont les fermentations qu'il faut éliminer par le contrôle. 
               
              – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par un bon usage* 
                ? Ici, bhiksus, c'est avec un discernement judicieux que 
                le bhiksu utilise le vêtement uniquement pour se protéger du fad, 
                de la chaleur et du contact des taons, des mouches, du vent, de 
                la fournaise et des reptiles, seulement pour cacher les parties 
                impudiques. Il mange la nourriture avec un discernement judicieux, 
                non pour jouer, pour se stimuler, s'embellir ou resplendir, mais 
                seulement pour soutenir son corps et l'entretenir, pour arrêter 
                l'aggression (de la faim) et persévérer dans la vie sainte : “J'éliminerai 
                ainsi l'ancien ressenti (la faim), j'éviterai un nouveau ressenti 
                (l'indigestion) et mon mode de vie sera irréprochable et confortable”. 
                Il utilise le logement avec un discernement judicieux, seulement 
                pour se protéger du fad, de la chaleur, du contact des taons, 
                des mouches, du vent, de la fournaise et des reptiles, seulement 
                pour écarter le danger de la température et jouir de la retraite. 
                Il utilise l'équipement des médicaments contre la maladie avec 
                un discernement judicieux, seulement pour chasser les ressentis 
                morbides et pour guérir. S'il ne faisait pas un bon usage de tout 
                cela, des fermentations perturbantes et brûlantes pourraient se 
                produire 
                (note). Mais comme il en fait 
                bon usage, ces fermentations ne se produisent pas. 
               – Telles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par un bon usage.  
              – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par une acceptation patiente 
                (note) ? Ici, bhiksus, c'est 
                avec un discernement judicieux que le bhiksu endure le fad et 
                le chaud, la faim et la soif, le contact des taons, des mouches, 
                du vent, de la brûlure et des reptiles, les paroles blessantes 
                ou déplaisantes, il est capable de supporter des douleurs oppressantes, 
                cruelles, aiguës, déplaisantes ou même mortifères. 
                (note)  S'il n'endurait pas 
                tout cela patiemment, des fermentations perturbantes et brûlantes 
                pourraient se produire. Mais comme il l'accepte, ces fermentations 
                ne se produisent pas. 
               – Telles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par une acceptation patiente.  
              – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par la prudence? Ici, bhiksus, c'est avec un discernement judicieux 
                que le bhiksu évite les éléphants dangereux, les chevaux fous, 
                les taureaux furieux, les chiens enragés, les serpents, les souches, 
                les épineux, les fosses, les talus, les décharges et les bourbiers. 
                Avec un discernement judicieux il évite de prendre un siège dans 
                un endat à éviter, de chercher sa nourriture dans des lieux mal 
                famés ou de frayer avec de mauvais amis, quand ce siège, cette 
                fréquentation ou ces mauvais amis pourraient inciter ses sages 
                compagnons dans la vie sainte à le plaindre. 
                (note)  S'il n'évitait pas tout 
                cela, des fermentations perturbantes et brûlantes pourraient se 
                produire. Mais comme il l'évite, ces fermentations ne se produisent 
                pas. 
               – Telles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                par la prudence. 
               – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                en rejetant? Ici, bhiksus, c'est avec un discernement judicieux 
                que le bhiksu n'accepte pas les pensées sensuelles*  : quand une telle 
                pensée apparaît, il la rejette, la repousse, l'élimine et l'anéantit. 
                Il n'accepte pas les pensées d'aversion* 
                 : quand une telle pensée apparaît, il la rejette, la repousse, 
                l'élimine et l'anéantit. Il n'accepte pas les pensées malveillantes* 
                 : quand une telle pensée apparaît, il la rejette, la repousse, 
                l'élimine et l'anéantit. Il n'accepte pas que des agents mentaux 
                mauvais et pernicieux apparaissent de façon répétée : quand de 
                tels agents se manifestent, il les rejete, les repousse, les élimine 
                et les anéantit. S'il ne les rejetait pas, des fermentations perturbantes 
                et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il les rejette, 
                ces fermentations ne se produisent pas. 
               – Telles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                en rejetant. 
               – Et quelles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                en développant? Ici, bhiksus, c'est avec un discernement judicieux 
                que le bhiksu développe le facteur-d'éveil vigilance*  qui s'appuie 
                sur le détachement -viveka, 
                s'appuie sur le détachement-viraga*, s'appuie sur 
                la cessation-nirodha*  et tend 
                au renoncement-vossagga*. Avec un 
                discernement judicieux il développe les facteurs-d'éveil examen-des-phenomènes*. Avec un discernement 
                judicieux il développe les facteurs-d'éveil  de l'effort*. Avec un discernement judicieux il développe 
                les facteurs-d'éveil  du ravissement*. Avec un discernement judicieux il développe 
                les facteurs-d'éveil de sérénité*. Avec un discernement 
                judicieux il développe les facteurs-d'éveil*  de concentration*. Avec un discernement judicieux il développe 
                les facteurs-d'éveil d'équanimité* qui s'appuient sur 
                le détachement-viveka, 
                s'appuient sur le détachement-viraga*, s'appuient 
                sur la cessation-nirodha*  et tendent 
                au renoncement-vossagga*. 
                S'il ne développait pas ces facteurs, des fermentations perturbantes 
                et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il les développe, 
                ces fermentations ne se produisent pas. 
               – Telles sont, bhiksus, les fermentations qu'il faut éliminer 
                en développant. 
               – Et, bhiksus, quand il a éliminé par la vision les fermentations 
                qu'il faut éliminer par la vision, éliminé par le contrôle les 
                fermentations qu'il faut éliminer par le contrôle, éliminé par 
                un bon usage les fermentations qu'il faut éliminer par un bon 
                usage, éliminé par une acceptation patiente les fermentations 
                qu'il faut éliminer par une acceptation patiente, éliminé par 
                la prudence les fermentations qu'il faut éliminer par la prudence, 
                éliminé par le rejet les fermentations qu'il faut éliminer en 
                rejetant, éliminé par le développement les fermentations qu'il 
                faut éliminer en développant, le bhiksu est réputé avoir empêché 
                toutes les fermentations, coupé toute soif, défait toutes les 
                chaînes et mis fin aux souffrances grâce à la parfaite compréhension-destruction 
                de l'appréciation (de soi).  
              Ainsi parla le Bhagavat. 
               Les bhiksus furent satisfaits des paroles du Bhagavat et ils 
                s'en réjouirent.  
               
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