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La pleine conscience règne |
Best-sellers, applis, cours... Pourquoi la méditation a-t-elle conquis des millions de Français ? A l’heure où tout s’accélère, cet art de vivre l’instant présent rassure. Ses fondements scientifiques aussi. Le burn-out, un déclic C’est en effet du côté de l’édition que se mesure l’ampleur du phénomène. Quelque 50 000 exemplaires pour Méditer : 108 leçons de pleine conscience (Les Arènes, 2010), de Jon Kabat-Zinn ; 350 000 pour Méditer, jour après jour (L’Iconoclaste, 2011), du médiatique psychiatre français Christophe André. « Le chiffre nous a surpris ! », avoue Catherine Meyer, directrice du secteur psychologie aux Arènes-L’Iconoclaste, qui pense que « l’effet CD a fait décoller les ventes ». L’appli « Psychologies Magazine », créée avec Christophe André, se maintient dans le Top 20 des plus téléchargées, et les cycles MBSR proposés à Paris et en province affichent souvent complet. « Nous avons aujourd’hui 180 instructeurs affiliés à l’Association pour le développement de la Mindfulness », affirme sa présidente, Geneviève Hamelet. Comment expliquer ce succès fulgurant, quand des pratiques comme le yoga ont mis des années à s’installer ? D’abord, par un discours qui colle à l’air du temps. « Le quotidien se présente comme une liste de tâches à effectuer, que l’on biffe l’une après l’autre, avant de finir par s’écrouler le soir pour mieux céder au même affairement le lendemain », explique Jon Kabat-Zinn. En pleine conscience, on passe du mode “faire” au mode “être”. » Ne plus être une machine à rayer des Post-it, ne plus avoir le cerveau qui bouillonne… Pas étonnant que l’idée plaise. Validation scientifique La promesse de ce néo-carpe diem suffirait, donc, à séduire des milliers de Français ? Pas seulement. M. Kabat-Zinn rappelle que la patrie de Descartes a été une des dernières à traduire ses livres. Si elle accorde désormais du crédit à la pleine conscience, c’est parce que la pratique est validée scientifiquement. D’abord méfiant, le monde de la recherche est désormais emballé par le sujet – près de 700 études en 2014. Un travail publié par la revue The Lancet, en avril, (université d’Oxford) prouve que la méditation de pleine conscience est aussi efficace contre la déprime que les traitements avec antidépresseurs. Mieux encore : méditer provoque des changements au cœur du cerveau, comme le montrent des études du neuropsychiatre Richard J. Davidson (université du Wisconsin) et de Tania Singer, directrice du département de neurosciences sociales à l’Institut Max-Planck. La pratique entraîne l’activation de plusieurs aires liées à la bienveillance et l’empathie, provoquant des émotions positives ; tandis que d’autres zones, liées à la peur et à l’agressivité, sont désactivées. La science et Bouddha Une dizaine d’hôpitaux français mettent en place des programmes basés sur la pleine conscience. A la faculté de médecine de Strasbourg, un diplôme « médecine, méditation et neurosciences » a même été créé en 2012. « Sans la science, nous ne serions pas ici ce soir », rappelle M. Kabat-Zinn. « Mais nous n’avons rien inventé. La pratique de la pleine conscience est née il y a trois mille ans, et nous la devons à Bouddha. » Une manière de rendre à Bouddha ce qui est à Bouddha, et d’ajouter un supplément d’âme à son programme scientifique. Mais Jon Kabat-Zinn le répète : « Je ne suis pas bouddhiste. » Car, présentée comme « laïque », sans engagement spirituel, la pratique paraît plus accessible. « La force de la pleine conscience, c’est de renvoyer à un bouddhisme vidé de sa doctrine, qui s’apparente plutôt à de l’autothérapie », analyse Nadia Garnoussi, maître de conférences en sociologie à l’université Lille-III au Centre de recherches individus, épreuves, sociétés. « Quête de sens » A la fin de la conférence, le public se presse autour d’un stand de livres. Plus d’une centaine d’ouvrages sur le sujet ont été publiés depuis 2012. De Calme et attentif comme une grenouille (Les Arènes, 2012), livre-CD de méditation pour enfants écoulé à 100 000 exemplaires, à Apprendre à manger en pleine conscience (Les Arènes, 2013), Vivre sa maternité en pleine conscience (De Boeck, 2014) et S’exprimer en pleine conscience dans le monde des affaires (Kikasse éditions, 2014). Des déclinaisons à l’infini qui font le bonheur des éditeurs, mais risquent, à terme, de décrédibiliser le sujet. Tout comme ces conférences de presse où des marques de luxe et quelques people promettent un « instant méditation ». « Il est inévitable, quand quelque chose fonctionne, que tout le monde s’en empare. Mais la mode retombera. En revanche, le mouvement scientifique va s’ancrer dans la société », espère Jon Kabat-Zinn. Celui-ci propose de nous initier par un principe simple : « Quand vous êtes sous la douche, soyez uniquement sous la douche ! Et pas déjà en réunion à répondre à votre chef. » Le lendemain matin, on a essayé de n’être « que » sous la douche, rien que sous la douche. Mais on ne pensait qu’à une chose : trouver une chute à cet article. |
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