Ainsi ai-je entendu. 
      
 En ce temps-là le Bhagavat   séjournait chez les Kurus, dans un village qui se nomme  Kammâssa Dharma, chez un brahmane du clan Bhâradvâja, dans la salle du  feu sacré, sur une jonchée d'herbes. 
      
     Un matin le Bhagavat  s'habilla  de bonne heure, prit son bol à aumônes et sa robe et se rendit à KammâssaDharma  pour y mendier sa nourriture. Quand il eut parcouru KammâssaDharma en  mendiant et fini son repas, en revenant de sa tournée d'aumônes, il se  dirigea vers un bois pour y passer la journée, s'y enfonça et s'assit  au pied d'un arbre pour toute la journée. 
      
     A cette époque le renonçant  Magandiya  (note)
	marchait beaucoup et se déplaçait constamment. Or il arriva à  la salle du feu chez le brahmane du clan Bhâradvâja, il y vit la  jonchée d'herbes qui y était disposée et demanda au brahmane : 
     - Pour qui est préparée cette  litière d'herbes dans la salle du feu de l'honorable Bhâradvâja? On  dirait la couche d'un ascète. 
     - Il y a, honorable Mâgandiya,  l'ascète Gautama, fils des Sakyas, qui est sorti du clan Sakya. Une  flatteuse réputation accompagne cet honorable Gautama : “Le Bhagavat  est  accompli, parfait Bouddha, doué de science et de bonne conduite,  bien-allé, connaisseur du monde, suprême, cocher des mâles à dresser,  maître des dieux et des hommes, Bouddha et Bhagavat” et c'est pour l'honorable  Gautama qu'est disposée la couche que voilà. 
     - Quel triste spectacle nous  avons eu là, honorable Bhâradvâja, quand nous avons aperçu la couche de  l'honorable Gautama, ce rabat-joie. 
     - Prends garde à tes paroles,  Mâgandiya ! Prends garde à tes paroles ! Car nombreux sont les sages de  la noblesse, les sages brahmanes, les sages maîtres de maison, les sages  ascètes qui ont pleine confiance en l'honorable Gautama et qui  s'exercent en suivant son système sans défaut, cette méthode habile. 
     - Honorable Bhâradvâja, si  nous voyions face à face l'honorable Gautama, nous lui dirions face à  face : “L'ascète Gautama est un rabat-joie”. Pourquoi le dirions-nous?  Parce que cela est écrit dans notre sutra. 
     - Je rapporterai cette  conversation à  l'ascète Gautama si cela ne gêne pas l'honorable Mâgandiya. 
     - Cela n'a pas d'importance,  que l'honorable Bhâradvâja répète ce qui a été dit. 
     Mais avec son oreille divine  bien épurée et plus qu'humaine, le Bhagavat  entendit les propos  échangés entre le brahmane Bhâradvâja et le renonçant Mâgandiya. 
 
        * * *
            
        Vers le soir, le Bhagavat  sortit de la  solitude,  il se rendit à la salle du feu et s'assit sur la couche d'herbes. Le  brahmane vint trouver le Bhagavat . En arrivant il échangea des paroles  courtoises avec le Bhagavat  puis conclut leurs salutations aimables et  mémorables en s’asseyant convenablement. Quand Bhâradvâja fut bien  assis, le Bhagavat  déclara : 
          - Tu as eu, Bhâradvâja, une  conversation avec le renonçant Mâgandiya à propos de cette litière  d'herbes. 
          A ces paroles, le brahmane fut  ému (de la capacité supranormale manifestée par Gautama)  au point que  ses poils se hérissèrent, et il répondit au Bhagavat  : 
          - Voilà justement ce que je  voulais raconter à l'honorable Gautama, mais l'honorable Gautama m'a  devancé. 
          Cet échange entre le Bhagavat   et le brahmane fut interrompu car le renonçant Mâgandiya, qui ne  pouvait plus rester en place, qui marchait constamment, se rendit à la  salle du feu où était le Bhagavat . En arrivant il échangea des paroles  courtoises avec le Bhagavat  puis conclut leurs salutations aimables et  mémorables en s’asseyant convenablement. Quand Mâgandiya fut bien  assis, le Bhagavat  lui demanda : 
          - L'oeil, Mâgandiya, se  complaît dans les apparences visibles, il s'en délecte, il en jouit, et  le Tathagata le dresse, le surveille, le préserve, le contrôle et  montre la méthode pour le contrôler. N'est-ce pas à ce propos que tu as  dit : “L'ascète Gautama est un rabat-joie” ? 
          - C'est bien à ce propos,  honorable Gautama, que j'ai dit : “L'ascète Gautama est un rabat-joie”.  Pourquoi l'ai-je dit? Parce que cela est écrit dans notre sutra. 
          - L'oreille, Mâgandiya, se  complaît dans les sons... 
          - Le nez, Mâgandiya, se  complaît dans les odeurs... 
          - La langue, Mâgandiya, se  complaît dans les saveurs... 
          - Le corps, Mâgandiya, se  complaît dans les touchers... 
          - L'esprit  (note), Mâgandiya, se  complaît dans les choses connaissables, il s'en délecte, il en  jouit, et le Tathagata le dresse, le surveille, le préserve, le  contrôle et montre la méthode pour le contrôler. N'est-ce pas à ce  propos que tu as dit : “L'ascète Gautama est un rabat-joie” ? 
          - C'est bien à ce propos,  honorable Gautama, que j'ai dit : “L'ascète Gautama est un rabat-joie”.  Pourquoi l'ai-je dit? Parce que cela est écrit dans notre sutra. 
          - Que penses-tu de ceci,  Mâgandiya? Imagine que quelqu'un ait d'abord joui des apparences  perceptibles par l'oeil... des sons perceptibles par l'oreille... des  odeurs perceptibles par le nez... des saveurs perceptibles par la  langue... et des touchers perceptibles par le corps,  attirants, désirables, plaisants, attachants, sensuels,  excitants. Mais par la suite il connaît, dans leur vérité, l'origine et  la  fin des apparences... des sons... des odeurs... des saveurs... et des  touchers, leurs avantages, leurs inconvénients et  comment leur échapper, il abandonne tout désir pour ces objets des  sens, il fait tomber la fièvre, il chasse cette soif et garde sa  paix intérieure. Que pourrais-tu lui reprocher, Mâgandiya ? 
          - Rien du tout, honorable  Gautama. 
          - J'ai d'abord vécu à mon  foyer, Mâgandiya. J'y ai bénéficié des cinq plaisirs sensoriels, les  apparences perceptibles par l'oeil, les sons perceptibles par  l'oreille, les  odeurs perceptibles par le nez, les saveurs perceptibles par la  langue et les touchers perceptibles par le corps,  attirants, désirables, plaisants, attachants, sensuels,  excitants. J'en ai profité et joui. 
          Et j'avais trois  palais, un pour la mousson, un pour la saison fade et un pour la  saison chaude. Pendant les quatre mois de la mousson, Mâgandiya, je  jouissais de musiques qui n'étaient jouées que par des femmes et je ne  sortais pas du palais de la mousson. 
          Mais par la suite  j'ai  connu dans leur vérité l'origine et la fin des plaisirs sensoriels,  leurs avantages, leurs inconvénients et comment leur échapper. J'ai  abandonné tout désir pour les plaisirs sensoriels, j'ai fait tomber la  fièvre, chassé cette soif et gardé ma paix intérieure. 
          Je vois d'autres  êtres qui ne sont pas détachés des plaisirs sensoriels mais dévorés  d'avidité sensorielle, brûlant de fièvre sensorielle, s'adonnant aux  plaisirs sensoriels. Je ne les envie pas et je ne me réjouis pas comme  eux. Pourquoi? Parce que, Mâgandiya, je bénéficie de ce plaisir  extrasensoriel, étranger aux facteurs pernicieux, de ce bonheur divin  qui persiste après le samadhi, et je n'envie pas un  plaisir inférieur, je ne m'en réjouis pas. 
          Prenons, Magandiya,  l'exemple d'maître de maison* ou d'un fils de maison, riche de  beaucoup d'argent et de grands biens, qui bénéficie, profite et jouit  des cinq plaisirs sensoriels, les apparences perceptibles par  l'oeil, les sons perceptibles par l'oreille, les  odeurs perceptibles par le nez, les saveurs perceptibles par la  langue et les touchers perceptibles par le corps,  attirants, désirables, plaisants, attachants, sensuels,  excitants. 
          S'il a une bonne  conduite physique, une bonne conduite verbale et une bonne conduite  mentale, il peut renaître dans une bonne destinée, un monde céleste, en  compagnie des dieux Trente-Tas. Là, dans le Parc de la Béatitude, il  est entouré de l'assemblée des nymphes célestes et bénéficie, profite  et jouit des cinq plaisirs des sens divins. 
          Il se peut qu'il voit  alors un chef de maison ou un fils de maison qui bénéficie, profite,  jouit des cinq plaisirs des sens humains. Qu'en penses-tu, Magandiya?  Ce fils de dieu dans le Parc de la Béatitude, entouré de l'assemblée  des nymphes célestes, bénéficiant, profitant et jouissant des cinq  plaisirs des sens divins, envie-t-il le chef de maison ou le fils de  maison? Désire-t-il retourner vers les plaisirs sensoriels humains ? 
          - Certainement pas, honorable  Gautama. Pourquoi? Parce que les plaisirs divins sont supérieurs aux  plaisirs  humains et bien plus merveilleux. 
          - De même, Mâgandiya, j'ai  d'abord vécu à mon foyer... Mais ensuite j'ai connu dans leur vérité  l'origine et la fin des plaisirs sensoriels, leurs avantages, leurs  inconvénients et comment leur échapper. J'ai abandonné tout désir pour  les plaisirs sensoriels, j'ai fait tomber la fièvre, chassé cette soif  et gardé ma paix intérieure. Je vois d'autres êtres qui ne sont pas  détachés des plaisirs sensoriels mais dévorés d'avidité sensorielle,  brûlant de fièvre sensorielle, s'adonnant aux plaisirs sensoriels. Je  ne les envie pas et je ne me réjouis pas comme eux. 
          « Prenons maintenant l'exemple,  Mâgandiya, d'un lépreux aux membres endommagés, au corps putride dévoré  par la vermine. Il gratte ses blessures avec ses ongles et cautérise  ses plaies sur des charbons ardents. 
          Mais ses amis,  relations, connaissances ou parents lui trouvent un chirurgien, ce  chirurgien lui prescrit un traitement, et ce traitement le guérit de la  lèpre. Il recouvre la santé, le bien-être, l'autonomie, l'indépendance  et peut aller où il veut. 
          Il se peut qu'il voit  alors un autre lépreux aux membres endommagés, au corps putride dévoré  par la vermine, qui gratte ses blessures avec ses ongles et cautérise  ses plaies sur des charbons ardents. Qu'en penses-tu, Magandiya? Cet  homme envierait-il le lépreux? Se soignerait-il encore avec les  charbons  ardents ? 
          - Non, honorable Gautama. Pour  quelle raison? Parce qu'on doit se soigner quand on est malade, mais  plus quand on est guéri. 
          - De même, Mâgandiya, j'ai  d'abord vécu à mon foyer... Mais ensuite j'ai connu dans leur vérité  l'origine et la fin des plaisirs sensoriels, leurs avantages, leurs  inconvénients et comment leur échapper. J'ai abandonné tout désir pour  les plaisirs sensoriels, j'ai fait tomber la fièvre, chassé cette soif  et gardé ma paix intérieure. Je vois d'autres êtres qui ne sont pas  détachés des plaisirs sensoriels mais dévorés d'avidité sensorielle,  brûlants de fièvre sensorielle, s'adonnant aux plaisirs sensoriels. Je  ne les envie pas et je ne me réjouis pas comme eux. 
          « Prenons encore l'exemple,  Mâgandiya, du lépreux aux membres endommagés, au corps putride dévoré  par la vermine. Il gratte ses blessures avec ses ongles et cautérise  ses plaies sur des charbons ardents. Mais ses amis, relations,  connaissance ou parents lui trouvent un chirurgien, ce chirurgien lui  applique un traitement et ce traitement le guérit de la lèpre. Il  recouvre la santé, le bien-être, l'autonomie, l'indépendance et peut  aller où il veut. 
          Si deux hommes  robustes le saisissent alors par les épaules et le traînent vers des  charbons ardents, qu'en penses-tu, Magandiya? Cet homme ne va-t-il pas  se débattre? 
          - Certes si, honorable Gautama.  Pourquoi? Parce que le contact du feu est douloureux, cuisant  et brûlant. 
          - Qu'en penses-tu, Magandiya?  Est-ce seulement maintenant que le contact du feu est douloureux,  cuisant et brûlant? Ou l'était-il aussi auparavant (quand  il servait à  cautériser les plaies)? 
          - Auparavant aussi, honorable  Gautama, le contact du feu était douloureux, cuisant et brûlant. Mais ce  lépreux avait alors des facultés sensorielles affaiblies et il  percevait à tort comme agréable le contact très douloureux de ce feu. 
          - De même, Mâgandiya, les  plaisirs sensoriels étaient dans le passé douloureux, cuisants et  brûlants. Ils seront encore dans le futur douloureux, cuisants et  brûlants. Et maintenant aussi ils sont douloureux, cuisants et  brûlants. Mais les êtres qui ne sont pas détachés des plaisirs  sensoriels mais au contraire dévorés d'avidité sensorielle et brûlants  de fièvre sensorielle ont une faculté affaiblie (note), et ils perçoivent  à tort comme agréables ces plaisirs sensoriels qui sont en réalité  désagréables. 
          « Prenons toujours, Magandiya, l'exemple  du lépreux aux membres endommagés, au corps putride dévoré par la  vermine, qui gratte ses blessures avec ses ongles et cautérise ses  plaies sur des charbons ardents. Plus ce lépreux se brûle sur les  charbons ardents, plus ses blessures deviennent ignobles, nauséabondes  et putrides. Et il ne trouve un peu d'agrément dans les charbons,  quelque satisfaction, que parce que ses blessures le démangent  terriblement. 
          Il en va de même, Magandiya,  pour les êtres qui ne sont pas détachés des plaisirs sensoriels mais au  contraire dévorés d'avidité sensorielle et brûlants de fièvre  sensorielle. Plus ces êtres s'adonnent aux plaisirs sensoriels, plus  leur avidité sensorielle augmente et plus ils brûlent de fièvre  sensorielle. Et ils ne trouvent un peu d'agrément, quelque  satisfaction, que dans les cinq plaisirs sensoriels. 
          « Que penses-tu de ceci,  Magandiya? As-tu jamais vu, ou entendu dire, qu'un a ou qu'un grand  ministre royal qui bénéficie, profite et jouit des cinq plaisirs  sensoriels sans avoir abandonné l'avidité sensorielle ni chassé la  fièvre sensorielle, ait pu, peut ou pourra chasser le désir et garder  la  paix intérieure? 
          - Certes non, honorable Gautama. 
          - Bien, Magandiya. Moi non  plus je n'ai jamais vu, ni entendu dire, qu'un a ou qu'un grand  ministre royal qui bénéficie, profite et jouit des cinq plaisirs  sensoriels sans avoir abandonné l'avidité sensorielle ni chassé la  fièvre sensorielle, ait été, soit ou sera sans plus aucun désir et  l'esprit  intimement apaisé. 
          « En revanche, Mâgandiya, les  ascètes et les brahmanes qui ont réussi, réussissent ou réussiront à  chasser la soif et à garder la paix intérieure, ont tous connu dans  leur vérité l'origine et la fin des plaisirs sensoriels, leurs  avantages, leurs inconvénients et comment leur échapper, ils ont tous  abandonné l'avidité sensorielle, chassé la fièvre sensorielle, et ainsi  ils ont pu, peuvent ou pourront chasser le désir et garder la paix  intérieure. » 
          
        Et à ce moment le Bhagavat   proclama : 
                   Le Bien-être est le suprême acquis, le Dénouement  le bonheur suprême, 
          et seul l'octuple chemin mène à la Paix, à l'Immortalité.     
         Ainsi parla-t-il, et Mâgandiya  s'exclama : 
          - C'est merveilleux, honorable  Gautama ! c'est extraordinaire, honorable Gautama, comme ceci fut bien  dit par l'honorable Gautama : “le bien-être est le suprême acquis, le  dénouement le bonheur suprême (note) ”. J'ai entendu dire, honorable  Gautama, que les maîtres des maîtres des renonçants d'antan disaient  aussi “le bien-être est le suprême acquis, le dénouement le bonheur  suprême”. Et l'honorable Gautama en est d'accord. 
          - Mais dans cette maxime  énoncée par les maîtres des maîtres des renonçants d'antan, qu'est-ce  que le bien-être? Qu'est le dénouement ? 
          Alors Mâgandiya se frotta les  membres avec les mains : 
          - Ceci, honorable Gautama, est  le bien-être, ceci est le dénouement, car je suis à présent en bonne  santé, à l'aise, sans aucune maladie. 
          - Prenons, Mâgandiya,  l'exemple d'un aveugle de naissance qui ne voit pas le noir, le blanc  ni le jaune, le rouge ni le cramoisi, l'uni ni le bariolé, qui ne voit  pas les étoiles, la lune ni le soleil. Il entend dire par quelqu'un qui  a des yeux “il est bon d'avoir un vêtement blanc, bien coupé, immaculé,  propre”, et il se met en quête d'un vêtement blanc. Mais un autre homme  le dupe avec un manteau écru, taché et noirci : “Hé, brave homme, voilà  pour toi un vêtement blanc, bien coupé, immaculé, propre”. L'aveugle  prend ce vêtement, le met et l'exhibe avec joie en disant : “il est bon  d'avoir un vêtement blanc, bien coupé, immaculé, propre”. 
          « Qu'en penses-tu, Magandiya?  Est-ce parce qu'il sait, est-ce parce qu'il voit, que cet aveugle prend  le manteau écru, taché et noirci, qu'il le met et l'exhibe avec joie en  disant “il est bon d'avoir un vêtement blanc, bien coupé, immaculé,  propre”? Ou est-ce parce qu'il fait confiance à celui qui a des yeux ? 
          - Non, honorable Gautama, ce  n'est pas parce qu'il sait, parce qu'il voit, que cet aveugle agit  ainsi, mais parce qu'il fait confiance à celui qui a des yeux. 
          - De même, Mâgandiya, les  renonçants des autres écoles ne savent pas, ils n'ont pas l'oeil. Et  sans connaître le Bien-être, sans voir le Dénouement, ils disent : 
                 
            “Le bien-être est le suprême  acquis, et le dénouement le bonheur suprême”.
   
« Mais les Accomplis d'antan pleinement réalisés  disaient, eux : 
 “Le Bien-être est le suprême acquis, le Dénouement  le bonheur suprême, 
  et seul l'octuple chemin mène à la Paix, à l'Immortalité”.
     
« Ce quatrain a pris peu à peu  un sens terre à terre. En effet, Mâgandiya, le corps est comparable à  une maladie, un abcès, une épine, une infortune, un mal. Or de ce corps  tu as dit “ceci est le bien-être, ceci est le dénouement”, car tu n'as  pas l'œil pur qui te permettrait de connaître le Bien-être et de voir  le Dénouement. 
     - J'ai maintenant confiance en  l'honorable Gautama : l'honorable Gautama est capable de m'indiquer la  méthode qui me permettra de connaître le Bien-être et de voir le  Dénouement. 
     - Reprenons, Mâgandiya,  l'exemple de l'aveugle de naissance qui ne voit pas le noir, le blanc  ni le jaune, le rouge ni le cramoisi, l'uni ni le bariolé, qui ne voit  pas les étoiles, la lune ni le soleil. Ses amis, relations,  connaissance ou parents lui trouvent un chirurgien, ce chirurgien lui  prescrit un traitement, mais ce traitement ne lui rend pas la vue, ne  régénère pas ses yeux. Qu'en penses-tu, Mâgandiya? Ne va-t-il pas en  résulter fatigue et ennuis pour le chirurgien ? 
     - Certes si, honorable Gautama. 
     - De même, Mâgandiya, si je  t'indiquais la méthode ainsi — “ceci est le Bien-être, cela le  Dénouement” —,  tu ne pourrais pas connaître le Bien-être ni  voir le Dénouement, et il en résulterait pour moi fatigue et ennuis. 
     - J'ai confiance en  l'honorable Gautama : l'honorable Gautama est capable de m'indiquer la  méthode qui me permettra de connaître le Bien-être et de voir le  Dénouement. 
     - Prenons toujours, Mâgandiya,  l'exemple de l'aveugle de naissance qui ne voit pas le noir, le blanc  ni le jaune, le rouge ni le cramoisi, l'uni ni le bariolé, qui ne voit  pas les étoiles, la lune ni le soleil. Il entend dire par quelqu'un qui  a des yeux “il est bon d'avoir un vêtement blanc, bien coupé, immaculé,  propre”, et il se met en quête d'un vêtement blanc. Mais un autre homme  le dupe avec un manteau écru, taché et noirci : “Hé, brave homme, voilà  pour toi un vêtement blanc, bien coupé, immaculé, propre”. L'aveugle  prend ce vêtement, le met et l'exhibe. Alors ses amis, relations,  connaissance ou parents lui trouvent un chirurgien, ce chirurgien lui  prescrit un traitement, émétique, purgatif, collyre, onguent,  traitement nasal. Et ce traitement lui rend la vue et régénère ses yeux (note). Le recouvrement de la vue élimine le désir-attachement pour le  manteau écru, taché et sali, et fait apparaître le trompeur comme un  ennemi nuisible. L'ex-aveugle pourrait même lui retirer la  vie en pensant que pendant longtemps il l'a trompé, abusé, berné avec  ce manteau écru, taché et sali, en disant : “Hé, brave homme, voilà  pour toi un vêtement blanc, bien coupé, immaculé, propre”. 
     « De même, Mâgandiya, si je  t'indique la méthode ainsi “ceci est le Bien-être, cela le  Dénouement”,  tu pourras connaître le Bien-être et voir le  Dénouement. Et l'acquisition de l'oeil de la sagacité éliminera le  désir-attachement pour les cinq ensembles saisis. Tu pourras penser : “Pendant longtemps  j'ai été trompé, berné, abusé par cet état d'esprit, car en m'attachant  à l'apparence physique j'étais attaché, en m'attachant au type de  ressenti j'étais attaché, en m'attachant à la perception j'étais  attaché, en m'attachant aux composants mentaux j'étais attaché, en  m'attachant à  l'état de conscience j'étais attaché. A cause de l'attachement,  l'existence. A cause de l'existence, la naissance. A cause de la  naissance, le vieillissement et la mort, le chagrin, les lamentations,  la douleur, l'insatisfaction et le désespoir. Telle est l'origine de toute cette masse de  malheur.
   - J'ai maintenant confiance en l'honorable Gautama  : l'honorable Gautama est capable de m'indiquer la méthode de telle  façon que je ne sois plus aveugle lorsque je me lèverai de ce siège. 
     - Alors, Mâgandiya, il te faut  t'associer aux Grands Hommes. Si tu t'associes aux Grands Hommes, tu  entendras le vrai Dharma. Si tu entends le vrai Dharma, tu suivras la  voie conforme au Dharma. Et si tu suis la voie conforme au Dharma, tu  connaîtras par toi-même, tu verras par toi-même : “Voici les maladies,  les abcès, les épines. Ici les maladies, les abcès, les épines sont  détruits sans reste. Par la cessation de l'attachement, la cessation de  l'existence. Par la cessation de l'existence, la cessation de la  naissance. Par la cessation de la naissance, la cessation du  vieillissement et de la mort, du chagrin, des lamentations, de la  douleur, de l'insatisfaction et du désespoir. Ainsi est détruite toute  cette masse de malheur”.  
     Ainsi parla-t-il, et Mâgandiya  dit au Bhagavat  : 
     - C'est merveilleux, honorable  Gautama ! C'est merveilleux, honorable Gautama ! C'est comme si on  redressait ce qui était tordu, on révélait ce qui était caché, on  montrait le chemin à l'égaré, on apportait une lampe dans les ténèbres  pour que ceux qui ont des yeux voient. Ainsi l'honorable  Gautama a-t-il montré la voie de différentes manières. 
     « Je cherche refuge auprès de  l'honorable Gautama, du Dharma et du Sangha monastique. Puissè-je être  admis en présence du Bhagavat , puissè-je être ordonné. 
     - Celui qui vient d'une autre  école, Mâgandiya, qui demande à être admis dans ce Dharma-vinaya et à  recevoir l'ordination, doit faire quatre mois de probation. Au bout de  ces  quatre mois, s'ils en décident ainsi, les bhiksus le font entrer et  l'ordonnent bhiksu. Et là aussi les différences entre les individus me  sont connues. 
     - Si ceux qui viennent d'une  autre école, Bhagavat , qui demandent à être admis dans ce Dharma-vinaya  et à recevoir l'ordination, doivent faire quatre mois de probation, et  si au bout des quatre mois les bhiksus, s'ils en décident ainsi, les  font entrer et les ordonnent bhiksus, je ferai, moi, quatre ans. Si au  bout des quatre ans les bhiksus en décident ainsi, ils me feront entrer  et m'ordonneront bhiksu. 
 * * *
 Le renonçant Mâgandiya reçut l'admission  en présence du Bhagavat , il reçut l'ordination. 
* * *
     
Fraîchement ordonné, le  vénérable Mâgandiya resta solitaire, retiré, vigilant, énergique et  résolu. Il ne lui fallut pas longtemps pour voir de ses propres yeux,  par connaissance directe, dans la réalité présente, cet Aboutissement  insurpassable de la vie sainte pour lequel les fils de bonne famille  passent à juste titre du foyer au sans-foyer, il y accéda, il y  demeura. Il reconnut “détruite est la naissance, achevée la vie sainte,  fait ce qui était à faire et rien de plus ici-bas”. Le vénérable  Mâgandiya devint l'un des Accomplis. |