Sangha Qu’est-ce qu’un Sangha ? Doit-on faire partie d’un Sangha pour être bouddhiste ? Quand il en est question, vaut-il mieux utiliser l’article défini ou indéfini ? Est-ce [d’ailleurs] vraiment important ? Ai-je en réalité besoin d’un Sangha ?

Il n’existe aucune définition exacte du mot « Sangha ». Si l’on s’en tient aux textes canoniques, le mot « Sangha » se rapporte à différents concepts selon les époques [de l’évolution du Bouddhisme].

Sans remettre ce concept en question, nous savons bien que le « Sangha » fait partie des Trois trésors dans lesquels tous les bouddhistes prennent refuge, à savoir le Bouddha, le Dharma, le Sangha.

Aucun sutra*, aucune règle du Vinaya ou extrait de l’Abhidharma n’indiquent qu’un groupe de pratiquants puisse être régi par une institution ou une autorité quelconque. Personne ne peut prétendre que sa communauté représente « La Communauté » [bouddhique tout entière].

Le Bouddha n’a jamais dit qu’il n’existe qu’une seule voie juste ou qu’un seul individu puisse avoir le pouvoir de décréter quoi que ce soit sur le Dharma du Bouddha.

Le Bouddha n’a également jamais dit qu’il faille faire partie d’une communauté pour pratiquer. On savait qu’il s’isolait lui-même à certains moments. De plus, il atteignit l’éveil tout seul, de son plein gré.

Pour saisir l’essence de n’importe quelle notion bouddhique dont parlent les sutras, il est bon de faire appel aux Trois Vérités* : la non-substantialité ou vacuité, la temporalité ou caractère provisoire de l’existence, et la Voie du milieu.

Il existe une réalité provisoire issue de causes et de conditions qui sont reliées et dépendent les unes des autres. Vivre dans ce monde provisoire, ce monde Saha*, signifie que toute chose est le jeu ou provient des moyens habiles. Certains qualifient cette réalité temporaire d’« historique », c’est-à-dire soumise aux lois du temps et de l’espace.

La non-substantialité de tous les phénomènes implique que rien ne peut posséder une existence propre qui lui soit inhérente. Certains nomment cette notion l’Ultime ou [l’esprit du] Bouddha Atemporel, libre de toute restriction liée au temps et à l’espace sans commencement ni fin.

[La notion de] Voie du milieu est elle aussi issue du principe que tous les phénomènes sont provisoires, non substantiels et temporaires, et c’est justement parce qu’ils sont essentiellement non-substantiels et provisoires qu’ils sont vides d’une nature en soi. Chacune de ces trois vérités contient par conséquent en elle les deux autres.

Chaque société, chaque communauté ou groupement de personnes a besoin de règles, de lois ou de ce que certains appellent des « normes », établies pour fonctionner d’un commun accord en respectant ces normes. [Par exemple], nous avons convenu de conduire d’un certain côté [d’une route à deux voies], et nous sommes entendus sur le fait qu’un « dollar » a une certaine valeur ainsi qu’accommodés des résultats d’une élection. Quand ces normes s’écroulent, advient le chaos bien qu’il ne s’agisse pas ici d’écrire un essai qui traiterait de philosophie ou de valeurs morales.

En tant que bouddhistes, nous nous sommes engagés à vivre dans ce monde Saha – ce monde temporaire – en faisant nôtres les intentions bouddhiques afin qu’elles nous servent de compas moral et nous aident à naviguer sur des eaux tourmentées et complexes, fruit de la production conditionnée. Ces intentions se résument comme suit :

S’abstenir de tout ce qui peut être néfaste et porter préjudice [à soi ou à autrui]
Aspirer à tout ce qui est salutaire, bénéfique [pour soi et pour les autres]
Purifier son esprit : Voilà les instructions des Eveillés.
Dhammapada 14.5

En guise de « carte géographique », nous pouvons nous servir du Tripitaka, des Trois corbeilles : les sutras, le Vinaya et l’Abhidharma. Pour les bouddhistes nichiréniens, tous sont insérés dans la récitation du Odaimoku. La croyance dans le Odaimoku ne veut cependant pas nécessairement dire que nous devrions juste le « réciter » et ne pas étudier le Tripitaka. En effet, Nichiren a parlé dans ses écrits de la nécessité de la foi, de la pratique et de l’étude.

Mais revenons à ce « qu’est un Sangha ».

Dans le sens large du mot, un Sangha désigne les quatre assemblées de moines, de nonnes, d’hommes et de femmes laïques. On a souvent dépeint le Bouddha transmettant ses enseignements à « la quadruple assemblée », entouré de moines, de nonnes ainsi que de disciples hommes et femmes parmi lesquels les gens circulaient dans un va-et-vient incessant.

Ainsi, le Sangha est une communauté religieuse de personnes qui se sont rassemblées afin de se soutenir dans leur pratique menant à l’éveil. Voici comment Thich Nhat Hanh décrit un Sangha :

« … une communauté d’amis qui pratiquent le dharma ensemble, afin de faire apparaitre et cultiver notre conscience. L’essentiel d’un Sangha est précisément cette conscience, cette compréhension, compassion, acceptation, harmonie et amour. » Il écrit ensuite : « Quand nous disons dans nos prières : ‘Je prends refuge dans le Sangha’, ces mots ne devraient pas être juste des mots, mais une pratique en soi. »
Extrait de « Friends on the Path: Living Spiritual Communities » (2002)

Faire partie d’un Sangha va bien au-delà des mots et de ce auquel s’identifier : cela implique s’engager à agir là où nous pourrions dire : « Namu ».

Le Bouddha spécifia très clairement qu’il était essentiel de s’associer et de s’entourer de bons amis :

« C’est alors que le vénérable Ananda s’approcha de l’Ainsi-Venu, lui rendit hommage et s’assit à son côté en disant :

« Vénérable seigneur, il parait que la vie d’un saint homme est pour moitié constituée d’amitiés vraies, de bons compagnons et d’une camaraderie sans faille. »

« Non, ce n’est pas ainsi, Ananda ! Non, Ananda, au contraire ! Les amitiés vraies, les bons compagnons et une camaraderie sans faille font partie intégrante des éléments qui constituent la vie d’un saint homme. Quand un moine a un ami vrai, un bon compagnon et un bon camarade, on peut s’attendre qu’il suive et approfondisse l’Octuple Noble Chemin ».
Samyutta Nikaya 45.2

« Cinq choses permettent au cœur d’éclore et nous procurent une paix qui perdure », dit le Bouddha au moine Meghiya : « La première est une intimité issue de belles amitiés. La deuxième est d’être une personne de bonne vertu. La troisième est d’avoir des échanges qui inspirent et encouragent autrui à pratiquer. La quatrième requiert d’être assidu, plein d’énergie et d’enthousiasme pour ce qui est bon ; et la cinquième implique d’être capable d’entrevoir la dimension de l’impermanence, la temporalité. »
Udana 4.1

Voici la définition de ce que signifie « bons amis et bons camarades » extraite de l’ouvrage [qui paraîtra bientôt] du Révérend Ryuei McCormick, ‘A Nichiren Buddhist Dictionary’ :

Se faire de bons amis (J. gon zenchishiki; 近善智識) : Selon Zhiyi, pour se préparer aux cinq conditions liées aux vingt-cinq moyens permettant de s’adonner à la pratique de calmer et maîtriser ses pensées et de contempler [les choses telles qu’elles sont], il est essentiel de s’entourer de bons amis parmi lesquels on peut compter 1) ceux qui nous fournissent soutien et protection extérieure, 2) les personnes avec lesquelles pratiquer, et 3) les maîtres. (CSQI, pp. 652-658, 1673)

Bon ami (S. kalyāṇamitra; J. zenchishiki; 善知識) : Le terme sanskrit ‘kalyāṇamitra’ signifie littéralement « bon savoir » et se réfère à un ami proche ou un maître qui sait insuffler en nous l’esprit d’éveil. On retrouve ce terme dans le XXIIIème chapitre du Sutra du Lotus « Conduite originelle du bodhisattva Yakuo (Roi des remèdes) », se référant à celui qui est capable d’insuffler l’esprit d’éveil.

Le sens du mot « Sangha » fut un temps limité à la communauté monastique ou à ceux qui étaient entrés dans les ordres. Il s’agit de pratiquants « à temps complet », qui n’ont plus besoin de s’occuper des tâches domestiques et s’abstiennent de tout plaisir sensuel et attachement matériel. Les moines ainsi ordonnés doivent s’engager à respecter une centaine de « règlements contraignants » établis par le Bouddha afin que l’harmonie règne dans le Sangha monastique, ainsi qu’entre les moines et les pratiquants laïques. Ces règlements assurent également que les moines se conduisent comme des saints, des arhats.

En ce qui concerne les quatre assemblées composées de moines et de laïcs, bien qu’ils aient pu atteindre différents niveaux spirituels en dépit de leur statut dans les ordres ou leur foyer, tous sont les disciples de Bouddha et il ne peut non plus y avoir de hiérarchie ni de supériorité entre eux.

Notons au passage que le Bouddha n’établit jamais de hiérarchie ou une échelle d’autorité institutionnelle. Son refus d’établir ce genre de système fut l’une des causes du conflit qui se produisit entre lui et Devadatta qui voulait devenir « Le Meneur », le dirigeant. Après le décès du Bouddha, la gestion du Sangha se basa sur les décisions consensuelles pour lesquelles l’ensemble des membres du Sangha avait majoritairement votées.

Le Bouddha n’octroya aucune autorité aux moines bouddhiques qui ait pu leur permettre d’avoir une emprise sur les gens du commun [c’est-à-dire les chefs de famille]. Si les moines désapprouvaient la conduite des laïcs soutenant leur temple, la seule chose qu’ils pouvaient faire était de refuser leurs offrandes. Il en allait de même pour les laïcs qui pouvaient s’abstenir de faire des dons aux moines, si ces mêmes moines ne se conduisaient pas eux-mêmes selon les préceptes. A l’origine donc, le Bouddha constitua le Sangha dans l’intention de créer une communauté de pratiquants célibataires bénévoles qui devaient vivre comme des mendiants itinérants dont la subsistance dépendait des offrandes que leur faisaient ceux qui voulaient soutenir leur pratique. Le Bouddha n’instaura jamais d’église ou un système de temples, tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Quel est le rôle d’un Sangha institutionnel, voire institutionnalisé ? Par sangha institutionnel, j’entends non seulement la lignée ininterrompue de moines qui vivent selon les principes monastiques dont les origines remontent au Sangha de moines établi par le Bouddha - mais j’inclus aussi dans ce terme les Sanghas religieux institutionnalisés empreints d’un esprit plus moderne. Ceux-ci ne sont parfois même pas affiliés à un Sangha monastique régi par les préceptes contraignants que le Bouddha avait enseignés. A mon avis, le Sangha institutionnel existe seulement pour fournir un cadre à une expression plus authentique de ce que le Sangha signifie vraiment. Le but d’un sangha institutionnel est de procurer un soutien à l’étude et à la pratique de ceux qui honorent et partagent le Dharma Merveilleux, car c’est là qu’il est possible d’œuvrer ensemble, d’apprendre à être des « amis proches ». Un Sangha institutionnel peut procurer tout cela en offrant des formations, en certifiant des pratiquants laïques ainsi qu’en nommant ses représentants du clergé et en rassemblant des matériaux d’étude ; un tel Sangha peut former ses membres et les entrainer à pratiquer, tout en veillant à ce que les membre ainsi que les responsables attitrés embrassent leurs responsabilités respectives, et qu’harmonie et confiance puissent s’instaurer au sein du groupe.

Le Bouddha parle plusieurs fois du « Arya Sangha » ou du « Noble Sangha » qui comprend les nouveaux venus ou ceux qui entrent dans le courant bouddhique ; ceux qui sont revenus ou ne renaissent qu’une fois avant d’atteindre le nirvana ; ceux qui sont partis ou ne reviennent pas, et les arhats.

Chacun de ces états pouvait être atteint par des moines ou des laïcs. Pourtant, il était dit qu’afin qu’un laïc devienne arhat, il fallait qu’il soit sur son lit de mort ou qu’à la première occasion qui s’offre à lui, il renonce à sa vie de laïc et entre dans les ordres.

Le chapitre XXI du Sutra du Lotus dit que le sangha des Derniers jours du Dharma comprend les bodhisattvas Surgis-de-Terre dont la mission spécifique est d’enseigner le Dharma merveilleux. Un sangha constitué de ces bodhisattvas-là dépasse [donc] toutes les limites institutionnelles.

Le Bouddha dit aussi dans le Sutra du Lotus que nous obtiendrons tous de grands mérites si nous sommes capables de partager ne serait-ce qu’une ligne ou une phrase du Dharma merveilleux. Cela signifie que nous devons tenter d’être de « bons amis » avec qui nous pouvons pratiquer, avec qui peut nous faire grandir spirituellement et ceux que nous pouvons aider à pratiquer.

Dans le chapitre XV du Sutra du Lotus, ces bodhisattvas arrivent en groupes de taille différente. Certains ont beaucoup de disciples tandis que d’autres bodhisattvas Surgis-de-Terre sont des pratiquants solitaires. Cela signifie que, parmi les bodhisattvas Surgis-de-Terre, ces solitaires ont leur place.

Dans d’autres prêches, qu’ils soient pré-Mahayana ou Mahayana, le Bouddha fait l’éloge des pratiquants solitaires qui vivent en ermite dans la forêt. Vivre ainsi était autorisé à une double condition : ces ermites devaient quêter leur nourriture auprès des laïcs, lesquels soutenaient ainsi la foi des ermites. Ils devaient aussi se joindre aux autres moines pour réciter en chœur les préceptes deux fois par mois, au moment de la pleine lune et de la nouvelle lune. Il y a en effet des périodes où nous devons nous-même nous éloigner des autres et nous retrouver seul afin d’intégrer ce que nous avons appris. Toutefois, le Bouddha a nettement recommandé, à nous qui pratiquons, de nous entraider et de nous encourager mutuellement.

Le sens du mot « sangha » s’est récemment élargi pour inclure toute personne intéressée par le bouddhisme. Cette nouvelle signification comprend des communautés de méditation ou des groupes proches du bouddhisme qui se définissent eux-mêmes comme « sangha » ou communauté de pratique bouddhique.

D’un point de vue historique [ou provisoire au niveau de la Triple vérité], nous venons de voir que les définitions du mot « sangha » sont multiples. Tentons maintenant de comprendre le sangha dans une perspective ultime, atemporelle ou métaphysique.

Si l’on considère le sangha sur le plan métaphysique, il faut bien se rappeler pourquoi le Bouddha déclara que l’un des Trois Trésors était la communauté. Une fois de plus, l’ultime inclut le provisoire et le provisoire inclut l’ultime.

Le concept de « sangha » pourrait aussi s’élargir au sens d’englober tous les êtres sensitifs – disons même tous les habitants d’un seul et même écosystème – en qualité de membres d’un seul et même sangha. Cette conception idéale va de pair avec un sens développé de l’interrelation, d’une appréciation plus vaste de la façon dont mieux comprendre et vivre le concept d’interdépendance ainsi que la responsabilité partagée entre nous tous, êtres humains, de respecter et de se soucier les uns des autres.

Le Sutra du Lotus et le Sutra du Nirvana disent que cette compréhension universelle du sangha signifie que tous les êtres possèdent la nature de bouddha et que tous ont un lien karmique profond avec le Dharma. Le moment venu, ils s’y éveilleront et permettront aux autres de s’y éveiller. À propos de cette conception métaphysique universelle du sangha, Thich Nhat Hanh écrit très poétiquement :

« Les écrits bouddhiques indiquent quatre communautés : les moines, les moniales et les laïcs, hommes et femmes. J’y inclus également des éléments non humains. Les arbres, l’eau, l’air, les oiseaux, etc., peuvent aussi participer à notre sangha. Un beau chemin peut aussi faire partie de notre sangha. Un bon oreiller aussi. Nous pouvons y inclure beaucoup d’éléments. Cette façon de voir n’est pas vraiment une nouveauté ; on la trouve dans certains sutras ainsi que dans l’Abhidharma. Ainsi, le Sutra du Lotus mentionne un galet, une feuille et un dahlia. On lit dans le sutra de La Terre pure que si vous êtes attentif, vous pouvez entendre quand le vent souffle dans les arbres l’enseignement des quatre définitions de la pleine conscience, celui de l’Octuple chemin, etc. Le cosmos tout entier prêche le Dharma du Bouddha et pratique le Dharma du Bouddha. Si vous êtes attentif, vous percevrez ce sangha. »

Pour revenir à notre situation d’être humain, pourquoi avons-nous besoin d’un sangha ? Êtres biologiques ayant évolué en êtres sociaux, nous avons besoin les uns des autres pour notre sécurité, notre confort, notre procréation et notre survie. Nous avons donc besoin d’appartenir à une communauté, d’avoir des amis, une famille. L’isolement carcéral est perçu comme un châtiment cruel et exceptionnel. Pratiquer tout seul peut être très difficile et provoquer un sentiment de solitude. De temps en temps surviennent des moments de déprime. Il est donc bien d’avoir de bons amis auxquels parler, une main secourable ou une épaule sur laquelle se reposer.

Les pratiquants solitaires doivent aussi savoir être humble : ne pas croire qu’ils savent tout, qu’ils n’ont besoin ni de bons amis ni d’aînés en spiritualité auxquels demander conseil ou parfois une aide.

Thich Nhat Hanh ajoute :

« Si nous abordons nos problèmes tout seuls, la difficulté s’accroît. Mais si nous avons quelqu’un, un bon ami près de nous, nous nous sentons bien mieux. Nous nous sentons encouragés et avons plus de force pour maîtriser nos émotions. C’est pourquoi il est important de pratiquer au sein d’un sangha. Nous avons des problèmes personnels, dans nos familles, dans la société et nos pays respectifs. Au XXIe siècle, la méditation devrait être une pratique collective ; sans un sangha, nous n’irons pas loin. Quand nous commençons à nous préoccuper de la souffrance sur une vaste échelle, nous nous relions à elle et comprenons que ce sont les autres, qui sont d’autres nous-mêmes, qui souffrent - et nos petits problèmes personnels disparaissent. Ainsi, notre isolement ou notre impression d’être coupé du monde ira s’estompant, et nous pourrons agir ensemble. »

Au cours de notre méditation à haute voix, notre attitude et notre intention sont la joie, l’humilité et la réflexion sur nos erreurs. Si l’on pense qu’on n’a besoin de rien ni de personne et qu’on sait tout, ce peut être un obstacle, une entrave à l’éveil. Ceci n’implique pas qu’il faille entrer dans une secte ou une école, ni se définir par une quelconque appartenance ou se sentir en faute si l’on s’abstient de toute adhésion. Mais il faut être honnête avec soi-même, et accepter d’avoir parfois besoin d’une main tendue ou d’un conseil et savoir vers qui se tourner ou sur qui compter.

Le monde est immense ! Il n’y a pas un temple à chaque coin de rue, et son accès n’en est pas facile pour tout un chacun. Tout le monde n’a pas non plus les moyens de pouvoir se joindre à une communauté en ligne. Ce sont 7 milliards d’êtres humains sur la planète, et personne n’est identique à quelqu’un d’autre. Chacun a besoin de quelque chose de différent. Aucune organisation, aucun réseau, aucun groupe ne peut être au gout de tous. De plus, en tant que bodhisattvas Surgis-de-Terre, notre objectif est à la fois notre éveil et la capacité d’aider les autres à s’éveiller également. [N’oublions pas notre vœu initial] de nous être engagé à changer le monde.

Thich Nhat Hanh écrit encore:

« Je ne pense pas que le Bouddha voulait nous faire quitter notre société, notre culture et nos racines afin que nous puissions pratiquer. La pratique bouddhique devrait aider quiconque à retrouver sa famille. Elle doit aider chacun à revenir dans la société pour redécouvrir et accepter les bonnes choses qui existent au sein de sa culture et introduire celles qui n’y sont pas. Le sangha est l’un des Trois trésors. Or, qu’est-ce que cela signifie pour ceux qui veulent pratiquer seul ou être « indépendant » ?

Le Bouddha dit que si l’on ne peut trouver de bons amis, il est préférable de pratiquer seul plutôt que de s’associer à des gens qui prônent des comportements malsains et qui, peut-être, se méprennent sur leur propre réalité et, de ce fait, induisent les autres en erreur.

« Il vaut mieux marcher seul,
les insensés sont mauvaise compagnie.
Marche seul et ne commets pas le mal,
libre comme l’animal à défenses au sein des bois. »
Majjhima Nikaya 128.6

Sachant que certains voudront et auront besoin d’être seul dans leur pratique, occasionnellement ou définitivement, le Bouddha leur a indiqué comment procéder correctement :

« - C’est une voie où l’on vit seul, Sage Aîné, je ne le nie pas. Mais quant à ce qui est de vivre seul, écoute ce que je vais te dire et applique-le de près.

- Oui, Vénérable.

- Et comment, Sage Aîné, la vie en solitaire est-elle précisément accomplie ? Ici, Sage Aîné, ce qui fut dans le passé est oublié, ce qui sera dans le futur est abandonné ; soigneusement éliminés sont les désirs et l’avidité pour les formes actuelles de l’existence présente. C’est de cette façon, Sage Aîné, que la vie en solitaire est précisément accomplie. » C’est ce que dit l’Honoré du monde. Ayant dit cela, le Bienheureux, le Maître, dit encore ceci :

« Le sage, celui qui appréhende tout, celui qui sait tout, l’immaculé au sein de toute chose, ayant réfuté les castes, s’étant libéré par la destruction des passions : J’appelle cette personne « celui qui vit seul ».
Samyutta Nikaya 21.10

« Ne laissez personne revivre le passé
Ou fonder ses espoirs sur le futur.
Car le passé est derrière,
Et le futur n’est pas encore atteint.
Mais faites en sorte qu’il puisse voir avec sagesse
chaque situation qui se présente ;
qu’il la voie et qu’il en soit certain,
invinciblement, inébranlablement.
Aujourd’hui, il s’agit de pratiquer l’effort ;
la mort peut survenir demain, qui sait ?
On ne négocie pas avec la mortalité.
Rien ne la fera reculer, elle et sa cohue,
mais celui qui vit ainsi avec ferveur,
qui s’évertue et s’adonne jour et nuit,
c’est celui, dit le Sage paisible,
qui sait parfaitement aimer la solitude. »
Majjhima Nikaya 131.3

Le Sutra du Lotus encourage tout le monde à enseigner, ne serait-ce qu’un seul vers… Nul besoin d’être ordonné ou membre d’une communauté pour partager le Dharma. De même, le Sutra du Lotus reconnait non seulement les pratiquants solitaires ou « indépendants », mais aussi l’importance de leur mission qui est perçue à égalité avec les agissements de tous les autres bodhisattvas Surgis-de-Terre :

« Lorsque le Bouddha prononça ces mots, le sol des trois mille mondes de l’espace Saha se mit à trembler et se fendit et, d’un seul coup, d’innombrables milliers de millions de bodhisattavas-mahasattvas en surgirent. Ces bodhisattvas avaient des corps couleur d’or, possédaient les trente-deux marques et irradiaient de façon indescriptible. Jusqu’alors, ils étaient restés dans l’espace vide situé sous ce monde Saha. Ces bodhisattvas en étaient remontés en entendant les paroles du Bouddha Shakyamuni. Chacun d’eux était accompagné d’une grande assemblée ; ils dirigeaient leurs disciples aussi nombreux que les grains de sable de soixante mille Ganges. La plupart d’entre eux étaient suivis de disciples aussi nombreux que les grains de sable de cinquante mille, quarante mille, trente mille, vingt mille ou dix mille Ganges. Encore plus nombreux étaient ceux qui étaient accompagnés de disciples aussi nombreux que les grains de sable d’un seul Gange, d’un demi-Gange ou d’un quart de Gange, jusqu’à un millième d’un dix millième d’un millionième d’un milliardième de Gange. Encore plus nombreux étaient ceux accompagnés de disciples au nombre de dizaines de milliards de myriades, ou de disciples au nombre de milliards, ou de disciples au nombre de centaines de millions, ou de disciples au nombre de centaines de millions, de dizaines de millions, de millions, de milliers, de dizaines ; il y en avait même qui étaient suivis de cinq, quatre, trois, deux ou d’un seul disciple. En plus grand nombre encore étaient ceux qui vinrent seuls, satisfaits de leur pratique solitaire. Le nombre total de tous ces bodhisattvas était incommensurable et sans limite, au-delà de toute appréhension par calcul ou tout autre moyen. »

Tous sont bienvenus au sein du Dharma : les grands groupes, les petits groupes ainsi que les pratiquants solitaires. Aucun souci à se faire si vous ne souhaitez pas entrer dans une école officielle ou faire partie d’un groupe, d’une organisation ou suivre la lignée d’une école de pensée, mais ne perdez pas de vue qu’être bouddhiste signifie bien plus que simplement pratiquer pour soi-même. Quand on se dit bouddhiste, il convient d’étudier et de pratiquer en aspirant à devenir un bon ami spirituel pour autrui. Et peut-être ainsi pourrez-vous fonder, un jour, votre propre groupe.

Le but de notre pratique est de nous éveiller tout en partageant cette Voie avec les autres de toutes les façons possibles, par exemple de façon informelle. Dire un mot gentil, tendre une main secourable, écrire, agir pour la justice sociale, les problèmes climatiques, dans le domaine des arts, de la musique, participer à un mouvement… Les groupes bouddhistes formels et informels peuvent tous être des moyens de partager le Dharma.

Au sein de ce monde provisoire, tout est moyen habile. Le Dharma a des significations innombrables : tout dépend de la façon dont l’adapter à chaque situation.

Tous embarqués sur « le même bateau », tout en apprenant à accepter tous les êtres, toutes les traditions, toutes les religions, pouvons-nous avec patience et compréhension prendre soin du monde et nous éveiller personnellement.

Le sangha de la Nichiren Shu de la San Francisco Bay Area accueille tout le monde - bouddhistes ou non bouddhistes, y compris les pratiquants solitaires – tous ceux qui souhaitent se joindre à ce groupe pour réciter le Odaïmoku sans aucune pression, sans prérequis ni demande d’adhésion. Chacun est libre d’aller et venir à sa guise. Nous proposons une large gamme de services, de cérémonies et rites religieux, et de méditations guidées, que ce soit pour des bouddhistes qui se sont formés seuls, des adeptes nichiréniens, des bouddhistes d’autres confessions ou des humanistes laïcs.

La NBA ne contraint personne à s’engager ou à obéir aveuglément à un dirigeant, un maître, un mentor ou un gourou. Nous ne disons à personne avec qui pouvoir ou non s’associer, ni ne disons s’il convient d’assister à d’autres services ou pratiques. Aucune autorité hiérarchique nous dit que faire ou nous critique si nous trébuchons, ou nous condamne si nous commettons une erreur. Après tout, avons-nous vraiment besoin de quelqu’un pour nous dire ce que nous devons faire, alors que notre petite voix intérieure en est parfaitement capable ?

Tout en appréciant et honorant notre histoire et nos racines, nous croyons aussi que louer exagérément des sectes ou des institutions est une entrave à la libération et l’éveil, car cela entretient l’attachement et induit un contrôle inutile. Une telle attitude va en fait à l’encontre de ce qu’enseignait le Bouddha.

Si les enseignements du Bouddha sont véritablement efficaces, chacun devrait pouvoir se libérer et s’éveiller au moyen de ses propres efforts et non grâce à un professeur, un maître, un chef spirituel ou un mentor. Chacun doit développer sa capacité de faire lui-même des choix salutaires, c’est-à-dire trouver les moyens habiles dont il a besoin et rester pleinement conscient pour vivre avec amour, compassion, joie et bien-être.

Le bouddhisme se vit à travers l’expérience. Le Bouddha a montré la voie : il a indiqué comment se libérer de la souffrance, comment trouver le bonheur, comment participer à la création d’un monde magnifique de paix et d’amour. Mais c’est à nous de le réaliser. C’est un enseignement pour « grandes personnes »; le Bouddha s’adresse à des adultes, non à des enfants.

À chaque fois que le Bouddha finissait d’enseigner, ses paroles d’adieu étaient les suivantes :

« Maintenant le temps est venu de faire ce que vous jugez convenable. »

Pendant plus de 2500 ans, la tradition bouddhique a offert le moyen, pour chaque personne, de s’éveiller et de rendre ainsi réelle et vivante sa propre nature de bouddha. Le Bouddha n’a jamais prétendu être un dieu ; il n’a jamais dit que nous devions le suivre vers un paradis extraterrestre. Il a plutôt dit :

« Essayez et voyez par vous-mêmes. »

Le Bouddha insistait sur la responsabilité partagée, sociale, aussi bien que personnelle. Dans le fond, le bouddhisme dit que si nous nous libérons, nous sommes à même de libérer le monde. La pleine conscience et la compassion sont de nobles qualités humaines que chacun peut cultiver. Grâce à la pratique, nous pouvons nous sentir rassurés et vivre en toute confiance. Ainsi, nos pensées, nos paroles et nos actions peuvent nous transformer et influencer positivement tout notre environnement.

Namu Myoho Renge Kyo

Rév. Ryuei McCormick et Shami Ryugan Herrick,
Octobre 2021


Source : https://www.nichirenbayarea.org/voices-from-the-sangha/what-is-a-sangha-does-one-need-to-belong-to-a-sangha-to-be-a-buddhist